Le Parti socialiste exige que la ministre de la Culture quitte ses fonctions à la suite de sa mise en examen par le tribunal correctionnel. D’après le secrétaire général du parti, l’exécutif semble s’affranchir des normes établies.
Suite à l’annonce, mardi 22 juillet, de la mise en examen de Rachida Dati pour corruption et trafic d’influence dans le cadre de l’affaire Carlos Ghosn, plusieurs figures politiques de la gauche ont exigé la démission de la ministre. Parmi elles, Pierre Jouvet, secrétaire général du Parti socialiste, a même qualifié, mercredi, la ministre de la Culture de « voyou ».
« Dans notre pays, il existait une règle selon laquelle lorsqu’une personnalité politique était mise en examen, elle quittait son poste ministériel », a déclaré l’eurodéputé sur Sud Radio. Cette affirmation est-elle exacte ? Y a-t-il ou a-t-il déjà eu un texte légal liant la mise en examen à l’abandon du mandat ministériel ?
Une pratique politique plutôt qu’une règle écrite
Tout dépend de la notion que l’on donne au mot « règles ». Si l’on entend une norme officielle, comme une loi, alors la réponse est négative : aucun texte juridique n’a jamais imposé qu’un ministre mis en examen doive démissionner de ses fonctions. Toutefois, une habitude politique a bien existé dans ce sens. Cette pratique remonte aux années 1990, sous le gouvernement socialiste dirigé par Pierre Bérégovoy. En 1992, Bernard Tapie, alors ministre délégué à la Ville, a dû quitter son poste à la suite de sa mise en examen pour abus de biens sociaux.
Ce principe moral a été renforcé et appliqué de manière plus systématique durant la période du gouvernement d’Édouard Balladur. Par exemple, en 1994, trois ministres ont démissionné avant même d’avoir été mis en examen officiellement. C’est à cette époque que s’est forgé ce qu’on a appelé la « jurisprudence Bérégovoy-Balladur », bien que le terme de jurisprudence soit impropre puisque la justice n’a jamais ordonné ces départs.
Cependant, cette tradition a commencé à se fissurer lors du mandat de Nicolas Sarkozy. En 2010, Brice Hortefeux, tout en ayant été condamné pour injures à caractère racial, est resté à son poste au ministère de l’Intérieur. (Il fut néanmoins relaxé par la suite.)
Une application fluctuante sous le mandat d’Emmanuel Macron
Le principe excluant la poursuite en fonction ministérielle d’un mis en examen a connu un regain avec François Hollande à la présidence. L’exemple le plus marquant de ce temps est celui du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, qui a démissionné après sa mise en cause judiciaire.
Avant même d’être élu président, Emmanuel Macron avait lui aussi promis de respecter cette règle. Le 2 mars 2017, sur France 2, il déclarait : « Un ministre doit quitter ses fonctions lorsqu’il est mis en examen ». Cette promesse intervenait alors que son adversaire François Fillon était empêtré dans le scandale des emplois fictifs. Fidèle à cet engagement, dès le mois suivant son accession à l’Élysée, Emmanuel Macron a poussé vers la sortie plusieurs ministres, notamment François Bayrou, Marielle de Sarnez, et Sylvie Goulard.
Cependant, avec le temps, cette règle est devenue de moins en moins rigoureusement appliquée. Plusieurs ministres ont continué à exercer leurs responsabilités malgré leur mise en examen, voire durant la durée de leur procès. Par exemple, Éric Dupond-Moretti, ancien garde des Sceaux, a poursuivi sa mission avant d’être relaxé en décembre 2023 par la Cour de justice de la République. Par ailleurs, quelques mois auparavant, la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, avait évoqué la nécessité de faire évoluer cette règle pour la moduler selon la « spécificité » de chaque situation.