Mercredi prochain, France 2 diffusera dans le cadre de l’émission « Infrarouge » un documentaire inéd. Celui-ci offre une plongée dans le quotidien des substituts du procureur au sein du plus imposant tribunal pour mineurs du pays. On y découvre leur dévouement sans faille, confronté aux nombreux défis posés par la réalité complexe de la Seine-Saint-Denis, où le manque de ressources constitue un obstacle supplémentaire à leur mission.
Le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), avec son architecture moderne en béton et verre, évoque un immense navire amarré sur les hauteurs de la ville. C’est une véritable ruche où œuvrent 149 magistrats et plus de 490 fonctionnaires. Le temps d’un documentaire, Emmanuel Guionet a pu y pénétrer avec son équipe, capturant le travail minutieux de la justice envers les mineurs.
« Mon objectif était de fournir une vision claire du rôle d’un substitut du procureur, un métier dont les spécificités sont souvent méconnues. Bobigny s’est imposé comme un choix évident, étant le premier tribunal pour enfants en France, installé dans une région marquée par sa jeunesse et sa pauvreté », dévoile Emmanuel Guionet, réalisateur du documentaire « Mineurs en peine, des procureurs en première ligne », diffusé dans le cadre de l’émission « Infrarouge » sur France 2, mercredi 12 mars, à 22h50.
L’équipe de tournage a suivi pendant six mois le quotidien de jeunes magistrats de la Division de la famille et de la jeunesse (Difaje), un service unique en France. Ces professionnels se relaient sans relâche pour prendre en charge des situations souvent urgentes et délicates : bagarres, vols, violences familiales, harcèlement, proxénétisme, agressions sexuelles…
Un défi sécuritaire amplifié par le manque de ressources disponibles
Les onze substituts du procureur, en charge des investigations pour le compte du ministère public, prennent chaque plainte en charge dès son signalement à la police jusqu’à l’audience finale. Le documentaire éclaire sur leur mission, interroge la nature de leurs responsabilités, leur engagement et la pression d’une charge de travail intense, avec plus de 150 000 affaires criminales et délits traités chaque année, dont 11% impliquent des mineurs.
Au sein de la Difaje, les magistrats n’ont pas nécessairement une spécialisation initiale pour travailler avec des mineurs. Cependant, l’Ecole nationale de la magistrature les prépare par des stages dans divers secteurs judiciaires, leur offrant ainsi une perspective plus large sur leur future vocation », commente Emmanuel Guionet. Ils ont pour mission de prendre des décisions cruciales qui peuvent changer le cours de la vie des enfants qu’ils protègent, comme l’explique Cécile, substitut du procureur, lors d’une réunion avec des spécialistes de la pédopsychiatrie :
« Lorsqu’une situation d’urgence se présente, nous pouvons ordonner un placement immédiat. C’est une décision qui peut paraître rude car elle s’effectue sans consulter ni les parents ni le mineur ; il s’agit d’une mesure de protection immédiate. »
Cécile, substitut du procureur au tribunal de Bobignydans le documentaire « Mineurs en peine, des procureurs en première ligne »
Un problème notoire que rencontrent ces magistrats est le manque de place dans les structures adaptées telles que les familles d’accueil ou les foyers spécialisés. « Pendant le tournage, 50 jeunes attendaient depuis des mois pour un placement », déplore Emmanuel Guionet. Cette carence en infrastructures est un vrai désastre pour ces enfants vulnérables : « Il est effrayant de constater combien d’enfants victimes deviennent eux-mêmes des agresseurs. »
« Une situation impossible à concevoir pour le public »
Une spirale infernale nourrie par une insuffisance criante de ressources financières et humaines se juxtapose à une montée des actes de violence. Les tendances actuelles montrent une augmentation inquiétante des comportements agressifs chez les mineurs. Auparavant Premier ministre, Gabriel Attal avait introduit un projet de loi pour renforcer les peines judiciaires, projet qui fut adopté le 13 février.
Cette situation impose une énorme pression sur les forces de l’ordre et le système judiciaire. Les effets de cette pression sur les magistrats sont évidents, surtout quand Cécile présente son réquisitoire à son supérieur, le vice-procureur de la Difaje, pour un dossier où la dangerosité de l’accusé n’a pas été suffisamment prise en compte :
« Mon argument est que le flot incessant de procédures empêche une bonne évaluation de la gravité » déclare-t-elle à son supérieur. Tandis qu’elle se prépare à plaider, son chef lui recommande de ne pas évoquer un « échec de l’institution judiciaire » mais plutôt un « échec dans notre rôle de protection ». « Le public ne peut pas entendre cela »,argumente-t-il, face à ses réticences. Elle justifie ces lacunes par « la surcharge de décisions quotidiennes à prendre, amplifiées par un effectif policier insuffisant pour couvrir tous les besoins ».
« Cependant, c‘est la réalité! proteste-t-elle avec émotion. Sans transparence, le public pourrait croire à une incompétence généralisée chez les forces de l’ordre, ce qui est faux ! La vérité, c’est que nous avons plus de 2,7 millions de cas à traiter en France, ce qui dépasse notre capacité de gestion. »
« Mineurs en peine, des procureurs en première ligne », un film d’Emmanuel Guionet, est diffusé sur France 2 dans le cadre de l’émission « Infrarouge », le mercredi 12 mars à 22h55, et disponible sur la plateforme france.tv.