Il y a tout juste un an, Emmanuel Macron surprenait l’opinion en choisissant de dissoudre l’Assemblée nationale, une mesure qui avait créé une véritable onde de choc politique. Aujourd’hui, au terme de ces douze mois, les députés dressent un constat plutôt pessimiste quant aux conséquences engendrées par cette décision. Ils soulignent notamment un affaiblissement des institutions ainsi qu’une perte de crédibilité politique qui ne cesse de s’accentuer.
Le 9 juin 2024 au soir, le président de la République décidait de dissoudre l’Assemblée nationale, conformément à l’article 12 de la Constitution. Un an plus tard, cette décision historique a conduit à une situation inédite : pour la première fois depuis 1988, l’Assemblée issue des élections ne dispose d’aucune majorité claire. Mieux encore, l’hémicycle s’est fragmenté en onze groupes parlementaires, un record jamais observé dans l’histoire de la Ve République. À présent, de nombreux députés estiment que les institutions en sont sorties affaiblies.
Yannick Monnet, député communiste, considère que cette dissolution a profondément « anéanti » le pays. Si, de son point de vue, il n’éprouve aucune « rancune » à l’égard d’Emmanuel Macron après le refus de ce dernier de nommer un Premier ministre de gauche, il souligne néanmoins que cette décision a eu des répercussions importantes. « Il y a eu une dissolution, suivie de choix qui allaient à l’encontre de ce que la population avait exprimé ou rejeté. J’ai bien conscience que le vote de gauche n’a pas été forcément un vote d’adhésion complète, mais cela a contribué à creuser davantage le fossé entre le peuple et la politique », souligne-t-il avec gravité.
Des tensions et manoeuvres au cœur des débats animés
Ce décalage grandissant se manifeste aussi entre les citoyens et les formations politiques, en particulier à gauche. Cette dernière n’a pas réussi à désigner un candidat à Matignon capable de susciter une véritable crédibilité, comme en témoigne le socialiste Philippe Brun, encore amer. « La période qui a suivi le 7 juillet n’a pas été bien gérée. On a sorti de manière un peu précipitée une personne inconnue du grand public, ce qui donnait une impression d’improvisation. Par la suite, on n’a pas su bâtir une coalition, signer un pacte majoritaire ou à tout le moins un contrat de non-censure, qui aurait permis de consolider la durée de la gouvernance. Au contraire, nous sommes restés enfermés sur nos positions, ce qui n’a rien arrangé. »
Cette situation a fortement « entamé » leur crédibilité, constate un autre responsable de gauche. Pourtant, paradoxalement, les partis jouent aujourd’hui un rôle central au sein de l’Assemblée, dans un contexte que certains rapprochent d’une IV République. Un député de LR admet ainsi : « Nous sommes très exposés, souvent en première ligne, et nous devons parfois recourir à des astuces lors de débats très animés. »
Les limites du régime et le manquement des élus
Pour l’insoumis Éric Coquerel, cette situation ne rappelle nullement la IVe République, mais met plutôt en lumière les faiblesses de la Ve. « Nous assistons à un festival de procédures destinées à éviter les votes. Après le recours fréquent au 49.3, de nouvelles méthodes apparaissent, comme l’usage des motions de rejet pour renvoyer un texte au Sénat et ainsi contourner l’Assemblée. Tout ce qui est contestable dans notre régime se manifeste clairement. »
La question est alors de savoir si le problème réside dans le système lui-même ou dans les acteurs qui le composent. Pour Matthieu Lefevre, macroniste, la réponse ne fait aucun doute. « Nous avons une classe politique qui refuse de collaborer : modérés, socialistes, LR, nous-mêmes, personne n’a réellement le désir de travailler au service du pays pour les deux années à venir. Chacun est préoccupé par la prochaine élection présidentielle. »
« Ce n’est pas la dissolution qui est la cause principale, mais bien l’inconséquence des élus français. »
Matthieu Lefevreà 42mag.fr
Cette difficulté à parvenir à des compromis « semble malheureusement vouée à perdurer », regrette le député Liot Harold Huwart. Il estime que les comparaisons avec la IVe République sont inappropriées : « Cette dernière avait des institutions faibles qui ont fini par faire disparaître une classe politique remarquable, issue de la Résistance. Aujourd’hui, c’est le contraire : une classe politique médiocre est en train de faire sombrer des institutions considérées jusqu’ici comme solides et robustes. Sur le terrain, j’entends souvent des citoyens dire que tout cela ne fonctionne pas, et que ce sera le Rassemblement national qui obtiendra la majorité, car ce sont les seuls capables d’en avoir une. »
Le député RN Laurent Jacobelli conclut avec ironie : « Un an après, on pourrait presque souhaiter un joyeux anniversaire, et tout recommencer. » Son vœu reste néanmoins l’espoir de retrouver une certaine stabilité — mais cela dépendra forcément d’une majorité claire dans l’hémicycle, quelle qu’en soit la couleur politique.