Bien qu’elle ait été au centre de quelques controverses ces derniers temps, la comédie musicale de Jacques Audiard intitulée « Emilia Pérez » a triomphé en décrochant sept César, dont ceux de la meilleure réalisation et du meilleur film. En revanche, « Le Comte de Monte-Cristo », malgré ses 14 nominations, n’a obtenu que deux récompenses.
Après avoir décroché le Prix du jury au Festival de Cannes et été récompensé lors des Golden Globes, le film Emilia Pérez continue de faire sensation en collectionnant les prix. À l’occasion de la 50e cérémonie des César, qui s’est tenue à l’Olympia (Paris) le vendredi 28 février, cette comédie musicale a remporté pas moins de sept statuettes. Pourtant, rien n’était joué d’avance, le film de Jacques Audiard ayant été entouré de controverses. De plus, le long-métrage était en compétition avec d’autres films à succès ayant accumulé des millions d’entrées, tels que Le Comte de Monte-Cristo et L’Amour ouf.
En marge de cette soirée, le cinéma a profité de l’occasion pour faire passer des messages engagés à propos de la guerre en Ukraine ou des réductions budgétaires touchant le secteur culturel. Voici les principaux faits marquants de l’événement.
Victoire pour Emilia Pérez, malgré les controverses
Le film Emilia Pérez de Jacques Audiard a été le grand triomphateur de la soirée, raflant sept prix, y compris celui du meilleur film et celui de la meilleure réalisation. Pour le réalisateur septuagénaire, ces distinctions contrastent avec le parcours tumultueux du film : cette comédie musicale qui raconte l’histoire d’un narcotrafiquant ayant changé de sexe a essuyé des critiques au Mexique concernant son portrait du narcotrafic. De surcroît, des anciens messages polémiques de l’actrice principale, Karla Sofia Gascon, ont refait surface sur les réseaux sociaux, risquant de jouer en défaveur du film pour les Oscars, malgré un record de 13 nominations pour une production non anglophone.
Lors de son discours, Jacques Audiard a exprimé sa gratitude envers son équipe, qu’il a qualifiée d’« admirable ». Il a déclaré : « Quand je dis toute mon équipe, ce n’est pas pour revendiquer une appartenance, mais pour déclarer mon amour. Les comédiennes incluses, j’ai adoré travailler avec vous, je vous aime. »
Une désillusion pour Le Comte de Monte-Cristo
Avec 14 nominations, y compris pour les César du meilleur film, du meilleur acteur et de la meilleure réalisation, Le Comte de Monte-Cristo n’a décroché que deux trophées : celui des meilleurs costumes et celui des meilleurs décors. Ce résultat est une grande désillusion pour un film qui a attiré plus de neuf millions de spectateurs en salles en 2024.
Le troisième film du duo Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte propose une réinterprétation captivante de l’œuvre d’Alexandre Dumas. Malheureusement pour l’acteur Pierre Niney, qui a quitté la cérémonie les mains vides, il incarne un Edmond Dantès à la fois tourmenté et brillant, animé d’une volonté farouche de vengeance envers ceux qui l’ont trahi.
Des discours politisés
En dédiant la soirée à l’Ukraine, la présidente de cérémonie, Catherine Deneuve, a insufflé un ton engagé dès l’ouverture de la cérémonie. « Je déclare ouverte la 50e cérémonie des César et je la dédie à l’Ukraine », a-t-elle annoncé sur scène, arborant un pin’s aux couleurs ukrainiennes.
Avec aussi le trophée de la révélation masculine attribué à Abou Sangaré pour son rôle dans L’Histoire de Souleymane, on a été ramené à l’actualité française. Au moment où le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, cherche à limiter les régularisations, Sangaré, ancien sans-papiers guinéen régularisé récemment, a déclaré en récupérant son prix : « J’ai failli perdre toute vie, je me sentais invisible. Depuis ma traversée de la Méditerranée en avril 2023, j’ai tout vécu, la misère, etc., ce qui forge l’humanité, le bon comme le mauvais. » Il a conclu par un touchant « Merci pour votre intégration au sein de l’humanité » envers l’équipe du film et l’Académie des César.
Les réductions budgétaires dans le domaine culturel ont suscité des commentaires critiques. Josiane Balasko a interpellé Rachida Dati, ministre de la Culture, en soulignant : « Rien de personnel, mais alors que Trump souhaite éliminer les soutiens au cinéma, il est essentiel de bâtir une Europe culturelle forte pour espérer un jour triompher dans ce face-à-face. » Vincent Macaigne a, lui, lancé un appel vibrant à « exorciser les esprits négatifs, rejeter les forces obscures et célébrer un avenir radieux ».
