Pendant deux ans, deux journalistes ont mené une investigation approfondie sur le réseau insoumis orchestré pour servir la suprême ambition présidentielle d’un dirigeant.
La dénomination du mouvement La France insoumise illustre bien son évolution au fil des années : La Meute. Les journalistes Charlotte Belaïch de Libération et Olivier Pérou du Monde ont mené une enquête sur deux ans, rassemblant les témoignages de ceux qui connaissent bien Jean-Luc Mélenchon ou qui ont croisé son chemin ainsi que celui de ses partisans. Le Monde en dévoile quelques passages le lundi 5 mai. L’enquête dépeint un système insoumis, parfaitement opaque, fonctionnant comme une machine dévouée à son chef où toute dissidence est écartée.
Des figures importantes ont déjà payé le prix de cette loyauté exigée, comme l’universitaire Charlotte Girard en 2019, puis plus récemment les proches de longue date Alexis Corbière, Raquel Garrido, Clémentine Autain et François Ruffin… Au sein de cette machine, la violence s’installe entre les cadres insoumis, les députés, dans leurs discussions numériques, avec des échanges souvent féroces, voire cruels, comme le révèle le livre. Le Monde cite un exemple avec un message du député du Nord, Ugo Bernalicis, adressé aux mécontents avant une purge, notamment Clémentine Autain et Alexis Corbière. À la suite d’une réunion animée entre députés divulguée dans la presse, où le jeune insoumis leur aurait crié « Cassez-vous ! », il écrit : « Alors les relous ? Vous jouez les victimes parce que j’ai exprimé mon opinion sur vous en privé ? Vous me dégoûtez encore plus… Je pense être gentil, j’ai dit : ‘Cassez-vous’ pour que vous puissiez défendre votre position avec un minimum de dignité et de loyauté. Mais si le mot d’ordre doit devenir ‘Virons-les’, je suis partant. »
Un système où Jean-Luc Mélenchon est au centre
L’enquête illustre la dévotion sans faille que les insoumis doivent porter au tribun. Nos confrères décrivent comment il entretient un environnement de cour, où le privilège suprême est de s’asseoir à ses côtés lors des repas. Pour maintenir la fidélité de ses troupes, il souffle le chaud et le froid, montant parfois les uns contre les autres, même entre ses plus loyaux lieutenants Manuel Bompard et Paul Vannier.
Le livre met également en lumière le rôle de Sophia Chikirou, avec qui il partage sa vie, et qui est mise en examen dans le dossier des comptes de campagne de 2017. Jean-Luc Mélenchon lui permet de jouir en interne du statut de « femme du chef », un terme extrait de l’enquête qui promet des révélations sur la députée, décrite comme brutale, humiliante et qui plaisante même à propos de sa comparaison avec la veuve de Mao Zedong.
L’ouvrage aborde aussi le sujet de l’antisémitisme, posant la question : comment l’enfant de Tanger, décrit comme un sioniste historique par un de ses proches, a-t-il multiplié les maladresses depuis le 7-Octobre ? Comment a-t-il pu assimiler les juifs français à la politique israélienne ? Et soutenir les huées contre son protégé politique, le socialiste Jérôme Guedj, de confession juive ? L’enquête s’avère assez gênante pour que LFI, d’après les informations de Franceinfo, soit à la manœuvre pour se la procurer en urgence. La Meute, est attendue en librairie le mercredi 7 mai aux éditions Flammarion.