Jean-Philippe Derosier, qui enseigne le droit public à l’université de Lille, est venu participer à l’émission « 8h30 42mag.fr » le vendredi 6 juin.
Le juriste spécialiste de la Constitution Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, a déclaré vendredi 6 juin sur 42mag.fr que depuis 2017, Emmanuel Macron « dégrade la fonction présidentielle ». Il intervenait dans le cadre d’une émission spéciale consacrée à 42mag.fr, à l’occasion du premier anniversaire de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, prononcée après la sévère défaite du camp présidentiel lors des élections européennes de 2024.
Selon ce constitutionnaliste, « Emmanuel Macron nuit profondément aux institutions dès lors qu’il se considère investi d’un pouvoir absolu en raison de sa victoire électorale ». Si le président dispose naturellement du droit de dissoudre — une prérogative prévue par la Constitution, tout comme l’article 16 qui lui permet de bénéficier de pouvoirs exceptionnels — il est toutefois essentiel, selon lui, d’exercer ce droit avec sagesse et prudence.
« Emmanuel Macron a évité toute négociation »
Jean-Philippe Derosier estime que « en recourant à ces pouvoirs, Macron n’a pas enfreint la Constitution, mais il a adopté un mode de gouvernance qui dévie des intentions initiales des pères fondateurs de la Ve République ». Le constitutionnaliste souligne notamment « les dégâts importants causés aux institutions par la manière dont il a conduit la réforme des retraites, en mobilisant tous les moyens nécessaires ». Il précise que même si c’est son gouvernement qui a mis en œuvre cette mobilisation, c’est bien lui qui en demeure le principal responsable, « le capitaine du navire ».
Après les élections législatives de 2022, au cours desquelles Emmanuel Macron a obtenu une majorité relative, « il n’a pas cherché à négocier avec les autres forces politiques ». Concernant le dossier des retraites, « il s’est comporté comme s’il disposait d’une majorité absolue ». Or, « malgré sa réélection démocratique, il a subi un revers politique, puisque sa majorité a été considérablement affaiblie et non reconduite », ce qui aurait dû l’amener « à adapter sa stratégie en conséquence ».
« La dissolution était déjà prévisible dès le 9 janvier »
Jean-Philippe Derosier confie que « la dissolution lui semblait inévitable » le soir même des résultats des élections européennes. Selon lui, cette décision s’inscrit « dans une dynamique longue, instaurée depuis 2017 et renforcée en 2022 ». Il explique que ce choix paraissait incontournable parce qu’« au soir du 9 juin, la défaite du président et de ce qui restait de sa majorité n’était pas simplement une déconvenue, mais une véritable humiliation ».
Pour le juriste, « la dissolution était en réalité déjà programmée depuis le 9 janvier », date à laquelle Emmanuel Macron a décidé de « révoquer brusquement sa première ministre Elisabeth Borne, sans justification claire ». Il qualifie ce geste de « caprice princier ». Face aux élections européennes, « une réponse politique forte s’imposait », et celle-ci ne pouvait être autre que « la dissolution de l’Assemblée nationale ».