William Thay, spécialiste en sciences politiques et dirigeant du groupe de réflexion Le Millénaire, est intervenu en tant qu’invité lors de l’émission « 11h/13h » diffusée sur 42mag.fr, ce mercredi 23 juillet.
Ce passage est une partie extraite de la retranscription du reportage ci-dessus. Pour le visionner dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Le mardi 22 juillet, Bruno Retailleau, qui occupe les fonctions de ministre de l’Intérieur tout en présidant le parti Les Républicains, s’est exprimé auprès du magazine Valeurs actuelles en affirmant : « Le macronisme ne constitue ni un courant politique ni une idéologie. Il repose essentiellement sur la personne d’Emmanuel Macron. Le macronisme disparaîtra avec lui. »
Quelle est la véritable intention de Bruno Retailleau ?
William Thay, politologue et président du think tank Le Millénaire : Le positionnement de Bruno Retailleau s’inscrit dans une stratégie multiple. Son premier objectif est de prendre ses distances avec le macronisme. Les sondages récents révèlent deux critiques majeures à son égard : d’une part, l’inefficacité perçue de son action ministérielle, incapable jusqu’ici de produire des résultats clairement visibles ; d’autre part, son besoin évident de se démarquer du macronisme. En effet, la popularité d’Emmanuel Macron n’a jamais été aussi faible depuis son arrivée à l’Élysée en 2017. Il détient même le record du président le moins apprécié, juste derrière François Hollande. Dans ce contexte de pouvoir affaibli, en déclin électoral et sanctionné par l’opinion, Bruno Retailleau, qui nourrit peut-être l’ambition de prendre la relève, a tout intérêt à ne pas sombrer avec un régime en perte de vitesse. Concrètement, il a deux options : quitter le navire dès à présent – ce qu’il commence à faire –, ou rester pour jouer un dernier rôle avec Emmanuel Macron, à l’image des musiciens du Titanic. Il semblerait qu’il ait choisi la première voie.
Le risque d’une motion de censure plane-t-il sur le gouvernement ? Retailleau ne serait-il pas avisé de se désengager avant une telle éventualité ?
Antoine Comte, éditorialiste politique à 42mag.fr : Bruno Retailleau semble vouloir éviter de porter la responsabilité du bilan du macronisme, qui est globalement peu favorable depuis 2017, peu importe le sujet abordé. Dans les sondages, on observe un président en chute libre dans l’opinion, tout comme un Premier ministre, François Bayrou, encore plus déprécié. La tactique consiste donc à se détacher au maximum du macronisme, et éventuellement à éviter de sombrer avec lui en cas de motion de censure au moment de voter le budget 2026 à l’automne. Cela dit, dans cette interview accordée à Valeurs actuelles, Bruno Retailleau adopte une posture d’ »en même temps ». Présent à la fois en tant que président des Républicains et ministre de l’Intérieur, il critique ce qu’il reproche à Emmanuel Macron, notamment cette ambiguïté dans la gestion politique. Il est ironique de dénoncer le « en même temps » du macronisme alors que Retailleau agit de manière similaire, même s’il ne partage pas la même idéologie politique, leur méthode de faire de la politique se rapproche.
Pourquoi Retailleau a-t-il choisi « Valeurs actuelles » pour cette prise de parole critique envers le gouvernement ?
William Thay : Bruno Retailleau souhaite s’adresser à une partie de l’électorat traditionnellement acquis au Rassemblement national, et cela pour plusieurs raisons. D’une part, tout le potentiel de récupération auprès des électeurs macronistes semble désormais épuisé et est en train de basculer progressivement vers les Républicains. Si l’on examine les sondages en vue d’élections législatives anticipées – par exemple en cas de dissolution –, on constate que LR parvient à tenir tête à Renaissance, confirmant qu’ils ont déjà capté autant d’électeurs macronistes que possible. Pour que LR puisse franchir la barre du second tour lors de la présidentielle – et donc pour que Retailleau ait une chance de s’y qualifier –, il lui faudra conquérir 5 à 10 points supplémentaires. Or, cette augmentation ne viendra pas uniquement des électeurs d’Emmanuel Macron mais devra surtout venir de ceux du Rassemblement national. Ces derniers votent historiquement pour Marine Le Pen ou Jordan Bardella, principalement en raison de leur opposition au président sortant. Il est assez rare, dans l’histoire de la Ve République, que le même camp reste au pouvoir sans discontinuer. Ce que Bruno Retailleau cherche à faire, c’est clairement se positionner comme un candidat capable de débloquer l’action publique.
Est-il pertinent pour Bruno Retailleau de cibler le lectorat de « Valeurs actuelles » et potentiellement les électeurs du Rassemblement national ? Quelle est la réaction du RN face à cette stratégie ?
Antoine Comte : L’avenir nous le dira. Ce qui est sûr, c’est que Retailleau tente forcément de capter une partie des voix d’extrême droite.
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