À la suite d’une courte pause estivale, les responsables du gouvernement s’apprêtent à s’attaquer à une série de chantiers complexes et exigeants, en mettant l’accent sur l’étape cruciale qu’est l’adoption du budget.
Les vacances tirent à leur fin pour François Bayrou, qui aborde une rentrée politique plus que périlleuse. Le Premier ministre prévoit une conférence de presse lundi 25 août qui servira de prélude à une rentrée délicate pour le gouvernement et son plan d’économies de 43,8 milliards d’euros, dans un contexte où des appels à bloquer le pays le 10 septembre bénéficient du soutien de la gauche. Par ailleurs, plusieurs dossiers sensibles remontent au Parlement, tels que la programmation énergétique, la réforme de l’audiovisuel public et l’instauration d’un scrutin proportionnel. Franceinfo en détaille les enjeux.
Le budget 2026, le test déterminant pour François Bayrou
La tâche la plus ardue qui attend l’exécutif consiste à adopter le budget pour 2026. Après avoir dévoilé les grandes directions de son projet et fixé un objectif d’environ 44 milliards d’économies, François Bayrou doit soumettre officiellement le budget au Conseil des ministres le 1er octobre. Les textes seront examinés par l’Assemblée à partir du 14 octobre pour le budget de l’État et à partir du 21 pour celui de la sécurité sociale, selon le calendrier établi par la conférence des présidents.
Certaines options ont déjà déclenché des remous, comme la proposition de supprimer deux jours fériés ou celle d’une année blanche. En l’absence de majorité à l’Assemblée et sous la menace d’une censure émanant du RN et de la gauche, Bayrou peut se faire démettre, à l’instar de son prédécesseur Michel Barnier en décembre 2024. Pour accroître ses chances de survie, le centriste s’efforcera de nouer des compromis avec les groupes parlementaires et compte également sur l’appui de l’opinion, malgré une popularité largement entamée. Le 5 août, il a lancé une série de clips pédagogiques destinés à convaincre les Français de la nécessité de désendetter l’État.
Avant même l’examen du texte en séance, le mécontentement pourrait s’exprimer dans la rue via un appel à la mobilisation contre le budget pour le 10 septembre, lancé par des internautes, des gilets jaunes et soutenu par des syndicats. Force ouvrière a quant à elle déposé un préavis de grève du 1er septembre au 30 novembre.
La programmation énergétique, un dossier sensible et complexe
La proposition de loi de programmation énergie et climat pour les années 2025 à 2035, portée par le sénateur LR Daniel Grémillet, sera renvoyée à l’Assemblée fin septembre après avoir été adoptée au Sénat le 8 juillet. Les débats promettent d’être tendus après une première lecture mouvementée à l’Assemblée. Le texte avait été rejeté par les macronistes et la gauche après une tentative des oppositions pour imposer un moratoire sur les énergies renouvelables, la mise en place de tarifs régulés du gaz, ou la relance de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Conscient de la complexité de ce dossier, Bayrou a décidé, le 5 août, de repousser la publication du décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie afin de permettre une concertation et des consultations suffisantes avec les partis et les groupes parlementaires. Ce décret, qui fixe les priorités d’action publiques en matière d’énergie, est très attendu par les professionnels du secteur. Cependant, le RN a menacé de déposer une motion de censure si le gouvernement publiait le texte avant la fin de l’examen parlementaire de la loi Grémillet.
La loi Duplomb sur l’agriculture, au cœur d’un nouveau débat ?
Le 7 août, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la proposition de loi agricole Duplomb, en rejetant la réautorisation, sous dérogation, d’un insecticide controversé, l’acétamipride. Emmanuel Macron a promulgué cette version du texte le 12 août. Les défenseurs du pesticide n’en restent pas là : des syndicats agricoles, dont la FNSEA, réclament un nouveau texte permettant l’usage de l’acétamipride, jugé indispensable par eux pour la survie de certaines filières françaises, comme la betterave. Le sénateur Laurent Duplomb, à l’origine de la mesure, n’exclut pas cette option.
