L’introduction d’un nouveau barème tarifaire douanier a provoqué de nombreuses réactions parmi les acteurs du monde industriel, touchant aussi bien le secteur automobile que celui des cosmétiques. Les conséquences et les ressentis ne sont toutefois pas uniformes pour l’ensemble des filières concernées.
Un soulagement pour certains acteurs économiques, un véritable revers pour d’autres. Le nouvel accord commercial conclu entre les États-Unis et l’Union européenne (UE), rendu public dimanche 27 juillet, suscite des réactions contrastées en Europe. Le point de discorde majeur concerne l’instauration de droits de douane « généraux » à hauteur de 15 % sur les produits européens exportés vers les États-Unis.
Cependant, plusieurs secteurs dits « stratégiques » ont finalement été exonérés de ces taxes après des négociations longues et ardues entre les deux parties. Certaines industries demeurent toutefois dans l’incertitude, notamment celles des produits pharmaceutiques, de l’acier, de l’aluminium ou encore des vins et spiritueux… Franceinfo livre une analyse détaillée des bénéficiaires et des perdants de cet accord.
Exemption totale des droits de douane pour l’aéronautique
Comme l’a expliqué Ursula von der Leyen, certains secteurs profiteront d’une suppression intégrale des droits de douane entre l’Europe et les États-Unis, suivant le principe du « zéro-à-zéro ». « Cela concerne tous les avions et leurs pièces détachées », a précisé la présidente de la Commission européenne. Cette décision a été accueillie favorablement par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, qui considère cet accord comme « positif pour un secteur équilibré entre la France et les États-Unis », selon un communiqué. Pour cette fédération professionnelle, l’absence de taxation permettra notamment de « maintenir des emplois qualifiés en France à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance ».
Cette annonce a vivement rassuré le secteur, particulièrement vulnérable face aux risques grandissants d’un conflit commercial. Bien que le PDG d’Airbus, Guillaume Faury, ait soutenu l’idée de droits ad valorem réciproques sur les avions et équipements américains, il avait également souligné début juin que des sanctions réciproques étaient une situation « perdant-perdant », tel que l’avait relayé France 3 Occitanie. Son souhait de trouver un terrain d’entente s’est concrétisé, permettant au secteur de continuer à s’appuyer sur un accord international signé en 1979, qui garantit une exonération des taxes douanières et a largement favorisé le développement des constructeurs européens aux États-Unis.
L’industrie automobile préservée, même si la menace subsiste
Dans une certaine mesure, l’accord-cadre dévoilé dimanche est une bonne nouvelle pour le secteur automobile européen. La taxe douanière de 15 % appliquée est nettement inférieure au taux de 30 % que le président Donald Trump avait envisagé précédemment. L’Acea, le syndicat européen des constructeurs automobiles, a salué lundi « un progrès majeur vers l’apaisement de l’incertitude croissante » qui pèse sur cette industrie. Cependant, l’association note que même si ces droits restent supérieurs au niveau avant le retour de Trump, cela aura un effet négatif « non seulement sur l’industrie européenne, mais également sur celle des États-Unis ».
Ce taux a été accueilli de manière similaire en Allemagne, un pays dont les constructeurs automobiles dépendent fortement du marché américain, expliquait l’économiste Flavien Neuvy à 42mag.fr fin mars. Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a d’ailleurs tweeté que cet accord « évite une guerre commerciale qui aurait lourdement affecté l’économie allemande, très tournée vers l’export ».
Un soulagement relatif pour le secteur laitier français
Fortement implantés sur le marché américain, où ils exportent chaque année plus de 340 millions d’euros de produits, les industriels français du lait ne sortent cependant pas indemnes de cet accord. « Les droits excessifs de 30 % que Donald Trump menaçait d’imposer auraient provoqué un net ralentissement des exportations laitières », a rappelé François-Xavier Huard, président de la Fédération nationale de l’industrie laitière, cité par Les Echos. « Mieux vaut un accord qu’une guerre commerciale, même si globalement cette décision est plutôt défavorable aux intérêts européens », a-t-il ajouté.
« Le consommateur américain devra soit accepter des prix plus élevés, notamment sur certains produits à appellation d’origine protégée. Sinon, sur les produits d’entrée ou milieu de gamme, la concurrence d’autres pays moins taxés restera très forte », expliquait-il début avril lors d’une interview à RTL, au moment où les États-Unis avaient porté à 10 % leurs droits de douane.
L’industrie cosmétique fortement impactée
L’industrie des cosmétiques, après celle de l’aéronautique, est l’un des principaux secteurs exportant vers les États-Unis, avec près de 13 % de sa production destinée au marché américain. Toutefois, elle ne bénéficie d’aucun privilège et fait partie des plus pénalisées par ce changement de règles. « D’un côté, cet accord apporte un peu de visibilité et de soulagement », a exprimé Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté, auprès de l’AFP.
Mais en même temps, « on passe d’une absence de droits de douane en début d’année à un taux de 15 % désormais », a-t-il souligné, rappelant que le marché américain représente 3 milliards d’euros par an pour cette filière. Puisque les coûts douaniers sont généralement répercutés sur le prix final, cela risque d’entraîner une hausse des tarifs des produits européens, les rendant moins compétitifs face à leurs concurrents. Rien qu’en France, cette perspective menace directement 5 000 emplois, prédit Emmanuel Guichard.
Une alerte lancée par les PME
La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) tire la sonnette d’alarme quant aux conséquences de ce pacte annoncé dimanche. Selon elle, les retombées seront « très néfastes pour l’économie française et auront des effets désastreux pour des milliers de PME ». Dans un communiqué, cette seconde organisation patronale du pays décrit l’accord comme étant « une illusion, une fausse bonne nouvelle » et juge que « le coût à payer pour éviter un conflit commercial avec les États-Unis dépasse largement ce qui est raisonnable ».
En combinant ces droits de douane avec la dépréciation du dollar par rapport à l’euro, l’accès au marché américain deviendra « plus coûteux et plus difficile pour les entreprises françaises », souligne la CPME. Ces complications se feront particulièrement ressentir « pour les PME, qui, contrairement à certains grands groupes, ne disposent pas de la capacité de négocier des ‘accords de prix minimum’ avec les autorités américaines », précise l’organisation.