Le lendemain de la première accusation visant l’ancien chef de l’État, le Parquet national financier a continué mercredi à formuler ses demandes judiciaires contre Nicolas Sarkozy ainsi que ses anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth.
« Nicolas Sarkozy a approuvé explicitement et à l’avance chaque dépense ; il a approuvé en principe la commission de l’infraction et, en tant que candidat, il a signé les comptes de campagne. » Les réquisitions contre l’ancien président de la République, ce mercredi 26 mars, sont restées sévères lors du procès sur le financement présumé libyen de la campagne de Sarkozy en 2007. Dès mardi, lors de l’ouverture du réquisitoire, les représentants du Parquet national financier (PNF) ont affirmé l’existence d’un « pacte de corruption » qu’ils ont décrit comme « inconcevable, inouï et indécent », entre Mouammar Kadhafi, l’ancien leader libyen, et Nicolas Sarkozy, visant à soutenir financièrement la campagne électorale de ce dernier.
Mercredi après-midi, Quentin Dandoy, le procureur, a détaillé les procédés utilisés pour ce financement. « En période de campagne électorale, l’argent est souvent le moteur essentiel », précise-t-il, avant de commencer son argumentation. Il prend soin de faire « un parallèle » avec l’affaire Bygmalion, dans laquelle Nicolas Sarkozy a été condamné en appel à une peine d’un an de prison, dont six mois ferme, en raison des dépenses excédentaires de sa campagne de 2012. Un pourvoi en cassation est en cours.
« Des traces d’espèces en circulation »
Même si « cette étude comparative » des audits de 2007 et 2012 « ne peut être interprétée comme une preuve directe », elle met en lumière « la circulation de sommes non comptabilisées dans les comptes de campagne », déclare Quentin Dandoy, quelque peu déstabilisé mais rassemblant de nouveau ses pensées après une brève pause. Il rappelle que ces « sommes manquantes » ont été estimées à plus de 450 000 euros par les juges d’instruction.
« Certains dons n’ont pas pu être enregistrés dans les comptes de campagne, ce qui prouve que de l’argent liquide a bel et bien transité durant la campagne présidentielle. »
Quentin Dandoy, procureurlors des réquisitions
Qu’il s’agisse de « notes de frais », de primes accordées « aux membres de l’équipe de campagne », « de frais de restauration ou d’hôtels », le procureur affirme qu’« des signes d’argent liquide sont présents », bien qu’il concède qu’« il n’y a pas d’équivalence entre les millions impliqués dans le soi-disant pacte de corruption [estimés à 6,5 millions d’euros] et les liquidités présentes durant la campagne ». « Nous n’avons pas prouvé l’existence d’un système de fausses factures, ni fourni la preuve que les prestataires ont été payés en espèces », admet encore Quentin Dandoy. « C’est un ensemble d’indices, rien de plus. »
Ensuite, le procureur évoque le cas de Ziad Takieddine, l’intermédiaire franco-libanais jugé par contumace, décrit comme « un acteur de corruption apte à transporter des valises de fonds ». « Il a été affirmé que ces espèces étaient destinées à Claude Guéant, qui aurait loué une chambre forte » dans une institution financière proche du quartier général de la campagne, sans être capable de fournir une justification précise », explique-t-il.
« L’argent libyen », « utilisé par Claude Guéant, remis à Eric Woerth »
Le procureur Quentin Dandoy suggère alors au tribunal de prendre du recul et de reconstituer le tableau : « C’est en considérant notre démonstration dans son ensemble que vous pourrez conclure que de l’argent libyen a été dirigé par Claude Guéant, transmis à Eric Woerth et employé pour les objectifs de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. »
C’est pour cela que le PNF requiert que le tribunal prononce la culpabilité de Nicolas Sarkozy pour « financement illégal de campagne électorale », tout en jugeant son ancien bras droit Claude Guéant et l’ex-trésorier Eric Woerth coupables de complicité dans ce délit. Le même réquisitoire concerne Brice Hortefeux, complice fidèle de Nicolas Sarkozy, accusé par le ministère public d’avoir, « dans le cadre du pacte de corruption » fournis les coordonnées du compte Rossfield par lequel les fonds auraient transité « en présence de l’agent de corruption Ziad Takieddine ». Ce dernier est de ce fait jugé également « coupable » du même crime.
Plus tôt dans l’après-midi, les procureurs avaient aussi sollicité du tribunal qu’il établisse la culpabilité de l’ancien président pour corruption, recel de détournement de fonds publics et association de malfaiteurs, malgré son regard inexpressif et ses franches froncements de sourcils. Depuis le banc des accusés, Nicolas Sarkozy prend quelques notes, échange discrètement avec Eric Woerth, assis à sa gauche, et laisse échapper une ou deux remarques irritées. Le verdict concernant la peine requise sera rendu ce jeudi en fin de journée.