Dans un vote final, les députés ont exprimé leur soutien à cette proposition de loi, attendue depuis longtemps pour combattre le trafic de stupéfiants. Bien que le texte ait recueilli un large accord, certaines dispositions suscitent l’opposition de la gauche.
Nouveau régime pénitentiaire d’isolement, parquet spécialisé, mesures répressives, nouvelles ressources pour les enquêteurs… La version finale de la loi visant à lutter contre le trafic de drogue a été adoptée mardi 29 avril, à l’issue d’un dernier vote à l’Assemblée nationale, avec 396 voix pour et 68 contre. Un consensus avait été trouvé le 10 avril entre les députés et sénateurs lors d’une commission mixte paritaire. Ce texte était très attendu et a été porté par les sénateurs Étienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS).
La réforme avait précédemment été approuvée à l’identique par le Sénat, malgré l’abstention des écologistes. Bien que généralement bien acceptée, certaines parties de la gauche craignent des atteintes aux libertés publiques et aux droits de la défense et envisagent de saisir le Conseil constitutionnel. En attendant, voici les principales mesures du texte tel qu’il a été validé.
Création d’un parquet spécialisé
Au centre de la loi se trouve la création d’un Parquet national dédié à la criminalité organisée (Pnaco). À l’image des parquets déjà en place pour les affaires financières et le terrorisme, le Pnaco s’occupe des crimes les plus graves et complexes, avec une inauguration prévue pour janvier 2026. Ce parquet spécialisé coordonnera les juridictions locales et sera soutenu par un nouvel état-major interministériel basé à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Nouveau régime d’isolement
La loi propose d’établir des quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux, sur décision du ministre de la Justice, et après avis du juge de l’application des peines pour les condamnés. L’affectation à ces zones de lutte contre le crime organisé (QLCO) sera réévaluée annuellement, contre deux ans initialement souhaités par les députés. Inspirée par les législations antimafia italiennes, cette mesure impose des fouilles strictes pour les contacts non surveillés et restreint l’accès aux télécommunications.
Introduction du « dossier-coffre »
Décriée par la gauche et les avocats, mais soutenue par le gouvernement, cette disposition implique la création d’un procès-verbal distinct, ou "dossier-coffre", pour protéger certaines informations tout au long des enquêtes. Les données liées à l’utilisation de techniques d’enquête spéciales, telles que les écoutes ou la collecte de données informatiques, seront consignées séparément. Suite à l’avis du Conseil d’État, le dispositif est limité aux cas où des éléments essentiels pour découvrir la vérité pourraient mettre des vies en danger s’ils étaient divulgués.
Usage du renseignement algorithmique
La loi prévoit un test pour utiliser le renseignement algorithmique, technique déjà autorisée dans la lutte contre le terrorisme et les interférences étrangères. L’objectif est d’analyser de grandes quantités de données via un algorithme pour détecter d’éventuelles menaces. Cette mesure suscite les réserves d’une partie de la gauche, qui dénonce une possible "surveillance généralisée". Le projet qui forçait les services de messagerie chiffrée à divulguer les communications n’a pas été intégré dans la version finale.
Surveillance à distance des dispositifs électroniques
Techniquement avancée, cette mesure permet l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu de son propriétaire lors d’une enquête, pour effectuer par exemple des écoutes. Cette technique ne pourrait pas s’appliquer aux appareils des élus, magistrats, avocats, journalistes ou médecins. De plus, la loi s’applique aux plateformes numériques hébergeant du contenu lié au trafic de drogue, et aux trafiquants utilisant les réseaux sociaux pour recruter.
Révision du statut de repenti et création d’un statut d' »infiltré civil »
Les parlementaires ont approuvé l’amélioration du statut des repentis pour les rendre plus attrayants ; ces personnes impliquées dans des réseaux peuvent bénéficier d’une réduction de peine s’ils coopèrent avec la justice. Un statut d’"infiltré civil" a également été créé pour permettre à des informateurs rémunérés, sous conditions spécifiques, d’infiltrer les réseaux criminels. Ces infiltrants seront sous surveillance stricte pour une durée de dix ans après leur mission d’infiltration.
Ciblage des lieux de trafic de drogue
Les préfets pourront désormais interdire à certaines personnes de fréquenter, pour une durée d’un mois maximum, les lieux impliqués dans le trafic de stupéfiants. Ils peuvent également demander l’expulsion de toute personne impliquée dans de tels trafics troublant l’ordre public, sur autorisation d’un juge.
Fermeture des commerces soupçonnés de blanchiment
La loi habilite les préfets à ordonner la fermeture administrative des commerces soupçonnés de blanchiment d’argent, pour une durée maximale de six mois, renouvelable par le ministre de l’Intérieur. La proposition initiale incluait également une telle possibilité pour les maires, mais celle-ci a été retirée dans la version finale du texte.