Afin de renforcer ses capacités de défense, le pays devra s’appuyer sur des « financements privés » ainsi que « publics », tout en veillant à ce que cela n’entraîne pas une « augmentation des impôts », a affirmé Emmanuel Macron ce mercredi.
La France est-elle en train de basculer vers une « économie de guerre » ? Face à la « menace russe » et à un retrait progressif du soutien américain à l’Ukraine, Emmanuel Macron a déclaré lors d’une allocution télévisée le 5 mars que le pays devra opter pour de « nouveaux choix budgétaires » et engager des « investissements supplémentaires, rendus désormais nécessaires » dans le domaine de la défense. « Depuis trois ans, la Russie consacre 10% de son PIB à la défense », a indiqué le président au Figaro ce dimanche, justifiant son plan d’augmenter les dépenses militaires françaises à environ « 3, 3,5% du PIB« .
Actuellement, la France dédie 2,1% de sa production nationale, soit 50,5 milliards d’euros fixés pour 2025, à ses forces armées. La loi de programmation militaire pour 2024-2030 vise déjà à accroître annuellement le budget de la défense de plus de 3 milliards d’euros afin d’« atteindre environ 68 milliards d’euros » avant la fin des années 2030, comme l’a précisé le ministre des Armées sur France Inter. Pour Sébastien Lecornu, « nous devons accélérer » et il estime que « notre armée pourrait atteindre une taille adéquate avec un budget annuel avoisinant les 90 milliards d’euros ».
« Efforts » financiers sans hausse d’impôts
Ces ambitions nécessiteront de recourir à des « financements privés, ainsi qu’à des fonds publics », a annoncé Emmanuel Macron. Le président a demandé au gouvernement de s’en occuper « dans les plus brefs délais ». « Cela demandera des réformes et des décisions », mais « sans accroître les impôts », a-t-il précisé. Le Premier ministre a indiqué qu’il exposera ses recommandations « dans les jours à venir ». François Bayrou a déjà exprimé son désir de « dépasser » le cadre actuel de la loi de programmation militaire, évoquant éventuellement une « loi de réarmement » ou une « loi de sécurité ».
En plein dialogue social sur la réforme des retraites, le chef du gouvernement souligne néanmoins que cette « priorité » pour la défense devra être concilée « sans renoncer à notre modèle social ». « Nous ne délaisserons aucun problème du pays », a-t-il assuré. Sur 42mag.fr, interrogé sur la possibilité de réduire d’autres budgets ministériels pour couvrir ces dépenses, le ministre de l’Economie a préféré rester vague. Il a affirmé qu’il ne faut pas « réduire les financements ailleurs », mais plutôt « s’assurer que l’effort soit équitablement partagé parmi les Français », a déclaré Eric Lombard. Il reconnaît qu’il faudra fournir « davantage d’efforts », mais affirme que cela ne se traduira pas par « moins de dépenses sociales ».
Selon le ministre, améliorer le « taux d’emploi » est le « premier levier » pour « financer la défense nationale » et « équilibrer nos finances publiques ». « Il n’y a pas assez de Français en activité, il est crucial de stimuler l’emploi », avance-t-il, après la hausse du chômage observée fin 2024.
Produits d’épargne « patriotiques »
Le gouvernement envisage également de créer de nouveaux « produits d’épargne » pour « financer certains programmes » militaires. Comme l’avait mentionné Emmanuel Macron en février, le ministre des Armées encourage les Français à placer leur argent « de manière patriotique, éventuellement avec une rémunération ». « Pour encourager l’épargne des Français, on peut jouer sur la corde sensible de la défense nationale, mais le rendement reste un facteur déterminant », note l’économiste Philippe Crevel sur France 2. Si la rémunération est faible, « il y aura une préférence pour le livret A ou les fonds en euros de l’assurance-vie », ajoute-t-il.
Par ailleurs, le gouvernement projette de se tourner vers les banques, compagnies d’assurance et fonds d’investissement qu’il réunira le 20 mars au ministère de l’Economie pour les inciter à accroître leurs investissements dans la défense. Quant aux entreprises, l’« idée d’une réquisition » est rejetée, assure Eric Lombard. En revanche, certaines unités industrielles fermées pourraient être transformées pour promouvoir l’effort de défense, suggère le ministre, précisant que cette décision appartiendra aux dirigeants et non à l’État.
Assouplissement des règles budgétaires européennes
Pour François Bayrou, cette montée en puissance militaire ne doit pas sacrifier ce qu’il a qualifié d’« Himalaya budgétaire » lors de son entrée à Matignon. Avec un déficit public à 6% du PIB en 2024, et prévu à 5,4% cette année, le Premier ministre insiste sur le fait que « la rigueur budgétaire » demeure une « priorité » pour l’État. L’exécutif reste déterminé à réduire le déficit à 3% d’ici 2029, suivant les critères européens.
Face aux contraintes financières, la France et les 26 autres membres de l’UE, réunis pour un Conseil européen spécial, chercheront à retrouver des marges de manœuvre. « Les pays pourront accroître leurs dépenses militaires sans que cela n’affecte leur déficit », a expliqué Emmanuel Macron. La France pourrait également bénéficier d’une part du plan de 800 milliards d’euros proposé par la Commission européenne, qui prévoit 150 milliards de prêts pour renforcer les capacités militaires des États membres. Cependant, ces fonds ne suffiront « probablement » pas à répondre aux besoins français, selon la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas.
Enfin, la France s’oppose à l’utilisation des quelque 235 milliards d’euros d’avoirs russes gelés pour financer la défense européenne. À l’heure actuelle, seuls les intérêts, estimés entre 2,5 et 3 milliards d’euros annuels, sont utilisés pour soutenir l’Ukraine. « Confisquer ces actifs irait à l’encontre des accords internationaux signés par la France et l’Europe », affirme Eric Lombard.