La réunion autour de la réforme des retraites, dont la durée a été étendue de justesse, place le Premier ministre dans une position délicate. Si aucun compromis n’est trouvé avant la semaine prochaine, le risque de voir apparaître une nouvelle motion de censure se précise à nouveau.
Ce conclave, dont la durée se prolonge bien au-delà du prévu, constitue un véritable test de résistance pour la tactique mise en œuvre par Bayrou. C’est précisément l’instauration de ce conclave qui avait permis à ce dernier d’échapper à une motion de censure début février. Cette concession avait concouru à obtenir la clémence du groupe PS. En échange de cette ouverture de dialogue visant à réformer la réforme des retraites, les socialistes s’étaient détachés de leurs alliés de gauche, notamment des insoumis. Si aucune entente n’est trouvée entre les partenaires sociaux la semaine prochaine, il est possible que les socialistes retombent dans la tentation de déposer une nouvelle motion de censure, une menace qu’ils ont remise sur la table mardi 17 juin. Ainsi, l’issue de ce conclave est déterminante pour la stratégie de François Bayrou afin de rester à la tête du gouvernement.
La stratégie de François Bayrou repose essentiellement sur le fait de diviser ses opposants. Pour le Premier ministre, cette approche est fondamentale du moment qu’il ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. La survie de son gouvernement dépend de sa capacité à empêcher une alliance contre-nature à son encontre, celle regroupant la gauche et l’extrême droite, coalition qui avait fait tomber précédemment Michel Barnier. C’est donc cette méthode Bayrou, souvent décriée pour son apparente désorganisation, qui est employée.
Le Premier ministre apprécie les longues discussions, mais il ne donne pas toujours l’impression d’avoir une vision claire et précise de ses objectifs. Sa méthode reste floue, les décisions tardent à venir, personne ne se déclare franchement convaincu, mais personne ne s’y oppose ouvertement non plus. Cette démarche agace même une partie de son propre camp, mais elle ne facilite pas non plus la tâche de ses adversaires, qui peinent à le cerner et à le prendre en défaut, tant il est insaisissable. Par de multiples consultations ou groupes de travail, il gagne du temps, fait parfois marche arrière et consent de nombreuses concessions. Jusqu’ici, ce stratagème fonctionne plutôt bien. Il vient justement de dépasser les six mois à la tête du gouvernement, un double succès par rapport à la durée passée par Michel Barnier à Matignon. Par ailleurs, avec le temps, ce conclave autour de la réforme des retraites a fini par enterrer la revendication qui pesait lourdement sur l’exécutif depuis l’adoption accélérée de la réforme en 2023 : la suppression de l’âge légal de départ à 64 ans.
Après les retraites, la montagne du budget ?
Cependant, les Insoumis persistent dans leur demande. Ils prévoient déjà de déposer une nouvelle motion de censure, bien qu’elle soit probablement vouée à l’échec. Souvent marqués par leurs divisions internes, les socialistes pourraient néanmoins s’y rallier massivement. Pourtant, il ne serait pas vraiment dans leur intérêt de renverser le gouvernement alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à récupérer son pouvoir de dissolution. Le risque d’une destitution reste faible puisque le Rassemblement national devrait refuser de soutenir cette initiative.
Si, la semaine prochaine, un accord acceptable émerge du conclave, François Bayrou présentera ses propositions au Parlement en septembre. Il est probable que certains opposants déposeront des amendements pour réintroduire la suppression de l’âge légal de 64 ans. Cependant, il sera difficile aux socialistes de mettre en échec un compromis validé par la CFDT.
Pour résumer, avec quelques difficultés mais sans discorde majeure, la méthode Bayrou devrait poursuivre son chemin tant bien que mal jusqu’à l’autre grand défi programmé pour l’automne : la gestion du budget. A ce moment-là, la menace d’une motion de censure se fera bien plus tangible. À moins qu’entretemps, un autre conclave, une nouvelle consultation ou toute autre innovation ne vienne une fois encore lui permettre de se maintenir au pouvoir…