Le chef de l’État envisage de mettre en pause les exemptions de visa accordées aux diplomates algériens, dans l’objectif d’obtenir d’Alger un ensemble de concessions.
Il affirme n’avoir « pas d’autre choix ». Dans une lettre datée du mercredi 6 août et envoyée au Premier ministre, dont Le Figaro a publié l’extrait et que 42mag.fr a pu consulter, Emmanuel Macron demande à François Bayrou d’adopter « une approche de plus grande fermeté » vis-à-vis de l’Algérie. Après des mois de frictions entre les deux États, le chef de l’État hausse le ton et réclame la suspension d’un accord bilatéral signé en 2013, qui dispense les diplomates algériens de visa pour venir en France.
Parce que la brouille entre Paris et Alger dure depuis plus d’un an
Cette lettre s’inscrit dans un contexte extrêmement tendu, né d’une succession de déclarations, de mesures et de répliques entre Paris et Alger. Le premier souffle de tension remonte à fin juillet 2024, lorsque Macron a apporté son soutien à un plan marocain pour le Sahara occidental. Paris considère désormais ce plan d’autonomie, présenté comme issu de la souveraineté marocaine, comme la seule base permettant de résoudre le conflit entre Rabat et le Front Polisario, qui dure depuis plus de quarante ans. Cette position est dénoncée par l’Algérie, qui soutient le Polisario face au Maroc. L’Algérie avait alors rappelé son ambassadeur en France.
Les crises se sont enchaînées ensuite, notamment autour de l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en novembre 2024. Puis la condamnation et l’emprisonnement, en juin 2025, du journaliste français Christophe Gleizes. Au début du mois d’avril 2025, peu après la visite du chef de la diplomatie française en Algérie, la tension est montée d’un cran avec la mise en examen de trois hommes accusés d’avoir enlevé, un an plus tôt, Amir Boukhors, dit Amir DZ, un influenceur algérien bénéficiant de l’asile politique en France. Parmi les prévenus, se trouvait un membre des services consulaires algériens, ce qui a vivement réagi à Alger.
En réponse à ces arrestations, Alger a choisi d’expulser le 13 avril douze agents de l’ambassade de France. Deux jours plus tard, Emmanuel Macron a ordonné le renvoi de douze agents consulaires algériens en représailles. À la mi-mai, la France est allée plus loin en réclamant un visa pour les agents algériens, alors qu’ils étaient munis d’un passeport diplomatique, au nom de sa « riposte graduée ». Dans sa lettre envoyée mercredi, Macron formalise donc ce nouveau cadre, qui s’applique aussi aux déplacements privés des dignitaires algériens sur le sol français.
Parce que l’Algérie n’accepte plus ses ressortissants expulsés de France
C’est sans doute la situation qui semble le plus irriter le chef d’État. Dans sa correspondance, il confie à François Bayrou son « inquiétude » concernant le refoulement par l’Algérie de ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Les premiers cas avaient émergé en janvier, notamment dans l’affaire de l’influenceur Doualemn. Puis l’attaque de Mulhouse (Haut-Rhin), le 22 février, qui a fait un mort et deux blessés, et dont le suspect était un Algérien ayant multiplié les demandes de réadmission, toutes refusées par son pays d’origine.
Macron évoque par ailleurs cette attaque en évoquant ses craintes concernant les « ressortissants algériens les plus dangereux, sortant de prison ou placés en centre de rétention administrative et qui ne peuvent plus être expulsés, faute de coopération des autorités algériennes ». Il déplore que parmi les 18 consulats algériens établis en France, aucun ne coopère désormais avec les services de l’État.
Parce qu’il s’agit, selon lui, du seul chemin pour renouer la « coopération »
Après des mois de crise diplomatique, Macron entend exercer une pression accrue sur l’Algérie. Pour assurer l’efficacité de ces directives, il demande aussi aux pays de l’espace Schengen d’adopter des mesures similaires, et d’informer Paris avant d’octroyer « des visas de court séjour pour les responsables algériens en question et les passeports visés par l’accord de 2013 ». Il exhorte enfin François Bayrou à activer sans délai le « levier visa-réadmission », un outil prévu par la loi immigration de 2024 qui autorise également le refus de visas de long séjour à tout type de demandeur.
Dans sa lettre, le chef de l’État affirme qu’il continue de vouloir « retrouver des relations efficaces et ambitieuses avec l’Algérie qui répondent aux intérêts du peuple français, dont une large part entretient avec ce pays un lien qui ne saurait être fragilisé par ces différends ».
Pour cela, il trace une feuille de route destinée à la « coopération », ou plutôt une liste des attentes françaises : la reprise des auditions consulaires, la fin des refoulements, mais aussi le retour des « moyens » de l’ambassade de France. Reste à voir comment Alger réagira à ce courrier, et s’il acceptera ou non de normaliser ses relations avec Paris.