D’après Frédéric Bizard, qui est un expert en économie de la santé, prétendre que la simple lutte contre la fraude permettrait de redresser les comptes de la sécurité sociale constitue une idée fausse. Il considère en effet que s’en remettre uniquement à cette stratégie pour rétablir l’équilibre financier serait illusoire.
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a révélé samedi 2 août les grandes orientations du projet de loi visant à lutter contre la fraude sociale, dont l’adoption est prévue pour l’automne. Parmi les propositions présentées figure le recours à la géolocalisation des services de transport sanitaire ainsi que la mise en place d’un mécanisme autorisant le prélèvement direct sur le compte bancaire des fraudeurs. Toutefois, Frédéric Bizard, économiste de la santé et président fondateur de l’Institut Santé, a relativisé ces mesures dimanche sur 42mag.fr : « Si une solution miracle existait, elle aurait déjà été appliquée ».
« Certaines initiatives évoquées sont pertinentes, mais imaginer que la lutte contre la fraude sociale permettra de redresser à elle seule les finances de la sécurité sociale, c’est se leurrer », déplore l’économiste. Selon lui, « il est essentiel de moderniser et d’interconnecter les bases de données, ainsi que d’étendre un délai de carence, probablement aussi au secteur public, mais cela ne suffira pas à restaurer nos équilibres financiers ». Frédéric Bizard estime que ces propositions relèvent davantage d’une stratégie de diversion politique, même s’il reconnaît que « la lutte quotidienne contre la fraude sociale est bien sûr indispensable ». La ministre avance pour sa part une estimation du préjudice lié à la fraude sociale à hauteur de « 13 milliards d’euros ».
Réformer en profondeur les agences sanitaires
« Ce qui pose problème dans cette démarche, c’est qu’on assiste à une manœuvre politique visant à éviter d’aborder une réforme structurelle profonde du système de santé », dénonce encore Frédéric Bizard, qui met notamment en avant la nécessité d’une « réforme de l’État sanitaire ». Il rappelle qu’« la gestion de la crise sanitaire liée au Covid a révélé un État sanitaire fragmenté, caractérisé par une multiplication d’agences peu coordonnées et manquant d’efficacité ». Parmi les pistes d’optimisation budgétaire proposées par l’expert, figure la réorganisation des « 17 Agences régionales de santé (ARS), dont le coût dépasse le milliard d’euros, et qui se montrent très peu performantes pour coordonner les soins au niveau local ».
Pour Frédéric Bizard, les économies envisagées par l’exécutif s’avèrent « non durables ». « Les seules économies réellement pérennes dans le domaine de la santé sont celles qui s’accompagnent d’une amélioration de l’état de santé de la population », insiste-t-il. Il préconise l’adoption d’une loi de programmation quinquennale permettant d’instaurer une démarche stratégique sur le long terme en matière de santé publique, notamment « face au défi du vieillissement inédit de la population ». « Il est primordial de transformer notre système de santé pour qu’il favorise un vieillissement en bonne santé », conclut-il.