De leur côté, les députés écologistes ont annoncé le dépôt d’une proposition visant à abroger l’ensemble de la loi. Une pétition demandant l’abandon du texte a recueilli plus de 2 millions de signatures, et la conférence des présidents des deux chambres peut décider d’organiser un débat sans vote à l’Assemblée et au Sénat à la rentrée. Le gouvernement s’est dit prêt à participer.
La réforme de l’audiovisuel public, la priorité de Rachida Dati
Autre réforme contestée, la proposition de loi sur l’audiovisuel public vise à créer une holding regroupant Radio France, France Télévisions (y compris le site 42mag.fr.fr) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Le texte, porté par la ministre de la Culture, Rachida Dati, a été adopté en deuxième lecture par les sénateurs juste avant la pause estivale grâce à un “vote bloqué”.
Le texte doit désormais revenir à l’Assemblée à une date qui reste à fixer. Fin juin, les échanges à l’Assemblée avaient pris fin après l’adoption d’une motion de rejet préalable. « Ce passage en force au Sénat sera une victoire à la Pyrrhus (…) Nous serons mobilisés dès la rentrée pour faire obstacle à ce texte », a prévenu Aurélien Saintoul (LFI) sur X. La proposition bénéficie au niveau inférieur du soutien du socle commun et d’une certaine bienveillance du RN, « plutôt enclin à s’abstenir », selon le vice-président Sébastien Chenu.
La proportionnelle aux législatives, le serpent de mer
Le Premier ministre a aussi lancé l’idée d’un réexamen du mode de scrutin des législatives en faveur d’un système proportionnel. Bayrou a assuré qu’un texte serait présenté avant Noël ou en début d’année prochaine. Toutefois, le consensus demeure lointain: si les formations politiques semblent unanimes sur le principe, elles divergent sur les modalités. Le MoDem milite pour une proportionnelle intégrale, tandis que le parti présidentiel préfère un système mixte, et les écologistes plaident pour un scrutin basé sur des circonscriptions régionales.
Fin juin, le chef du gouvernement disait compter sur ses capacités pédagogiques pour convaincre. Il admettait toutefois que des sensibilités différentes subsistent, même au sein de la coalition. Début juin, le ministre de l’Intérieur et président des Républicains, Bruno Retailleau, avait brandi la menace de démission s’opposant à un changement du mode de scrutin, arguant que cela pourrait durablement priver l’Assemblée d’une majorité et rendre le pays « ingouvernable ».
Le statut de la Corse, un sujet clivant
La réforme du statut de la Corse, lancée en 2022 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, à l’initiative d’Emmanuel Macron, est aussi au programme. Un projet de révision constitutionnelle doit être examiné par le Parlement. Le président du Sénat, Gérard Larcher, reproche au gouvernement de ne pas avoir pris en compte l’avis du Conseil d’État.
Le texte revu par la juridiction supprime notamment les éléments discutés sur la notion de « communauté » corse et l’idée d’un pouvoir législatif autonome pour la collectivité de Corse, privilégiant une approche différente. Le gouvernement, soucieux de respecter ses engagements envers les élus insulaires, a pris une autre direction.
Le chemin reste long et incertain pour François Bayrou: une révision constitutionnelle n’est adoptée que si elle est votée dans les mêmes termes par les deux chambres, puis ratifiée par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Avec le RN opposé et une droite hésitante, l’issue paraît loin d’être acquise.
Des projets de réformes rejetés par les syndicats
Les relations entre François Bayrou et les partenaires sociaux risquent de se tendre. Pour parvenir aux coupes budgétaires prévues pour 2026, le gouvernement vise notamment la suppression de deux jours fériés, une refonte de l’assurance chômage et une réforme du temps de travail. S’y ajoute la question de l’âge légal de départ à la retraite, qui reviendra au Parlement après l’échec du « conclave ». Les syndicats dénoncent d’ores et déjà une « politique de casse sociale ».