En décembre, la justice roumaine a annulé le premier tour à cause de suspicions d’intervention russe. Contre toute attente, Calin Georgescu, un candidat d’extrême droite, avait réussi à se hisser en tête grâce à une campagne dynamique sur TikTok. Depuis lors, il a été retiré de la course électorale.
Une Nouvelle Échéance Électorale pour la Roumanie
Les électeurs roumains s’apprêtent de nouveau à voter ce dimanche 4 mai, lors du premier tour de l’élection présidentielle. Cette situation fait suite à un premier tour qui avait déjà eu lieu le 24 novembre, où Calin Georgescu, représentant de l’extrême droite, avait pris la tête des suffrages à la surprise générale. Cependant, le 6 décembre, juste avant le second tour, la Cour Constitutionnelle a annulé ces élections. Un événement très rare au sein de l’Union européenne, qui a plongé le pays dans une crise politique, au milieu de soupçons d’influence russe. Face à la pression d’une possible destitution, le président sortant Klaus Iohannis, libéral et pro-européen, a démissionné le 10 février.
L’Influence des Réseaux Sociaux et les Conséquences
La décision de la justice roumaine a été motivée par ce qu’on a appelé une « guérilla coordonnée » sur TikTok, en faveur de Calin Georgescu, comme l’indiquent des documents des services secrets roumains récemment rendus publics. Inconnu auparavant, ce candidat, qui se définissait comme « envoyé pour venger », a mené en quelques mois une campagne sur le réseau social, accumulant 22,94% des voix lors du premier tour. Pour éviter une répétition de ce scénario, des mesures préventives ont été mises en place par les autorités.
Une Campagne sur TikTok : Le Spectre d’une Influence Agressive
En novembre, alors que les sondages lui attribuaient seulement 1% des intentions de vote, Calin Georgescu a pris la tête du premier tour. Sa campagne, critique de l’Union européenne et de l’Otan et opposée à l’aide à l’Ukraine, s’est appuyée sur les réseaux sociaux. Selon un rapport de Viginum, les données recueillies révèlent une « campagne agressive », violant la législation électorale, et exploitant les algorithmes pour accroître sa popularité. TikTok, très utilisé en Roumanie avec 9 millions d’utilisateurs, ainsi que les plateformes du groupe Meta, ont été ciblés par une stratégie d’inondation avec l’aide de micro-influenceurs.
La Révélation d’Interactions Suspectes sur TikTok
Sous ces vidéos, des commentaires encourageaient l’engagement envers Georgescu. « L’algorithme de TikTok favorise l’engagement, ce qui augmentait la visibilité des vidéos », explique Catherine Durandin, historienne spécialisée. Un rapport de Viginum indique que TikTok a détecté plus de 27,199 comptes inauthentiques promouvant Georgescu et l’AUR, bien que ces comptes aient surtout publié des commentaires. Une enquête a été ouverte par la Commission européenne, accusant TikTok de ne pas avoir réagi plus vite aux contenus problématiques durant la campagne.
Cyberattaques et Accusations de Liens avec la Russie
En parallèle, des cyberattaques ont visé les systèmes électroniques liés aux élections. Les documents déclassifiés affirment que certains comptes impliqués dans cette campagne ont également promu des messages prorusses et anti-Otan. Bien que Calin Georgescu et la Russie nient leur implication, la Roumanie se prépare à de nouvelles interférences malgré l’incapacité actuelle de Georgescu à se représenter à la présidentielle.
Vers une Surveillance Renforcée des Réseaux
Le 17 mars, le président par intérim, Ilie Bolojan, a convoqué une réunion avec les responsables des élections pour examiner les préparatifs et appliquer strictement la législation électorale en ligne. Depuis, le Conseil national de l’audiovisuel (CNA) a élargi son focus aux réseaux sociaux et a sanctionné plusieurs contenus pour « désinformation dangereuse », multipliant les décisions pour contrer ces nouvelles formes de désinformation.
Collaboration entre Plateformes et Autorités
En réponse, les autorités roumaines cherchent le soutien des grandes plateformes. TikTok et Meta collaborent avec elles pour penser des stratégies en cas de désinformation. « Nous avons organisé une réunion avec les régulateurs et plateformes majeures pour envisager divers scénarios », explique Madalina Botan, chercheuse à l’Observatoire bulgaro-roumain des médias numériques.
Malgré ces efforts, le risque de nouvelles campagnes en ligne persiste, explique Catherine Duradin. Toutefois, les chercheuses soulignent que les nouvelles élections sont cruciales pour restaurer la confiance démocratique des Roumains, et ne devraient être annulées qu’en cas de fraude avérée dans les bureaux de vote.
Pour ce nouveau premier tour, quatre principaux candidats s’affrontent. En tête, George Simion, leader de l’extrême droite AUR, suivi par Nicusor Dan, actuelle maire de Bucarest, Crin Antonescu, représentant la coalition pro-européenne, et Victor Ponta, ancien Premier ministre. Seuls deux d’entre eux se qualifieront pour le second tour prévu le 18 mai.