Le texte a été approuvé à l’unanimité par l’ensemble des 197 députés présents lors de cette première lecture. Charles Sitzenstuhl, rapporteur du projet et membre du groupe Renaissance, a qualifié ce vote d’« historique » et a invité les sénateurs à examiner le dossier dans les plus brefs délais.
Un vote hautement symbolique. Lundi 2 juin, en fin d’après-midi, l’Assemblée nationale a validé une proposition de loi portée par Gabriel Attal « élevant Alfred Dreyfus au rang de général de brigade », un véritable « acte de réparation » destiné à parachever la réhabilitation de cet officier, plus de 130 ans après sa condamnation injuste. Le texte a été adopté en première lecture à l’unanimité par les 197 députés présents. Charles Sitzenstuhl, rapporteur et membre du groupe Renaissance, a salué ce vote comme un moment « qui restera dans l’histoire » et a exhorté les sénateurs à « examiner rapidement ce texte ».
Dans l’exposé des motifs, Gabriel Attal, député des Hauts-de-Seine et président du groupe Renaissance, insiste : « Conférer aujourd’hui à Alfred Dreyfus le grade de général de brigade constituerait un geste de réparation, une reconnaissance officielle de ses mérites ainsi qu’un hommage à son engagement en faveur de la République ».
Ce projet intervient également dans un contexte où « l’antisémitisme qui a frappé Alfred Dreyfus ne relève pas d’un passé révolu », et où la « République se doit de réaffirmer sans relâche sa vigilance, sa fermeté et son engagement absolu contre toutes les formes de discrimination », rappelle le député.
Un cas d’« injustice » historique
En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est condamné pour haute trahison et envoyé en exil sur l’île du Diable, en Guyane française, suite à de fausses accusations empreintes d’un antisémitisme profondément enraciné dans la société française de la fin du XIXe siècle.
Ce n’est qu’en 1906 que la Cour de cassation prononce son innocence, ce qui conduit naturellement à sa réintégration dans l’armée. Peu après, une loi le nomme chef d’escadron (commandant), avec effet rétroactif à la date de promulgation.
Pourtant, comme le souligne Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la loi et député du Bas-Rhin, cette décision ne corrige pas pleinement cette « injustice », car « la réintégration au grade de chef d’escadron ne correspond pas à une reconstitution complète de sa carrière ». Alfred Dreyfus lui-même demandera sans succès à voir son parcours professionnel pleinement reconnu. Il quittera l’armée en 1907, avant d’y servir de nouveau durant la Première Guerre mondiale.
Multiples démarches parlementaires ces dernières années
La question d’une réhabilitation intégrale d’Alfred Dreyfus « est restée longtemps méconnue et ignorée, sauf par sa famille et les experts de l’affaire », rappelle Charles Sitzenstuhl. Un tournant a lieu en 2006, lors d’un hommage national solennel rendu à Dreyfus : le président de la République de l’époque, Jacques Chirac, admet que « la justice ne lui a jamais été totalement rendue » et que l’ancien officier n’a pas pu « bénéficier de la reconstitution complète de sa carrière, à laquelle il avait pourtant droit ».
En 2019, la ministre des Armées Florence Parly évoque à son tour la nécessité de parachever cette réparation. Deux ans plus tard, Emmanuel Macron, président de la République, indique qu’il appartient désormais « très probablement à l’institution militaire, en dialogue avec les représentants de la nation », de décerner à titre posthume le grade de général à Alfred Dreyfus.
De nombreuses initiatives parlementaires ont jalonné ces dernières années ce combat, qu’elles viennent de la droite à l’Assemblée nationale et au Sénat, ou plus récemment du sénateur socialiste Patrick Kanner. Ce dernier s’est notamment fait l’écho d’une tribune publiée à la mi-avril par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, l’ancien secrétaire général de l’Élysée Frédéric Salat-Baroux, ainsi que le président de la maison Zola-Musée Dreyfus, Louis Gauthier.