Après huit années à travailler aux côtés d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler met fin à ses fonctions. Emmanuel Moulin, qui a auparavant dirigé le Trésor, prend le relais. Pour quelques observateurs, son profil semble être le miroir de celui de Kohler, indiquant ainsi que l’Élysée souhaite maintenir le cap actuel sans apporter de modifications.
Alexis Kohler, l’individu qui a longtemps joué le rôle de conseiller influent auprès du président de la République, cède sa position de secrétaire général de l’Élysée à Emmanuel Moulin, ce lundi 14 avril. « C’est comme un double de Kohler, même style, même réseau. On replace les mêmes et on recommence« , lance un député de l’opposition, qui anticipe peu de changements.
Kohler et Moulin partagent un parcours similaire, ayant fréquenté les mêmes institutions de prestige : Sciences Po, où ils étaient impliqués dans le même groupe de jeunes soutenant Michel Rocard. L’Essec et l’ENA font également partie de leur parcours académique. Tous deux sont des experts en économie et ont évolué dans les plus hautes sphères de l’administration publique française au cours des deux dernières décennies.
Emmanuel Moulin n’est pas un novice à l’Élysée. Il a servi comme conseiller économique sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Bruno Le Maire, ministre influent, lui a ensuite confié la direction de son cabinet à Bercy pendant trois années, après quoi Moulin a pris les rênes de la direction du Trésor. C’est l’Élysée qui a suggéré son nom pour le poste de directeur de cabinet du Premier ministre Gabriel Attal. « Il n’y a qu’une poignée de personnes avec un tel niveau d’expérience et de confiance« , explique Mathieu Lefèvre, député macroniste ayant travaillé avec Moulin. Il perçoit cette nomination comme une « évidence » et confirme des propos entendus : « c’est quelqu’un doté d’un grand sens de l’humour et d’une humeur constante« , en contraste avec son prédécesseur jugé plus austère.
Passé au crible par la commission sur les excès budgétaires
Son cheminement professionnel l’a logiquement amené dans le viseur de la Commission d’enquête parlementaire sur les dérapages budgétaires des années 2023 et 2024, période durant laquelle il était à Matignon. Lors de son audition devant les députés, « il s’est montré très sur la défensive, avec un discours assez politique, je n’en ai pas tiré grand-chose« , rapporte Éric Coquerel, président de la Commission des finances et membre de l’opposition. Coquerel estime qu’Emmanuel Moulin porte une vision néolibérale et représente ce « rôle politique sur les prévisions économiques élaborées par l’administration« . D’autres députés de l’opposition corroborent ces dires, jugeant qu’il a tenté de « masquer la véritable ampleur des dérives » financières, alors que les difficultés s’accumulaient depuis l’automne 2023, selon Charles de Courson. Ce parlementaire centriste pense que la promotion d’Emmanuel Moulin à l’Élysée « ne peut qu’aggraver une situation déjà critique« .
Ce qui est certain, c’est qu’il symbolise une continuité idéologique. Un député proche du président le souligne : « Cette nomination montre une volonté de poursuivre la même politique économique pro-entreprises initiée en 2017« . Cet élu, issu de la partie droite du mouvement présidentiel, interprète cela comme un signe en réponse aux tentatives du Premier ministre de diminuer cette approche. Toutefois, le contexte politique a beaucoup évolué depuis un an, et même si le président et son équipe peuvent émettre des orientations auprès du gouvernement, leur influence sur les décisions budgétaires reste limitée. Le secrétaire général de l’Élysée, occupant un poste proche de celui du président, exerce désormais une pression moindre sur les affaires internes qu’auparavant.