La Plateforme automobile a récemment diffusé les données relatives au mois d’avril. Son président, Luc Chatel, a pris la parole pour commenter les défis actuels qui pèsent sur l’industrie.
L’état du secteur automobile français face à des incertitudes mondiales
Le secteur automobile français traverse une période de grande incertitude mondiale. D’après Luc Chatel, le président de la Plateforme automobile (PFA) qui réunit les intervenants de cette branche, ce climat se traduit par une attente chez les consommateurs et une contraction du marché.
PFA vient de partager ses statistiques pour avril, révélant une diminution de près de 6% des immatriculations de voitures neuves en France par rapport à l’année précédente. Sur les premiers quadrimestres de l’année, le recul atteint 7,28% en glissement annuel.
42mag.fr : Observe-t-on une crise durable dans le marché automobile français ?
Luc Chatel :
L’industrie automobile subit une crise structurelle d’origine multifactorielle. Tout d’abord, elle est liée aux conditions économiques actuelles. Posséder une voiture est un engagement majeur, et dans une conjoncture économique morose, avec une croissance faible et un haut taux d’épargne, les consommateurs tendent à reporter cet achat. Le contexte économique global est donc un facteur clé.
Un autre aspect est la diversité des modèles offerts aujourd’hui, compliquée par la transition énergétique en cours. Les consommateurs sont perdus face à l’abondance de choix, notamment entre le tout électrique et les infrastructures de recharge.
Avec des modifications sur les bonus-malus, cela complique-t-il encore les décisions ?
Toute à fait, ces changements constants rendent l’achat périlleux, surtout avec des règles modifiées à maintes reprises. Même des véhicules initialement éligibles aux bonus sont désormais pénalisés par des malus. Ces complications freinent les consommateurs et plombent le marché.
"Les perspectives de commandes ne sont guère meilleures. On a observé une baisse de 13% par rapport à l’an dernier au premier trimestre. Je doute que cela s’améliore dans un avenir proche."
— Luc Chatel, sur 42mag.fr
Stellantis et d’autres géants automobiles ont mis en suspens leurs prévisions financières pour 2025 à cause des incertitudes sur les taxes américaines. Comment gérez-vous ce flou ?
C’est effectivement une période d’incertitude. Mais, il y a des initiatives à prendre comme la décarbonation du secteur et l’investissement dans l’innovation, malgré une compétition mondiale intense.
Qui doit prendre ces décisions cruciales, l’Europe ou la France ?
L’Union européenne doit changer d’approche. Selon Mario Draghi, ancien commissaire européen, une révision stratégique est nécessaire plutôt que de simples réglementations. Il est crucial d’élaborer une stratégie globale pour faciliter cette transition.
"Il ne suffit pas d’annoncer la fin des véhicules thermiques d’ici 2035. Il faut aussi définir le chemin à suivre pour y parvenir."
— Luc Chatel, sur 42mag.fr
Accompagner cette transition massive est essentiel. Les constructeurs, équipementiers et sous-traitants consacrent déjà des efforts considérables.
Avons-nous les moyens d’atteindre cet objectif d’ici 2035 ?
Actuellement, l’objectif semble difficilement atteignable. La proportion nécessaire de véhicules électriques est de 22%, mais elle ne s’élève actuellement qu’à 15%. L’oubli du consommateur, le coût élevé et la peur du manque de bornes sont des obstacles majeurs.
Dans une récente tribune dans Le Figaro, vous avez évoqué une menace pour l’industrie automobile européenne. Peut-elle encore être sauvée ?
Absolument. Prenons l’exemple de la France qui produisait 3 millions de véhicules il y a 25 ans, contre 1,3 million actuellement.
"La Chine produit maintenant vingt fois plus de véhicules que la France, bien qu’elle ait été le berceau de l’automobile à la fin du XIXe siècle. Le salon automobile de Shanghai, le plus grand au monde, illustre leur rapidité d’adaptation et d’innovation."
— Luc Chatel, sur 42mag.fr
La Chine est donc désormais le centre névralgique de l’automobile ?
En effet, la Chine est le plus grand marché mondial avec plus de 31 millions de véhicules vendus, bien devant le marché américain et européen. Elle est aussi pionnière dans l’innovation technologique, par exemple dans le domaine des batteries, où elle domine et réduit considérablement le temps de recharge.
Les droits de douane américains affectent-ils les entreprises françaises du secteur automobile ?
Les droits de douane accentuent la tendance déjà observée de la baisse des ventes en Europe et en France. Cette surtaxe de 25% renchérit les véhicules et pénalise les consommateurs, freinant ainsi la consommation. Cette situation est nuisible alors que nous entrons à peine dans cette guerre commerciale.