Bien qu’il ait été unanimement accepté au Sénat, le texte suscite des divergences parmi les députés et les avocats. À partir de lundi, l’Assemblée se penchera sur cette proposition de loi. Toutefois, certaines dispositions qui avaient été retirées en commission pourraient être réintroduites sous forme d’amendements.
L’Assemblée nationale se penche après le Sénat. La nouvelle proposition de loi visant à combattre le trafic de drogues est discutée à partir de l’après-midi du lundi 17 mars. Bien que le texte ait reçu un accueil enthousiaste et unanime chez les sénateurs, il suscite davantage de controverses chez les députés.
Des mesures proposées ont été abandonnées en commission, telles que la possibilité d’activer à distance des dispositifs électroniques pour obtenir des écoutes ou enregistrements visuels à l’insu des personnes visées, similaire aux dispositifs utilisés pour le terrorisme, ainsi que l’extension de la garde à vue jusqu’à cinq jours pour les « mules », ces individus transportant des stupéfiants ingérés, souvent par avion.
Le « fichier sécurisé »
Une autre disposition principale qui alimente le débat est l’obligation faite aux services de messagerie cryptée de donner accès aux investigations par le biais d’une « porte dérobée ». Un tel contournement du chiffrement est considéré comme un risque accru de cyberattaques, même au sein du gouvernement, alerte Clara Chappaz, Ministre déléguée au numérique.
La mise en place d’un « fichier sécurisé » par les forces de l’ordre soulève aussi des protestations : ce document pourrait restreindre l’accès des avocats aux informations cruciales de l’enquête, empêchant ainsi les trafiquants de connaître les méthodes de surveillance utilisées contre eux (téléphonique, informatique, écoute microscopique, localisation géographique…) ou comment les enquêteurs ont découvert leurs opérations.
Certains amendements controversés vont faire leur apparition lors des débats à l’Assemblée. La question est de savoir s’ils seront adoptés. Parmi ces propositions, le « fichier sécurisé » provoque des objections qui dépassent le simple cadre politique.
Impact sur les droits de la défense
En premier lieu, ce sont les avocats qui s’insurgent, estimant qu’il s’agit d’une violente atteinte aux droits fondamentaux de la défense, et certains craignent qu’il ne s’agisse que d’un début dans la lutte contre le trafic de drogues.
« Si demain on installe des micros chez vous, ou que l’on active votre smartphone à distance, vous devez avoir la possibilité de savoir dans quelles circonstances cela s’est déroulé. »
Marie Violleau, avocate pénalistes’exprimant sur 42mag.fr
« Le ‘fichier sécurisé’ signifie priver la personne suspectée de comprendre l’origine des accusations portées contre elle, et des preuves sur lesquelles celles-ci reposent. Il nous est enseigné à l’université que la procédure est le rempart contre l’arbitraire. Si le régime change demain, cet arbitraire pourrait devenir plus courant », met en garde Marie Violleau.
Par contre, la mesure est soutenue par les forces de l’ordre, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie, ou même des juges d’instruction spécialisés dans les affaires de criminalité organisée. Un « fichier sécurisé » qui existe depuis plus de deux décennies en Belgique et qui a été reconnu conforme sur le plan constitutionnel.