Le dernier acteur politique situé à gauche à avoir pris position sur cette question est François Ruffin. Il plaide en faveur de l’organisation d’une « primaire geyser », un processus électoral ouvert qui engloberait un large éventail de candidatures, depuis Philippe Poutou jusqu’à François Hollande.
La question de l’organisation d’une primaire à gauche refait surface à chaque échéance présidentielle. Ce mercredi 21 mai, c’est François Ruffin qui a relancé le débat lors d’une interview accordée à Libération. Le député de la Somme, qui s’est éloigné de La France insoumise durant les dernières législatives, propose de donner la parole aux électeurs de gauche en mettant en place “une primaire ‘geyser’, qui ne se limite pas à un simple scrutin de départage, mais qui soit un véritable moment d’explosion politique”, rassemblant un éventail allant de Philippe Poutou, figure du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), jusqu’à l’ancien président socialiste François Hollande.
Au sein des forces de gauche, plusieurs personnalités rejoignent cette idée. Toutefois, cette démarche risque de buter contre la position ferme de La France insoumise et son probable candidat pour 2027, Jean-Luc Mélenchon, qui a toujours rejeté l’idée même de ce type de primaires. D’autres acteurs de gauche, comme Raphaël Glucksmann, se montrent également opposés à ce mécanisme. Qui soutient cette proposition ? Qui s’y oppose ? Franceinfo fait le point.
François Ruffin défend une « primaire geyser »
Sur la question des participants, des dates et de l’électorat visé, François Ruffin, à l’origine de Picardie debout, affiche une vision claire quant à la primaire qu’il souhaite mettre en place… et dont il ambitionne de sortir vainqueur. “Ce ne sera pas qu’une primaire pour se départager afin de désigner un candidat à la présidentielle”, explique-t-il à 42mag.fr.
Malgré ses divergences avec La France insoumise, Ruffin invite explicitement les Insoumis et Jean-Luc Mélenchon à prendre part à ce processus, dont la portée devrait englober le périmètre du Nouveau Front populaire. “Si Mélenchon et les Insoumis décident de participer, tant mieux, nous serons plus forts réunis”, affirme-t-il. “Ce sont les électeurs qui auront le dernier mot”, ajoute-t-il.
Désormais inscrit au sein du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, le député suggère que les candidatures puissent être officialisées “après les élections municipales du printemps 2026”, avec un scrutin prévu pour “l’automne 2026”, afin de disposer de “suffisamment de temps pour mener une campagne”. Pour lui, il ne s’agira pas d’un rendez-vous restreint entre quelques milliers d’adhérents, mais bien d’une consultation à grande échelle : “des millions de citoyens participeront à ce choix”, insiste l’ancien journaliste.
Lucie Castets en faveur d’une « primaire la plus large possible » avec un « socle programmatique »
La proposition de François Ruffin fait écho à une idée avancée par Lucie Castets à l’approche de la présidentielle. Fin avril, celle qui a été désignée candidate à la fonction de Première ministre par le Nouveau Front populaire pour l’été 2024, a appelé dans une tribune à “un réveil unitaire” de la gauche. Pour elle, il faudrait organiser “la primaire la plus ouverte que la gauche ait jamais connue, donnant ainsi aux électeurs de gauche la possibilité d’un choix éclairé après une campagne respectueuse, tout en conférant à la candidature choisie une forte légitimité”, écrit-elle dans les colonnes de Libération.
Deux points distinguent cependant son approche de celle de Ruffin. D’une part, la haute fonctionnaire envisage d’organiser le scrutin “immédiatement après les municipales de 2026”, alors que le député picard privilégie une date à l’automne suivant les municipales. D’autre part, Lucie Castets souligne la nécessité pour la gauche de s’appuyer sur un “socle programmatique partagé, fondé sur des travaux déjà effectués”. François Ruffin voit le programme du NFP comme “une base, sans pour autant en faire une bible”, laissant la liberté aux candidats d’apporter leurs propres idées et mesures pour incarner un renouveau.
