Avec l’entrée en fonction du nouveau président de l’institution ce samedi, les membres auront à trancher sur divers dossiers délicats au cours des semaines et mois à venir.
Richard Ferrand est confronté à de nombreux défis. L’ancien président de l’Assemblée nationale a officiellement pris les rênes du Conseil constitutionnel, le samedi 8 mars. Annoncé dans le Journal officiel le 21 février, Ferrand, qui succède à Laurent Fabius, a exprimé à l’AFP son intention de « continuer à mener ces actions avec les standards requis par l’institution », mettant l’accent sur « l’indépendance et l’impartialité » comme priorités. L’organisme devra examiner dans les semaines et mois à venir plusieurs dossiers épineux. Voici les principaux enjeux.
L’application immédiate des peines d’inéligibilité
À la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité déposée le 3 janvier par Rachadi Saindou, un élu de Mamoudzou à Mayotte, les membres du Conseil doivent décider s’il est possible d’interdire à un élu condamné à une peine d’inéligibilité de se présenter à des élections, même lorsque cette peine n’est pas encore définitive et susceptible d’être révoquée lors d’un appel.
Cette question est particulièrement sensible en raison du jugement attendu prochainement dans l’affaire des assistants parlementaires du Front National, prévu le 31 mars. Marine Le Pen risque cinq ans d’inéligibilité si la décision suit la réquisition du parquet, qui a aussi sollicité une « exécution provisoire » de la peine. Si appliquée telle quelle, Marine Le Pen, cheffe des députés du Rassemblement national (RN), se retrouverait incapable de concourir à la prochaine élection présidentielle, une hypothèse qu’elle réfute vigoureusement.
La décision du Conseil sur le cas de l’élu mahorais pourrait faire jurisprudence. L’imminence de cette décision a entraîné des suspicions de la part de politiciens de droite comme de gauche, évoquant un « pacte caché » entre le RN et Richard Ferrand.
Conformité constitutionnelle de la loi sur l’orientation agricole
Une soixantaine de députés, dirigés par Mathilde Panot de La France insoumise et Cyrielle Chatelain des écologistes, ont demandé que le Conseil statue sur la conformité de plusieurs dispositions de la loi d’orientation agricole, adoptée le 20 février. Présentée comme une réponse à la colère des agriculteurs, ce texte, dont l’examen a été retardé par la dissolution, est vivement critiqué par la gauche et les associations pour ses régressions en matière de protection de l’environnement.
En avril 2024, le Conseil avait jugé que le projet de loi du gouvernement de Gabriel Attal respectait la Constitution. Cependant, le texte a été largement amendé par les députés et les gouvernements successifs. Les élus de gauche soutiennent que la loi adoptée ne respecte pas la Charte de l’environnement, qui assure « le droit à un environnement équilibré et sain ». Ils critiquent également la présence de cavaliers législatifs, des articles de loi sans rapport avec le contenu principal du texte.
Divers textes législatifs en attente d’approbation parlementaire
Dans les mois à venir, le Conseil, s’il est interpellé par les législateurs ou le gouvernement, devra sûrement examiner divers textes provenant du gouvernement et des députés. Les Sages pourraient se concentrer sur des propositions de loi pour lutter contre le trafic de drogue ou améliorer la sécurité dans les transports. La présidence de Richard Ferrand pourrait aussi être testée avec la proposition des Républicains visant à remettre en question le droit du sol à Mayotte, un principe pourtant inscrit dans la Constitution.
L’instance pourrait aussi devoir statuer sur un projet de loi adopté par les sénateurs le 20 février, qui vise à interdire le mariage si l’un des conjoints est sans papiers. Les Sages ont réaffirmé à plusieurs reprises, notamment en 2012, le droit à cette forme d’union tel que reconnu par la législation française et européenne.