L’organisation non gouvernementale a publié mercredi un texte pour critiquer ce qu’elle qualifie de « préférence nationale dissimulée » à propos d’un projet de loi émanant des Républicains, qui a été approuvé par le Sénat, et vise à limiter l’accès de plusieurs allocations sociales aux étrangers. Matthias Thibeaud, qui est le responsable du volet accès aux droits de santé chez Médecins du monde, exprime son inquiétude face aux possibles répercussions défavorables.
« Nous faisons face à une rupture significative, une atteinte grave aux bases de notre modèle social. » C’est ce que Matthias Thibeaud, responsable de l’accès aux droits de santé chez Médecins du monde, a déclaré mercredi 19 mars sur 42mag.fr. Son association figure parmi les onze signataires d’un texte publié mercredi, lequel critique « une préférence nationale camouflée ». Cette dénonciation fait suite à l’adoption par le Sénat, mardi soir, d’une proposition de loi émise par LR, imposant un séjour d’au moins deux ans en France pour les étrangers souhaitant bénéficier de certaines prestations sociales.
Matthias Thibeaud souligne que « certaines aides, comme le RSA et la prime d’activité, requièrent déjà une résidence légale en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel de 2011, qui justifie cette exigence par le but d’intégration professionnelle. Cependant, nous parlons ici de quelque chose de différent : cela concerne les APL, les prestations familiales ou encore l’APA [allocation personnalisée d’autonomie pour les personnes âgées] ».
« Progression de la pauvreté »
Pour le représentant de Médecins du monde, ces « aides sociales sont intrinsèquement universelles et inconditionnelles, fondées sur le principe d’universalité d’accès, un pilier de notre modèle social ». Il ajoute que limiter ces aides pourrait « établir un grave précédent, touchant potentiellement d’autres groupes vulnérables, comme les chômeurs de longue durée, les étudiants ou les malades qui, eux aussi, ne cotisent pas ».
Si le texte est validé, Matthias Thibeaud prédit « une brèche considérable dans les bases de notre solidarité sociale ». Il prévoit des répercussions à divers niveaux : « La précarisation et la détérioration des conditions de vie, ainsi que de la santé… ». Cela pourrait aggraver la situation des populations déjà fragilisées. « On assisterait à une montée de la pauvreté et de la précarité parmi celles et ceux déjà très vulnérables », prévient-il.
« Les prestations familiales et aides au logement sont cruciales. »
Matthias Thibeaud, responsable accès aux droits santé chez Médecins du monde42mag.fr
Il argue que ces « quelques centaines d’euros mensuels influent sur l’accès à des biens essentiels, au logement et à la santé. Nous avons remarqué que les parents d’enfants étrangers malades, que nous aidons chez Médecins du monde et qui possèdent une autorisation provisoire de séjour, seraient privés de prestations familiales, limitant leur capacité à s’occuper de leur famille et à sortir de la précarité. Cela aurait en outre des effets concrets sur les personnes âgées dépendantes, compte tenu de l’impact sur l’APA. Ces gens se verraient privés du soutien et des services médico-sociaux dont ils ont besoin ».
Violences sexistes et sexuelles
Le responsable soulève également la crainte d’une « plus forte vulnérabilité des femmes exposées aux violences sexistes et sexuelles. Nous pensons par exemple aux femmes étrangères rejoignant leur mari dans le cadre d’un regroupement familial, qui seraient économiquement dépendantes de leur conjoint pendant deux ans, seul habilité à percevoir certaines aides sociales. Cela exacerberait les inégalités de pouvoir au sein du couple », précise-t-il.