Mardi soir, France 2 propose un documentaire en trois volets consacré au jugement du criminel de guerre nazi, qui a orchestré la déportation de nombreux juifs ainsi que de résistants français pendant la période allant de 1940 à 1944.
« Cruel, vicieux, inhumain, sanguinaire… Le démon incarné. » Les qualificatifs les plus terrifiants s’accumulent lorsqu’on évoque Klaus Barbie, cet officier allemand de la Gestapo qui a dirigé son service à Lyon entre 1943 et 1944, orchestrant la déportation de 14 000 Juifs et de nombreux résistants. Surnommé « le boucher de Lyon », il a aussi été impliqué dans la mort de Jean Moulin. Après s’être caché près de quarante ans, Klaus Barbie est finalement capturé en Bolivie en 1983, sous le pseudonyme de Klaus Altmann, puis extradé vers la France pour y être jugé. Ce procès, très attendu, marque une première historique : une cour française le jugera pour crimes contre l’humanité lors de sessions qui dureront huit semaines, en 1987.
Un documentaire divisé en trois parties, intitulé Le Procès de Klaus Barbie, réalisé par Gabriel Le Bomin et diffusé sur France 2 le mardi 8 avril à 21h10, revient sur l’enquête visant cet officier nazi et la détermination des autorités judiciaires françaises à démontrer son rôle dans la rafle de 44 enfants à Izieu et le dernier convoi d’août 1944 vers Auschwitz.
Cette série, grâce à des témoignages de premier ordre, met en lumière les moments clés des 37 journées d’audience, filmées en intégralité. Elle révèle les plaidoiries des avocats des parties civiles ainsi que celles de Jacques Vergès, qui défendait Klaus Barbie. Toutefois, ce sont les témoignages déchirants des victimes à la cour d’assises du Rhône qui imprègnent durablement les esprits, illustrant la brutalité de cet officier nazi. Nombre d’hommes et de femmes se souviennent, bien des années après, du visage de leur persécuteur.
« La douleur était insoutenable, j’ai vraiment cru que mes ongles se détachaient »
Dès le début de son procès, Klaus Barbie, alors âgé de 74 ans, condamné par contumace plusieurs décennies auparavant, clame qu’il est victime d’une erreur et persiste à se présenter comme Klaus Altmann. « Ma détention est illégale, j’ai été enlevé », justifie-t-il sans hésitation. À la surprise générale, dès le troisième jour, il décide de ne plus assister aux audiences, un geste inattendu qui, paradoxalement, encourage davantage les témoins à s’exprimer.
« Pour certains, c’était la première fois qu’ils évoquaient les tortures endurées, des souffrances prolongées. L’émotion était monstrueuse. »
Noëlle Herrenschmidt, journaliste et aquarelliste présente lors du procès BarbieDans le documentaire « Le procès de Klaus Barbie »
À l’âge de 86 ans, Lise Lesèvre témoigne de son passage à la barre. Avançant difficilement avec une canne, elle se remémore son arrestation en tant que résistante en mars 1944, lors d’une rafle à Lyon. La découverte de documents compromettants l’a menée directement à l’infâme prison de Montluc, où elle a subi les tortures de Klaus Barbie.
« À midi, j’ai été pendue par les poignets », raconte-t-elle avec émotion. Des menottes dotées de griffes lui meurtrissaient les poignets à la moindre absence de réponse. « C’était épouvantable, une douleur qui semblait vouloir me faire perdre mes ongles« , se rappelle-t-elle, obstinée à ne pas trahir ses camarades. Même lorsque son mari et son fils de 16 ans furent également arrêtés, la vieille résistante n’a pas fléchi. « Voir mes proches dans cette condition, c’était un cauchemar. »
Son supplice se prolonge alors qu’elle reste muette face à ses tortionnaires qui lui infligent des sévices encore plus terribles, la plongeant dans l’eau pour étouffer sa détermination.
« Les sévices m’ont endommagé le dos et détruit mon système osseux. (…) Couchée sur une chaise, je me souviens de cet objet qu’il voulait utiliser, une tige coiffée d’une boule hérissée de piques (…) Il m’a dévasté le dos avec ça. »
Lise Lesèvre, résistante torturée par Klaus BarbieDans le documentaire « Le procès de Klaus Barbie »
Implacable, Klaus Barbie continue d’asséner des coups, énonçant les noms des résistants pour la faire céder. Lise Lesèvre finit cependant par être relâchée avec un ordre : « Liquidez cela ». Elle survit à cette horreur, mais portera les séquelles de cette période toute sa vie.
Klaus Barbie se manifeste au tribunal pour entendre le récit de Mario Blardone, un résistant chargé jadis de l’éliminer. N’ayant jamais eu l’occasion de remplir sa mission, Blardone est capturé, incarcéré à Montluc et vit les interrogatoires violents de Barbie. En témoignant, il décrit une scène à jamais gravée dans sa mémoire : « Une jeune mère avec son bébé, malmenée par Klaus Barbie qui a lancé l’enfant comme un jouet dans le couloir. » L’inconcevable suit lorsque l’officier la force à se dévêtir avant de faire intervenir un chien.
« Elle tournait, terrorisée, mordue par le chien. (…) Il lui a presque imposé un acte bestial. »
Mario Blardone, ancien résistantDans le documentaire « Le procès de Klaus Barbie »
Malgré la gravité des mots de Mario Blardone, Klaus Barbie reste insensible. Irrité, Blardone se tourne vers lui, cherchant son regard, ignorant les avertissements du juge. « Je veux croiser son regard froid, il comprend le français, il m’a bien questionné dans cette langue. Que le monde voie sa lâcheté actuelle ! »
Le procès achève après huit semaines de débats intenses et médiatisés. Klaus Barbie quitte le tribunal avec la condamnation la plus lourde : la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Son décès en prison surviendra le 25 septembre 1991.
Le documentaire Le procès de Klaus Barbie, signé Gabriel Le Bomin, est diffusé le mardi 8 avril à 21h10 sur France 2, et disponible sur la plateforme France.tv.