Marine Tondelier promeut une « primaire des territoires », mais pas une primaire classique
Au congrès des écologistes à la fin du mois d’avril, Marine Tondelier a présenté sa vision d’une “primaire des territoires”. Elle souhaite organiser des débats ciblés selon les réalités spécifiques des différents territoires, comme “un débat consacré aux zones rurales” ou “aux quartiers populaires”. Concernant la présidentielle à venir, elle défend ce qu’elle nomme le “théorème de l’entonnoir” : il faut prioriser le programme avant de désigner un candidat. Elle ne privilégie donc pas particulièrement la tenue d’une primaire, qui ne serait organisée que si elle s’avère nécessaire. Dans ce cas, elle considère que cette primaire devrait être “aussi ouverte que possible”, et venir après cette étape privilégiée des débats territoriaux.
Clémentine Autain prône une « candidature commune » pour la gauche et les écologistes
Clémentine Autain, autre personnalité qui a rompu avec La France insoumise, se dit favorable à un projet unifié de gauche. “Si une démarche collective voit le jour, je serai probablement candidate pour représenter l’ensemble de la gauche et des écologistes”, a-t-elle déclaré à ICI Drôme Ardèche fin avril. Selon la députée de Seine-Saint-Denis, cette “candidature commune” nécessiterait la tenue préalable d’une primaire. Elle affirme par ailleurs avoir la capacité de rassembler, un point qu’elle défend dans son ouvrage paru en mars, L’avenir, c’est l’esprit public.
Olivier Faure en faveur d’une « plateforme commune » à gauche, sans La France insoumise
Olivier Faure, actuel premier secrétaire du Parti socialiste et candidat à sa réélection, milite lui aussi pour une démarche collective en vue de 2027. Dans sa contribution pour le congrès à venir, il propose la création d’une “plateforme commune” réunissant “la gauche non mélenchoniste”, allant de François Ruffin à Raphaël Glucksmann. Ce périmètre est plus restreint que celui proposé par François Ruffin, car Olivier Faure exclut d’emblée La France insoumise, mais inclut des forces comme le NPA de Philippe Poutou, situé à la gauche de LFI.
Sur le thème des primaires, Faure se dit “favorable”, comme il l’a affirmé sur BFMTV. Son objectif est que cette plateforme prépare une candidature unique en 2027, sans pour autant imposer d’entrée la sélection d’un candidat socialiste. Sarah Kerrich, élue régionale des Hauts-de-France, a précisé début avril lors de la présentation de cette proposition, qu’il s’agirait d’“un travail commun sans présupposer la désignation d’un candidat PS en amont”. Par ailleurs, le PS poursuit l’élaboration de son projet, et se dit “prêt quoi qu’il arrive”.
Les adversaires d’Olivier Faure au PS restent « très prudents » sur la tenue d’une primaire, comme Raphaël Glucksmann
Au Parti socialiste, certains ne partagent pas l’enthousiasme d’Olivier Faure pour une primaire. Nicolas Mayer-Rossignol, principal rival interne de Faure pour le prochain congrès, confie à 42mag.fr être “très prudent sur le principe même de la primaire”. Le maire de Rouen explique : “Il me semble primordiale de privilégier un accord politique avant tout, plutôt que de focaliser immédiatement sur une élection interne.” Raphaël Glucksmann, allié du PS aux européennes, a aussi toujours affiché son scepticisme quant à l’organisation d’une primaire ou la construction d’une candidature commune.
La France insoumise et Manuel Bompard fermement opposés à l’idée d’une primaire
Si François Ruffin ambitionne de rassembler toute la gauche au sein d’une primaire, il lui faudra d’abord convaincre La France insoumise, ce qui s’annonce comme un défi quasi insurmontable. Ce mouvement radical a traditionnellement refusé l’idée d’une présélection pour la présidentielle. Lors du précédent scrutin, Jean-Luc Mélenchon a systématiquement décliné les invitations à participer à une primaire de la gauche.
Cinq ans plus tard, cette posture n’a pas évolué. “Les primaires divisent, elles creusent des fractures, et juste après la primaire, ceux qui n’ont pas soutenu le candidat désigné se retrouvent derrière un autre candidat”, expliquait en septembre 2024 Manuel Bompard, coordinateur de LFI et proche de Mélenchon, sur France Inter.