À partir de mercredi, François Bayrou entame des discussions avec les différents groupes politiques. L’objectif est de trouver une voie pour mettre en place la proportionnelle lors des élections législatives. Cependant, cette réforme s’annonce complexe et délicate.
François Bayrou est sur le point d’atteindre l’un de ses principaux objectifs politiques. Mercredi 30 avril, il entame une série de discussions avec divers partis et groupes parlementaires concernant l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives. À 10 heures, le Premier ministre prévoit de rencontrer Jordan Bardella et Marine Le Pen à Matignon, suivi, le lendemain, des dialogues avec les députés macronistes Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve. Ce projet de réforme, qui suscite des avis divergents parmi les parlementaires, représente un véritable défi pour forger une majorité à l’Assemblée nationale. Cet article détaille pourquoi cette réforme pose tant de problèmes au gouvernement de François Bayrou.
Car les parlementaires sont divisés sur le sujet
À Matignon, le Premier ministre est confronté à un large éventail d’opinions sur la proportionnelle. Parmi les parlementaires, certains y sont favorables, d’autres opposés, et quelques-uns demeurent indécis ou divisés. Le MoDem, parti de François Bayrou, plaide depuis longtemps pour cette réforme du système de vote. Du côté de la gauche, les écologistes, les communistes et les insoumis soutiennent cette idée, bien qu’à des degrés divers. Le Rassemblement national est également en faveur, estimant que ce système leur serait plus avantageux que le scrutin uninominal à deux tours. Un cadre du groupe RN à l’Assemblée a averti : « S’il n’y a pas de texte présenté avant l’été, on peut même censurer le gouvernement ».
À droite et au centre, l’opposition est marquée : les Républicains sont traditionnellement contre. L’Union des démocrates pour la République, dirigée par Eric Ciotti, se distingue de ses alliés du RN en rejetant ce changement, tandis qu’Horizons, le parti d’Édouard Philippe, adopte des positions plus nuancées. Ensemble pour la République (anciennement Renaissance) et le Parti socialiste ne prennent pas de position définitive. Ces partis, représentant environ 160 députés, comprennent des parlementaires aux opinions parfois discordantes, compliquant ainsi toute prévision de vote. Un député du camp présidentiel a exprimé sa frustration à 42mag.fr : « Ça va simplement casser notre lien avec les électeurs, nous déconnecter ».
Car le type de proportionnelle reste à déterminer
Pour mener à bien ce projet, François Bayrou peut en théorie compter sur le soutien d’environ 200 députés, regroupant ceux qui appuient la proportionnelle. Néanmoins, les choses se compliquent en raison de la diversité des options disponibles. Selon le constitutionnaliste Benjamin Morel, « Il y a entre 50 et 80 formes de proportionnelle ». Chaque groupe défend sa propre version du scrutin proportionnel.
Le RN prône une proportionnelle complète avec une prime majoritaire pour le gagnant des élections législatives, tandis que le MoDem milite pour un retour à un système semblable à celui de 1986, avec une proportionnelle intégrale et un seuil de 5 % au niveau départemental. Les écologistes préconisent une proportionnelle basée sur des circonscriptions régionales. En 2018, Emmanuel Macron souhaitait instaurer un système mixte avec 15 % des députés élus à la proportionnelle, mais cette proposition a été abandonnée.
Les consultations parviendront-elles à unifier ces points de vue ? Le député écologiste Jérémie Iordanoff reste sceptique : « Je ne vois pas comment ça peut se décanter, ça fait des années qu’on discute ». Benjamin Morel souligne l’impossibilité de satisfaire tout le monde : « Un modèle avantage un parti et désavantage un autre et inversement. » Ceci pourrait entraîner des blocages, même si un consensus général existe pour évoluer vers une forme de proportionnelle, note-t-il.
Car la méthode n’est pas décidée
En plus du contenu de cette réforme, la méthode à suivre est également incertaine. François Bayrou doit choisir entre proposer un projet de loi, inciter les parlementaires à formuler une proposition de loi, ou envisager un référendum. Aucun choix n’a encore été arrêté par le Premier ministre. Un membre du RN exprime sa frustration : « Avec une Assemblée nationale comme ça, on n’est pas en mesure de faire passer des textes ». Jérémie Iordanoff ajoute : « Si c’est une proposition de loi et pas un projet de loi, il n’y aura pas de solidarité gouvernementale sur ce texte et ça rendra encore plus difficile la possibilité d’aboutir ».
Une autre possibilité pour le gouvernement consiste à organiser un référendum via l’article 11 de la Constitution. Lors de ses vœux pour 2025, Emmanuel Macron avait évoqué l’idée de consulter les Français sur des « sujets déterminants ». Toutefois, Benjamin Morel reste prudent : « C’est loin d’être acquis, cette affaire ». Pour lui, ce sujet est à la fois très technique et politique. Jérémie Iordanoff avertit : « Si c’est Emmanuel Macron qui pose la question, la réponse risque d’être ‘non' ».