Marine Rosset a renoncé à son poste moins de deux mois après avoir été élue. Élu sous l’étiquette du Parti socialiste et faisant partie de la communauté lesbienne, il lui était reproché un grand nombre de critiques concernant son engagement politique et il lui était adressé des attaques visant son orientation sexuelle.
Des actes d’hostilité envers les personnes LGBTQ+, des critiques liées à son engagement politique et des épisodes de harcèlement sur les réseaux sociaux ont été les principaux motifs qui ont conduit Marine Rosset, présidente des Scouts et guides de France (SGDF), à quitter ses fonctions en moins de deux mois après son élection.
Elle a expliqué à La Croix, le mercredi 6 août, avoir choisi de se mettre en retrait de la fonction présidentielle afin de protéger le mouvement, la situation étant devenue intenable.
Le 14 juin, Marine Rosset avait pourtant été élue à la tête du premier mouvement de jeunesse chrétienne de France avec un soutien largement majoritaire, au sein d’une organisation qui regroupe environ 100 000 adhérents et 900 groupes sur l’ensemble du territoire. Avant cela, la militante avait déjà occupé plusieurs postes à responsabilités au sein des Scouts de France, après y avoir adhéré en 2019.
Remous internes au mouvement
Dès son arrivée, cette femme chrétienne âgée de 39 ans a été prise pour cible par des sites d’extrême droite, parmi lesquels Frontières et Boulevard Voltaire. L’annonce de sa nomination a également suscité des interrogations au sein de l’Église, en particulier en raison de ses engagements politiques en tant que femme politique socialiste, de son mandat de conseillère municipale dans le 5e arrondissement de Paris, de son statut de mère lesbienne et de son soutien à l’avortement.
Selon Marine Rosset, des acteurs externes au scoutisme — issus notamment de milieux politiques et de secteurs de communication, voire financiers — auraient instrumentalisé certaines de ses positions après son élection, contribuant à forger une image fausse des SGDF qui les présenterait comme compatibles avec le mouvement lui-même.
Mais même à l’intérieur du mouvement, des voix se sont élevées contre la nouvelle présidente. D’après Le Monde, l’aumônier général des SGDF, Xavier de Verchère, aurait « ouvertement exprimé son désaccord » en juin, en lisant devant le conseil d’administration un message indiquant qu’il ne pouvait pas s’associer à ce choix, tout en affirmant qu’il serait toutefois aux côtés de celle qui avait été élue.
« Lorsqu’on ambitionne d’occuper des responsabilités dans une association catholique, il me paraît essentiel de ne pas défendre publiquement des positions en contradiction avec l’enseignement de l’Église », avait quant à lui écrit l’abbé Clément Barré, prêtre du diocèse de Bordeaux et membre des Scouts de France, sur X. Ces critiques illustrent les tensions entre certains prêtres de l’Église catholique et l’organisation des Scouts de France, perçue comme moins conservatrice que d’autres mouvements scouts comme les Scouts unitaires de France ou les Scouts d’Europe.
Chaque prise de parole aurait été scrutée de près
Les attaques visant Marine Rosset se sont intensifiées au cours de l’été, notamment à partir de l’annonce, début juillet, d’une élection législative partielle dans la 2e circonscription de Paris, là où elle avait été candidate en 2022 et en 2024. Elle explique avoir été la cible d’attaques quotidiennes sur les réseaux sociaux, ce qui a encore amplifié les pressions pesant sur elle.
Si elle a dit qu’elle ne visait pas le poste de députée, elle était pourtant pressentie pour occuper le rôle de suppléante de la candidate socialiste Frédérique Bredin. Elle a expliqué que « la moindre de mes prises de parole aurait été surveillée », et qu’il était crucial pour elle que le mouvement ne soit pas réduit à sa seule personne, souhaitant éviter de l’endommager.
« Il ne faut pas se méprendre : les critiques sur mon engagement politique servaient souvent à m’attaquer sans évoquer mon orientation sexuelle », a-t-elle ajouté. En tant que mère d’une enfant lesbienne et en raison de son orientation, elle a aussi été critiquée sur sa foi et sa spiritualité. Face à ces pressions et afin de protéger sa famille, Marine Rosset a décidé de démissionner de la présidence des SGDF.
Dans un communiqué, l’association a indiqué que ce retrait « permet de préserver la dimension apolitique des Scouts et guides de France », tout en condamnant « fermement les propos violents, discriminants ou déshumanisants » qui ont été adressés à l’encontre de sa désormais ex-présidente ces dernières semaines. Ces violences, notamment homophobes, vont à l’encontre de l’éthique éducative et associative du mouvement.
Marine Rosset porte plainte
L’organisation apportait aussi son soutien à une « plainte déposée par Marine Rosset » au début du mois de juillet à Paris, précisant qu’elle « se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires à ses côtés ». Interrogée sur le sujet, la socialiste a rappelé que le pape François a exprimé une plus grande ouverture envers les croyants LGBT+ que ses prédécesseurs et a posé la question: « Est-il possible d’être homosexuel et président d’un mouvement catholique ? »
« On pouvait penser, après ces propos, qu’une ouverture serait envisageable sans que les catholiques se sentent remis en cause dans leur foi », a-t-elle fait remarquer à La Croix.
À gauche, notamment à Paris, plusieurs figures ont regretté la démission de la présidente des SGDF. Emmanuel Grégoire, député PS et candidat aux municipales, a apporté son soutien à Marine Rosset, affirmant qu’elle avait « dû faire face à des insultes inacceptables, à la haine et à une homophobie criante ». Boris Vallaud a, quant à lui, dénoncé sur X ces « insultes » et cette « vague de harcèlement ».
Le président de la Cour des comptes et ancien ministre, Pierre Moscovici, ainsi que le secrétaire national du PS, Pierre Jouvet, ont également pris sa défense. Du côté des communistes, le sénateur Ian Brossat, candidat à la mairie de Paris, a déploré sur X « une vague d’homophobie » et accusé la droite d’alimenter la « fachosphère » par son « silence complice ».
« Malgré le déversement de haine que j’ai reçu, j’ai plutôt envie d’être un ferment de paix », a confié Marine Rosset à La Croix. Elle continuera à exercer d’autres missions, notamment comme administratrice des Scouts de France, tandis que Pierre Monéger, l’un de ses proches, la remplacera à la tête du mouvement. « Je prie pour que la colère et la souffrance vécues ces derniers mois se transforment en courage pour témoigner, discrètement, au sein de l’Église », a-t-elle ajouté au quotidien, précisant que cela peut paraître étrange dans ce contexte, mais qu’elle n’est pas du genre à renoncer.