À la fin du mois d’avril, les parlementaires voteront sur le projet de loi qui a été approuvé par la commission mixte paritaire, avec pour objectif d’améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Après plusieurs semaines de débats intenses et de tensions grandissantes, l’heure est venue pour la proposition de loi sur le trafic de drogue d’atteindre sa conclusion. Soutenue par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, et Gérald Darmanin, ministre de la Justice, un compromis a été trouvé le jeudi 10 avril entre députés et sénateurs lors d’une commission mixte paritaire. Ce texte, très attendu pour renforcer la lutte contre les stupéfiants, est défendu par le sénateur LR Étienne Blanc et celui du PS, Jérôme Durain.
Le texte final sera soumis au vote dans les deux assemblées, avec un passage prévu le 28 avril au Sénat et le jour suivant à l’Assemblée nationale, avant sa promulgation officielle. Création d’un parquet spécialisé, mise en place d’un nouveau régime d’isolement en détention, mesures de répression et outils supplémentaires pour les enquêteurs… La dernière version de ce projet promet une adoption large, malgré certaines réserves de la gauche. Franceinfo vous fait découvrir les détails de cette loi.
Création d’un parquet national et d’un régime d’isolement renforcé
Au cœur de cette proposition législative se trouve l’établissement d’un Parquet national contre la criminalité organisée (Pnaco), qui obtiendrait l’appui nécessaire et pourrait être opérationnel dès janvier 2026. À l’image des parquets nationaux financier (PNF) et antiterroriste (Pnat), le Pnaco traiterait les affaires criminelles les plus graves et complexes.
Le texte envisage également la mise en place de quartiers de haute sécurité au sein des établissements pénitentiaires. Ces zones seraient réservées aux trafiquants jugés les plus dangereux, et affectées sur décision du ministre de la Justice, avec l’avis du juge chargé de l’application des peines pour les personnes déjà condamnées.
L’affectation de détenus dans ces quartiers spécialisés sera réexaminée périodiquement, chaque année, selon le texte final. À l’origine, l’Assemblée nationale avait proposé un délai plus long de deux ans. Ce système, inspiré des lois antimafia en Italie, comprend des fouilles encadrées et restrictives lors de contacts sans surveillance directe d’un agent, ainsi qu’un accès limité aux communications téléphoniques.
Introduction d’un « dossier-coffre »
Parmi les mesures controversées figure la création d’un dossier annexe, surnommé « dossier-coffre », lors des enquêtes, pour éviter que certaines informations ne soient connues des trafiquants et de leurs avocats. Les horaires, dates et lieux concernant l’une des techniques d’enquête spéciales, comme la sonorisation ou l’interception de données informatiques, seront consignés séparément.
Selon l’avis rendu par le Conseil d’État, ce dispositif sera restreint aux cas menaçant la vie ou l’intégrité physique d’une personne. Les preuves recueillies ne pourront pas servir à une condamnation, sauf si le contenu du dossier-coffre est révélé, ceci étant soumis à l’impératif de la manifestation de la vérité.
Utilisation du renseignement algorithmique et surveillance à distance
L’idée d’un recours expérimental au renseignement algorithmique est également incluse dans le texte, reprenant une technique déjà utilisée pour prévenir le terrorisme ou l’ingérence étrangère. Elle consiste en l’analyse massive de données au moyen d’un algorithme pour identifier des menaces potentielles et lancer des alertes. Cette disposition est contestée par une partie de la gauche. Cependant, l’idée initiale, critiquée, de forcer les opérateurs des services de messagerie sécurisés à fournir les correspondances des trafiquants aux services de renseignement a été retirée de la version validée par la commission mixte paritaire.
Une autre avancée prévoit la capacité des enquêteurs à activer à distance des dispositifs électroniques, à l’insu de leur propriétaire, pour permettre par exemple des opérations d’écoute. Cette mesure ne s’appliquerait pas aux appareils appartenant à des députés, sénateurs, magistrats, avocats, journalistes ou médecins.
Révision du statut des repentis et création d’un statut d' »infiltrés civils »
Les législateurs ont accepté de rendre plus attrayant le régime des repentis, ces individus collaborateurs de justice impliqués dans des réseaux. Grâce à ce nouveau cadre, ils pourraient voir leur peine réduite jusqu’à deux tiers de la sanction initiale.
De plus, un statut dédié aux « infiltrés civils » a été instauré. Ce statut concerne des informateurs rémunérés et, sous conditions strictes, autorisés par le futur Pnaco à s’intégrer dans les réseaux de trafiquants. Ces individus devront s’engager dans un parcours visant à quitter la délinquance, accord établi avec le Pnaco, tout en respectant l’interdiction de commettre toute violence volontaire. Après leurs missions, ils seront surveillés pendant dix ans, et tout délit ou crime déclencherait une réactivation des peines auparavant encourues.
Viser les lieux associés aux stupéfiants
Les préfets disposeront du pouvoir d’interdire de fréquenter certains lieux pendant un mois pour des personnes impliquées dans des activités de trafic de drogue. Le préfet aura également la capacité de saisir un juge pour expulser des logements des personnes dont les actions, liées aux trafics, troublent l’ordre public.
Ce texte permet aussi aux préfets d’ordonner la fermeture administrative de certains commerces soupçonnés de servir au blanchiment d’argent, pour une période initiale maximale de six mois, pouvant être prolongée à la demande du ministère de l’Intérieur. Une disposition appuyée par le Rassemblement national, et qui aurait permis aux maires d’initier ces fermetures administratives, a finalement été retirée du projet final.