L’ex-Premier ministre est reconnu coupable de manière irrévocable pour détournement de fonds publics, cependant la cour d’appel de Paris réévalue mardi la sentence prononcée. À l’époque où il siégeait en tant que député, il avait engagé son épouse en tant qu’assistante parlementaire, un poste jugé en grande partie fictif.
Il revient devant les juges. Mardi 29 avril, François Fillon est convoqué devant la cour d’appel de Paris à partir de 13h30, concernant l’affaire des emplois fictifs de son épouse, qu’il avait engagée comme assistante parlementaire. Cette audience vise à réexaminer la peine à laquelle l’ancien Premier ministre a été définitivement condamné en avril 2024. Une partie des indemnités qu’il doit verser à l’Assemblée nationale sera également revue.
Cette affaire retentissante a éclaté en janvier 2017 avec les révélations du Canard enchaîné, trois mois avant la présidentielle, alors que François Fillon était le candidat des Républicains. Pour mieux cerner ce nouvel épisode, nous présentons en quatre questions les enjeux de cette audience, dont la décision devrait être délibérée à une date ultérieure.
1 Quel est l’objectif de cette audience ?
Ce n’est pas un troisième procès au sens propre, mais une brève audience devant la cour d’appel de renvoi de Paris. Suite au procès de première instance en 2020, puis celui en appel en 2021, pour lequel un pourvoi en cassation avait été déposé, « c’est la troisième étape de ce feuilleton judiciaire », explique à 42mag.fr l’avocat Yves Claisse. Représentant l’Assemblée nationale, partie civile dans cette affaire, il espère que ce sera « la dernière page ». L’arrêt rendu peut, de nouveau, faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
L’audience, conséquence de l’arrêt de la Cour de cassation rendu en avril 2024, devait initialement se tenir le 25 novembre. Elle avait été reportée en raison de l’absence d’un avocat, hospitalisé.
2 La culpabilité de François Fillon est-elle irrévocable ?
Oui. Le 24 avril 2024, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Paris. François Fillon, sa femme Penelope et son ancien suppléant Marc Joulaud sont donc reconnus coupables de « détournement de fonds publics par personne chargée de mission de service public » ou de complicité de ce délit, complicité d’abus de biens sociaux et recels. Bien qu’ils aient saisi la Cour européenne des droits de l’homme fin août 2024, cette décision ne peut plus être annulée.
L’ancien Premier ministre, âgé de 71 ans, désormais retiré de la vie politique, a été condamné en mai 2022 à quatre ans de prison, dont un an ferme, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. Son épouse, Penelope Fillon, a été condamnée à deux ans de prison avec sursis, ainsi que 375 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité. Marc Joulaud a reçu trois ans de prison avec sursis, et cinq ans d’inéligibilité.
3 Pourquoi la peine va-t-elle être réexaminée ?
Bien que la Cour de cassation ait confirmé la culpabilité de l’ancien député, elle a cassé partiellement la décision de la cour d’appel. Cette haute juridiction ne juge pas le fond du dossier, mais veille à la bonne application du droit. Elle a ainsi jugé que la cour d’appel n’avait pas suffisamment motivé la peine ferme infligée à François Fillon.
« Un juge peut seulement prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis si la gravité de l’infraction et la personnalité de l’auteur la rendent indispensable et toute autre sanction est manifestement inadéquate », rappelle la Cour de cassation. « Or, le juge d’appel n’a pas justifié pourquoi une peine autre que la prison sans sursis aurait été inadéquate », souligne-t-elle, précisant que les peines de sursis pour Penelope Fillon et Marc Joulaud demeurent définitives.
« Pourquoi le condamner à de la prison ferme ? C’est insuffisamment motivé, donc une discussion est nécessaire », confirme l’avocat Yves Claisse. De son côté, Antonin Lévy, avocat de François Fillon, contacté par 42mag.fr, n’a pas souhaité commenter avant l’audience.
4 Doit-il toujours des dommages et intérêts à l’Assemblée nationale ?
La Cour de cassation a reconnu qu’un juge peut contraindre un député à indemniser l’Assemblée nationale pour le préjudice causé par le délit de détournement de fonds publics dont il a été reconnu coupable. François Fillon devra donc bien verser des dommages et intérêts.
La question reste de savoir combien. Bien que la cour d’appel de Paris ait ordonné aux époux Fillon de rembourser l’intégralité des salaires versés, la Cour de cassation a cassé cette décision. « Si les salaires versés étaient disproportionnés au travail fourni, ils n’étaient pas totalement immérités », note la haute juridiction. Elle souligne une contradiction : la cour d’appel exige un remboursement complet tout en admettant que Penelope Fillon a effectué quelques tâches d’assistante parlementaire.
« Y a-t-il des preuves de travail effectué, comme porter le courrier ? Mérite-t-il un salaire ? Si oui, comment l’évaluer ? Quel montant l’Assemblée peut-elle réclamer ? Cela sera débattu mardi », indique l’avocat de l’institution. Yves Claisse rappelle que la cour d’appel avait accédé à un montant de 126 167 euros en dommages et intérêts pour l’Assemblée nationale pour le contrat d’assistante de Penelope Fillon en 2012-2013. « Ce sera donc moins », prédit l’avocat.
Il évoque la condamnation d’un autre député, Philippe Cochet, qui a fait appel. Dans cette affaire récente, le tribunal a réduit les dommages-intérêts de 5%, reconnaissant des tâches mineures effectuées par son épouse employée comme assistante parlementaire.
Quant aux autres dommages et intérêts définitivement dus à l’Assemblée par le couple Fillon, soit 679 989 euros, « l’échéancier et les modalités de paiement » sont « en cours de finalisation », informe Yves Claisse. Un premier paiement a eu lieu en début d’année. « Ils souhaitent spontanément remplir leurs obligations de justice et fournir des garanties », conclut l’avocat.