Karim Leklou et Hafsia Herzi, les surprises de la soirée
Avec un jeu tout en richesse et subtilité, Karim Leklou a surpris en recevant sa première distinction majeure pour son rôle dans Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Il était en lice face à des poids lourds comme Pierre Niney, Tahar Rahim et François Civil. À 42 ans, Leklou a été récompensé du César du meilleur acteur pour son interprétation d’Aymeric, personnage bienveillant qui embrasse son rôle parental malgré les barrières biologiques avant d’être brutalement séparé de l’enfant par le père biologique. Son prix, il l’a dédié « à tous ceux qui sont souvent négligés, ceux qui vivent des vies difficiles, mais demeurent résilients ».
De son côté, Hafsia Herzi a été couronnée meilleure actrice pour son rôle de gardienne de prison accusée de complicité dans un double homicide en Corse, dans le thriller Borgo de Stéphane Demoustier. Elle se mesurait à Adèle Exarchopoulos, qui a déjà été deux fois récompensée aux César. Herzi, déjà lauréate en 2008 du César du meilleur espoir féminin pour La graine et le mulet, a partagé son émotion : « Je suis profondément émue, (…) cette expérience a été incroyablement enrichissante. » Nommée en 2024 pour son rôle de sage-femme dans Le ravissement, elle démontre une nouvelle fois son talent.
Honneurs pour Julia Roberts et Costa-Gavras
La célèbre Julia Roberts a exprimé sa joie en recevant un César d’honneur, déclarant : « Aujourd’hui, ma vie est un rêve ! Être sur scène seule, c’est presque une tricherie », en soulignant que ses équipes devraient être à ses côtés. Elle a également remercié pour ses années de carrière qui lui ont permis de vivre son rêve quotidiennement. Remis par Clive Owen, qui l’avait côtoyée dans Closer, entre adultes consentants en 2005, le prix a salué « une icône du cinéma ».
Applaudi chaleureusement, le cinéaste franco-grec Costa-Gavras, âgé de 92 ans, a également reçu un César d’honneur pour l’ensemble de son œuvre, remerciant la France « accueillante ». « Je veux saluer cette France, terre d’humanisme, qui s’oppose à toutes les dictatures et à toute forme de haine », a-t-il affirmé. Costa-Gavras avait été distingué en 2003 pour Amen, qui dénonçait le silence du Vatican durant l’Holocauste.
Récompenses complètes de la cérémonie
Meilleur film : Emilia Pérez de Jacques Audiard
Meilleure actrice : Hafsia Herzi (Borgo)
Meilleur acteur : Karim Leklou (Le Roman de Jim)
Meilleure réalisation : Jacques Audiard (Emilia Pérez)
Meilleure actrice dans un second rôle : Nina Meurisse (L’Histoire de Souleymane)
Meilleur acteur dans un second rôle : Alain Chabat (L’Amour ouf)
Meilleure révélation féminine : Maïwene Barthèlemy (Vingt Dieux)
Meilleure révélation masculine : Abou Sangaré (L’Histoire de Souleymane)
Meilleur premier film : Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Meilleur film étranger : La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
Meilleur montage : Xavier Sirven (L’Histoire de Souleymane)
Meilleure photographie : Paul Guilhaume (Emilia Pérez)
Meilleur scénario original : Boris Lojkine et Delphine Agut (L’Histoire de Souleymane)
Meilleure adaptation : Jacques Audiard (Emilia Pérez)
Meilleure musique originale : Clément Ducol et Camille (Emilia Pérez)
Meilleur son : Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz et Niels Barletta (Emilia Pérez)
Meilleurs costumes : Thierry Delettre (Le Comte de Monte-Cristo)
Meilleurs décors : Stéphane Taillasson (Le Comte de Monte-Cristo)
Meilleurs effets visuels : Cédric Fayolle (Emilia Pérez)
Meilleur court métrage d’animation : Beurk ! de Loïc Espuche
Meilleur court métrage documentaire : Les Fiancées du Sud d’Elena Lopez Riera
Meilleur court métrage de fiction : L’homme qui ne se taisait pas de Nebojša Slijepčević
Meilleur film d’animation : Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis
Meilleur film documentaire : La Ferme des Bertrand de Gilles Perret