Fortement demandé par les journalistes et très populaire auprès des sympathisants de gauche, l’ancien chef du gouvernement sous Jacques Chirac a refait surface en raison des tumultes mondiaux des dernières années. Bien qu’il n’ait pas officiellement annoncé son intention de se présenter à la présidence, il veille à garder toutes ses options ouvertes.
Comment ignorer Dominique de Villepin avec son style impeccable, sa peau bronzée et son discours toujours mesuré ? Depuis un an et demi, périodes marquées par le conflit au Proche-Orient, il est devenu incontournable dans les médias. Tout a débuté par son intervention sur France Inter, peu après les attaques du 7 octobre. « Cela me fait énormément de peine, mais je ne suis pas étonné par cette haine ressentie, surtout quand on pense à cette prison à ciel ouvert que nous avons tous évoquée », déclarait-il en se référant à Gaza, lui qui fut Premier ministre sous Jacques Chirac entre 2005 et 2007. Depuis, les interventions s’accumulent et une question se pose : « DDV » pourrait-il jouer un rôle lors de la prochaine élection présidentielle ?
Bien que Dominique de Villepin n’ait plus de fonction politique depuis son passage à Matignon, sa présence médiatique semble plaire au public, comme le révèlent divers sondages. Une étude de Cluster17 en février montre qu’il bénéficie de 35 % de popularité. Quelques jours plus tard, l’Ifop le place en tête des personnalités préférées des Français, rivalisant avec Edouard Philippe. En mars, il maintient cette avance avec 54 % d’avis favorables. Officiellement, il est flatté mais déclare ne pas avoir de visées politiques précises : « Je n’aspire pas à un rôle particulier dans le paysage politique français », confie-t-il à 42mag.fr, installé dans un café du 7e arrondissement de Paris.
« Je n’ai pas l’illusion que ma parole seule puisse freiner la montée des passions identitaires, des colères et des peurs. »
Dominique de Villepin, ancien Premier ministreà 42mag.fr
Dans le classement Ifop, deux chiffres ressortent : les opinions à gauche (59 %) dépassent celles à droite (41 %), et 68 % des sympathisants de Jean-Luc Mélenchon ont une image positive de lui. Ce n’est pas surprenant, il a été chaleureusement accueilli à la Fête de l’Humanité en septembre 2024. Même l’aile radicale de la gauche le voit d’un bon œil, comme l’indique Éric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée, qui déclare : « Il nous offre une légitimité et brise l’isolement médiatique et politique ».
Un rapprochement inattendu avec la gauche
Les figures de la gauche se remémorent encore son discours à l’ONU en 2003, où il s’opposait à la guerre en Irak menée par les États-Unis. « J’ai été le premier à avertir, même auprès des Américains, qu’utiliser seulement la force contre le terrorisme amplifierait le problème en leur donnant une légitimité », déclarait-il à l’époque en tant que ministre des Affaires étrangères. Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire, déclare son respect pour son passé : « J’ai grandi durant le refus français de la guerre en Irak, et il a fait preuve d’un courage et d’une constance remarquables en diplomatie ».
Avec le temps, la France s’oppose à nouveau aux États-Unis sur la Ukraine, conflit dans lequel Villepin aurait pu jouer un rôle en tant que ministre des Affaires étrangères si les cartes avaient été différemment distribuées. « Lors de notre discussion, il m’a dit qu’il n’était pas prêt à reprendre un rôle ministériel, » explique Lucie Castets.
« Il m’a dit qu’il n’était pas prêt à revenir à un poste ministériel. »
Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire pour Matignonà 42mag.fr
Dominique de Villepin se montre ferme : « Je ne crois pas que l’enjeu soit d’occuper une position quelconque. Chirac disait bien : ‘On ne court pas après un ‘petit poste’ just for the sake of it’. Cela ne reflète pas mes ambitions. » Autrefois, la gauche était largement plus critique envers lui, comme lorsque le Contrat première embauche suscitait de vives contestations en 2006. Aujourd’hui, ce sujet est presque oublié, et les discussions à La Sorbonne témoignent plutôt de la reconnaissance de ses erreurs passées en termes de stratégie, plus que de contenu.
Un éclaireur peu discret
Sur ses activités privées, Villepin reste discret. Ses conseils via Villepin International n’ont pas publié de résultats financiers depuis des années. Cet équilibre entre secret professionnel et transparence publique intrigue ses proches. Depuis son retour sur le devant de la scène, il est la cible de reproches, notam¬ment concernant ses liens supposés avec le Qatar, qu’il nie fermement. Lorsque Bernard-Henri Lévy l’accuse d’antisémitisme, il exige des excuses, sans succès.
Il insiste pour exprimer « une voix, une expérience, un regard » face aux atteintes aux valeurs républicaines. « Il est important de prendre position lorsqu’il y a une tentative de remettre en cause nos principes démocratiques, » soutient-il. Ses avertissements agacent certains membres de la majorité, qui le voient donner des leçons sans encourager le gouvernement.
« Je préfère avertir avant qu’il ne soit trop tard. »
Dominique de Villepin, ancien Premier ministreà 42mag.fr
Son attitude de critique constante n’est pas du goût de tous. « Il est souvent dans la critique, peu dans le soutien, cela le rend frustrant », confie une ancienne connaissance politique. Bien que Villepin se présente comme simple lanceur d’alerte, ses déclarations auprès de Mediapart en janvier laissent planer le doute. « Nous faisons face à une crise historique inédite. Je ne peux pas rester passif. L’essentiel n’est pas ma candidature éventuelle, mais si mon discours peut faire évoluer le débat politique, » disait-il à Edwy Plenel.
« Réfractaire à l’ordre mondial émergent »
Un tweet de janvier remerciant ses soutiens et mentionnant villepin.fr intrigue ; ce site n’offre qu’une newsletter, certains se demandant si d’autres initiatives suivront. Nombreux sont ceux qui spéculent que cet activisme récent pourrait annoncer une candidature future.
D’aucuns, à l’inverse, n’y voient aucun dessein électoral. « Il n’agit pas comme un candidat potentiel mais comme un acteur éclairant pour la société et les médias, » estime un proche. L’intéressé se dit simplement là où il doit être selon les préoccupations du public actuel. « Certains me demandent mon retour, mais je me soucie seulement de discuter des thèmes qui ne sont pas exploités. »
« Il utilise son expérience pour apaiser et guider les Français dans le débat public. »
Un ancien proche de Dominique de Villepinà 42mag.fr
Dominique de Villepin semble laisser planer le doute sur ses intentions, se décrivant comme éveillé aux véritables enjeux nationaux. Selon Azdine Ouis, élu municipal d’opposition, il incarne un « insoumis au nouvel ordre mondial », un homme d’état incontournable. En décembre 2023, il a même promu une pétition en faveur d’une candidature de Villepin en 2027.
Aucun électorat pour une candidature ?
Certaines personnalités, tel que le magazine Marianne, voient en Villepin un acteur électoral potentiel, mais absent d’un parti politique structuré. Sa popularité réside dans son image, mais sans une base électorale définie, sa position est fragile.
« Villepin est populaire mais sans force électorale ni programme concret. »
Un conseiller ministérielà 42mag.fr
Christian Le Bart, politologue, rappelle que dans le passé, popularité et viabilité politique n’étaient pas directement corrélées. Aujourd’hui, le contexte international reste complexe, et les interventions de l’ex-chef de la diplomatie sont écoutées. Malgré ses tentatives présidentielles passées infructueuses, sa parole demeure influente, même en l’absence de candidature officielle.