Depuis l’émergence du Covid, le nombre de personnes qui se déplacent à vélo a crû d’environ 30 à 40 %, ce qui peut rendre l’espace disponible sur le bitume urbain parfois insuffisant. Comment les décideurs locaux s’occupent-ils de répartir cet espace public ? Dans un passage tiré de l’émission Complément d’enquête, Bordeaux est présenté comme un exemple, une ville qui a opté pour mettre en avant les transports en commun et la pratique du vélo.
À Bordeaux, il est environ 9h30 ce matin-là et le centre-ville paraît presque dépourvu de voitures. Après l’élan écologique déclenché par les municipales de 2020, elle figure au même titre que des villes comme Lyon, Tours ou Annecy, qui ont aussi choisi de favoriser les déplacements à vélo et à pied.
Pour diminuer l’usage de la voiture, les autorités locales ont instauré des mesures audacieuses. Bordeaux peut ainsi se targuer d’abriter le plus vaste secteur piétonnier du pays, délimité par un dispositif de bornes automatiques qui excluent les véhicules non autorisés.
Le véhicule écarté du cœur de la métropole ?
La mairie cherche-t-elle à exclure totalement l’automobile du centre-ville ? « Non, nous privilégions davantage les voitures des résidents et des personnes qui travaillent dans ces quartiers », répond Didier Jeanjean, adjoint au maire Pierre Hurmic (EELV) chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés. « Ici, maintenir un flux de circulation qui pollue et qui ne vient ni consommer ni vivre, cela n’a aucun intérêt pour personne. »
Didier Jeanjean a conduit des journalistes de « Complément d’enquête » à travers un centre historique qu’il se flatte d’avoir rendu pédestre et cyclable. À l’issue du cours Victor-Hugo, certaines artères à double sens sont devenues des rues à sens unique, avec une voie pour les vélos et une voie pour les voitures… qui, ce matin-là, étaient peu nombreuses, et l’élu s’en réjouit comme autant de « congestion en moins ».
« Pour fluidifier la circulation, il faut proposer des alternatives. Des options comme le bus, comme les voies vélos, elles vont forcément prendre la place de la voiture… Il n’y a pas d’autre espace. »
Didier Jeanjean, adjoint au maire de Bordeaux chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés,dans « Complément d’enquête »
Un réaménagement de la ville qui se ferait au détriment des automobilistes ? L’élu n’ignore pas les difficultés rencontrées par ces derniers : grâce à près de 300 caméras installées dans le Centre de supervision urbain, il peut suivre en temps réel les embouteillages habituels autour de la porte de Bourgogne ou sur les quais longeant la Garonne…
La ville la plus embouteillée de France ?
L’adjoint affirme comprendre la grogne des automobilistes tout en défendant un bilan qu’il juge positif : « Le partage de l’espace routier fonctionne. Nous constatons plus d’usagers dans les bus, davantage de personnes à vélo, moins de voitures en centre-ville, et les temps de parcours restent globalement stables. » Selon lui, sur les cinq dernières années, le trafic dans le centre aurait diminué d’environ 17 %. Cependant, une étude récente du fabricant de systèmes de navigation TomTom classe Bordeaux comme la ville la plus embouteillée de France, avec une moyenne de 113 heures perdues chaque année dans les bouchons.
La mairie conteste ces chiffres, mais les automobilistes ont leur point de vue. « À partir du moment où on arrive à l’hypercentre, ça devient vite saturé », soupire l’un d’eux, et pour un autre, la situation s’est même « détériorée ». Un autre explique mettre désormais près de trois quarts d’heure pour revenir chez lui à Bègles, à moins de trois kilomètres, alors que le trajet durait autrefois à peine 20 minutes…
Extrait de « Vélos, voitures : c’est ma route, ma bataille ! », à voir dans « Complément d’enquête » le 4 septembre 2025.