Depuis longtemps, François Bayrou soutient l’idée d’instaurer un système électoral proportionnel, mais cette proposition s’est heurtée à une opposition farouche de la part des partis de droite. En effet, ces derniers ont toujours rejeté fermement ce mode de scrutin. Par ailleurs, lors d’une réunion qui s’est tenue lundi à Matignon avec Bruno Retailleau, ce dernier a laissé entendre qu’il pourrait envisager de démissionner si une telle réforme venait à être mise en œuvre, faisant ainsi planer une menace claire sur le projet.
Le lundi 2 juin, Bruno Retailleau a clairement indiqué qu’il ne soutiendrait pas une réforme visant à instaurer un scrutin proportionnel pour les prochaines élections législatives. Peut-il, par sa position, contraindre François Bayrou à abandonner ce projet ? Depuis le 28 avril, le Premier ministre a engagé une consultation à ce sujet. Ce même jour, c’est non pas le ministre de l’Intérieur mais le président nouvellement élu de LR – bien qu’il s’agisse en réalité d’une seule et même personne, Bruno Retailleau – qui était reçu à Matignon.
Après cette rencontre, Bruno Retailleau a réaffirmé son opposition farouche à la proportionnelle, précisant qu’il ne porterait pas le texte proposé par François Bayrou attendu pour l’automne. Or, le ministre chargé des élections est, rappelons-le, le ministre de l’Intérieur, soit Bruno Retailleau lui-même. Cette configuration laisse supposer qu’il pourrait envisager de quitter le gouvernement…
Cependant, il s’agit probablement d’une posture stratégique. Celui-ci ne quittera pas son poste, du moins dans l’immédiat. C’est précisément parce qu’il occupe cette fonction ministérielle qu’il a été plébiscité à la présidence de LR. Quitter le gouvernement avant d’obtenir des résultats concrets serait donner raison à l’extrême droite, qui l’accuse de beaucoup de paroles mais peu d’actions. De plus, les récentes violences survenues durant le week-end lui rappellent que sa mission n’est pas terminée.
Trois scénarios restent envisageables. Premièrement, François Bayrou pourrait confier la responsabilité de la réforme électorale à un autre membre du gouvernement, par exemple Patrick Mignola, ministre des Relations avec le Parlement et centriste. Deuxièmement, l’initiative pourrait être laissée au MoDem, via une proposition de loi portée par le groupe parlementaire. Troisièmement, le projet pourrait finalement être abandonné, si la majorité centrale, notamment les macronistes qui sont assez réservés, s’opposent également à cette réforme.
À quoi servirait un scrutin proportionnel ?
Sur le plan de son utilité, la proportionnelle est-elle en mesure de dépasser le blocage politique actuel ? La réponse est non. François Bayrou, la gauche ainsi que le Rassemblement national en soutiennent l’instauration, invoquant le principe de pluralisme politique et mettant en avant le fait que ce système garantit une représentation plus fidèle de la diversité des opinions. Cette argumentation est légitime.
En revanche, LR ainsi que le groupe Horizons d’Édouard Philippe y sont farouchement opposés, arguant que le scrutin proportionnel nuit à la formation d’une majorité stable, ce qui nuit à l’efficacité gouvernementale. Cet argument mérite également d’être pris en considération, d’autant que l’Assemblée nationale ne dispose pas aujourd’hui d’une majorité claire.
En réalité, l’introduction de la proportionnelle seule n’apporterait pas de solution concrète. Le mode de scrutin est seulement un élément parmi d’autres dans la résolution de la crise démocratique actuelle. Il doit s’inscrire dans un cadre de réformes beaucoup plus globales, visant à apaiser les tensions politiques, à favoriser une culture du débat et du compromis, et à restaurer la confiance des citoyens envers une offre politique plus tangible et performante. Ce chantier démocratique d’envergure est d’autant plus complexe à mener dans le climat politique actuel, et il semble peu probable qu’il puisse être initié avant une prochaine élection présidentielle.