Le site LesJours.fr met en lumière l’existence d’un groupe Facebook privé nommé « La France avec Jordan Bardella », qui rassemble environ 11 500 adhérents. Ce groupe est administré par plusieurs responsables au sein du parti d’extrême droite.
« Sales races », Sandrine Rousseau qualifiée de « finie à l’urine », insultes comme « Macron petit PD »… Ce lundi 2 juin, le site LesJours.fr a dévoilé l’existence d’un groupe Facebook fermé baptisé « La France avec Jordan Bardella », rassemblant près de 11 500 membres, parmi lesquels neuf députés du Rassemblement national (RN). Le média en ligne rapporte que ce groupe est devenu un véritable réceptacle à de nombreux propos haineux, notamment racistes, antisémites, islamophobes, homophobes et sexistes, publiés ces derniers mois. Certains utilisateurs appellent notamment à « castrer sans anesthésie » des étrangers ou encore à « éradiquer » le mouvement France insoumise.
Les Jours ont identifié les députés RN présents dans ce groupe : Nicolas Dragon (Aisne), Christian Girard (Alpes-de-Haute-Provence), René Lioret (Côte-d’Or), Caroline Colombier (Charente), Nathalie Da Conceicao Carvalho (Essonne), Pascal Markowsky (Charente-Maritime), Pascale Bordes (Gard), Laurence Robert-Dehault (Haute-Marne) ainsi que Monique Griseti (Bouches-du-Rhône). Selon le site d’information, seuls René Lioret et Pascal Markowsky sont intervenus en aimant ou en commentant certains messages, tandis que les autres élus ne se seraient pas manifestés dans ce groupe.
Le média révèle également que ce groupe était « administré par plusieurs cadres, anciens candidats et collaborateurs parlementaires du parti lepéniste ». On y trouve des collaborateurs parlementaires, des élus locaux ou des responsables régionaux, comme Guillaume Bres, ancien suppléant du RN aux élections départementales de 2021 en Savoie, Michel Massy, chargé de la communication du RN à La Réunion, ou encore Nathalie Germain, cadre du parti en Isère. Selon Les Jours, ce n’est qu’après des sollicitations de journalistes que trois députés se sont désinscrits du groupe et que les administrateurs ont tenté de camoufler leur rôle en renommant la page « Pour la France », avant de la quitter à leur tour.
Réactions politiques très vives
« Tous, s’ils ont eu connaissance de ces messages, avaient juridiquement le devoir de signaler les nombreuses infractions relevées par Les Jours », souligne le média. Pourtant, l’enquête révèle qu’aucun des neuf députés présents sur le groupe n’a déposé de signalement officiel. En restant passifs, ces élus RN s’exposent à d’éventuelles poursuites judiciaires. Parmi eux, le député insoumis Thomas Portes a explicitement annoncé via le réseau social X avoir saisi le procureur de la République « en vertu de l’article 40 » du Code de procédure pénale, qui oblige tout élu à dénoncer aux autorités tout crime ou délit dont il aurait connaissance.
D’autres responsables de gauche, comme le député socialiste Jérôme Guedj, ont également réagi sur X en condamnant fermement les propos échangés sur ce groupe. Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV, a ironisé en évoquant « enfin la découverte de ce que font les assistants parlementaires du RN au lieu de bosser ! », rappelant le procès qui a conduit à une inéligibilité de cinq ans pour Marine Le Pen. Quant à Sébastien Chenu, vice-président du RN, il a dénoncé sur 42mag.fr une « instrumentalisation politique » des faits. Il a assuré : « Nous refusons catégoriquement que de tels propos soient tenus au sein du RN, et nous prenons systématiquement des sanctions quand cela arrive ».
Devant l’ampleur de la polémique déclenchée par ces révélations, la direction du Rassemblement national a nié toute implication officielle de ses députés dans ce groupe Facebook litigieux. Interrogé sur la chaîne LCP, Gaëtan Dussausaye, conseiller de Jordan Bardella, a en particulier rejeté le fait que « La France avec Jordan Bardella » soit un groupe rattaché officiellement au RN, tout en assurant que les neuf députés concernés « en sortiront ».
Le Rassemblement national invoque l’ignorance
Sur BFMTV, Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, a qualifié l’enquête de « conduite de mauvaise foi », expliquant qu’il est courant d’être ajouté à des groupes sur Facebook sans en être averti. « On peut se trouver dans des milliers de groupes sans le savoir, sans les voir ni les suivre », a-t-il justifié, ajoutant qu’il avait « discuté avec les députés concernés » pour comprendre comment cette situation avait pu se produire. Il affirme être certain qu’aucun d’eux n’y aurait participé volontairement : « Ce sont aussi des personnes que je connais très bien. L’idée qu’ils aient consciemment pris part à cela n’était à aucun moment crédible. »
Laurence Robert-Dehault, députée de Haute-Marne mise en cause, a indiqué auprès de France 3 Grand Est qu’elle ignorait son appartenance à ce groupe Facebook. L’élue d’extrême droite affirme avoir quitté la page « immédiatement » après avoir appris son existence, imputant son inscription à ses collaborateurs chargés de la gestion de ses réseaux sociaux. « Je n’étais pas au courant, je ne suis jamais allée sur ce groupe », a-t-elle soutenu. Elle rejette en outre toute responsabilité politique portée par le RN, estimant que les auteurs de ces messages « ignobles » agiraient en tant que « éléments isolés ».
En décembre dernier, le site LesJours.fr avait déjà dénoncé la présence de quinze cadres du RN dans un autre groupe Facebook intitulé « Rassemblement national (direction 2027 !) », un groupe réputé pour héberger de nombreuses publications choquantes. À cette époque, le député insoumis Thomas Portes avait également annoncé avoir relayé ces faits à la procureure de la République à Paris.