Dans le cadre du gouvernement dirigé par Bayrou, Juliette Méadel, qui occupe le poste de ministre chargée de la Ville, est l’invitée de 42mag.fr ce jeudi 4 septembre. Elle évoque le vote de confiance qui s’annonce et les propositions que le Parti socialiste envisage en cas de dissolution.
Les socialistes aspirent à Matignon. Pensez-vous que cette orientation peut sauver le pays ?
Juliette Méadel : À mes yeux, au-delà des considérations tactiques du Parti socialiste, la seule voie capable de sortir le pays de la situation actuelle, compte tenu de l’Assemblée nationale telle qu’elle est, passe par une alliance allant de la gauche responsable à la droite raisonnable. C’est la seule option.
Le pivot, c’est le bloc central avec un socialiste qui se place dans une logique de soutien ou dans une logique d’abstention ?
Il faut un Parti socialiste qui déclare « Nous n’allons pas bloquer le pays et nous sommes favorables à ce qu’il y ait un budget sérieux ». C’est crucial, car la dépense publique doit rester maîtrisée. Par ailleurs, pouvoir annoncer des investissements dans ce qui est utile, j’en ai connu les effets dans mon portefeuille de ministre de la Ville. Nous avons privilégié nos dépenses sur les enfants et les jeunes, car cela est efficace et utile. En parallèle, j’ai réussi à réduire la dépense publique lorsque les répercussions pour les citoyens étaient minimes. Je pense que cela est réalisable avec un peu de volonté, un peu de courage, et surtout en restant tourné vers le travail social, car la vocation de la République aujourd’hui, c’est le souci social, particulièrement dans la conjoncture que traversent nos concitoyens.
« Vous croyez vraiment que les Français ont envie qu’on les fasse revenir aux urnes tous les 14 mois ? »
Vous n’avez pas envie de croire que le Parti socialiste pourrait demain diriger un gouvernement ? Cela ne vous paraît pas une voie crédible ou souhaitable ?
Non, car l’actuel Parti socialiste a adopté des choix politiques qui ne me ressemblent pas. Je n’aurais pas adhéré à une collaboration avec la France insoumise. J’en ai dit autant il y a huit ans et je le réaffirme. Et même si je plaide pour revoir les mécanismes d’optimisation fiscale afin d’établir davantage de justice et d’équité fiscales, je suis également favorable à davantage de dépenses sociales, en particulier dans l’éducation et la santé. Mais il faut être bien plus rigoureux dans la manière dont nous gérons le pays. Aujourd’hui, les interventions dans les domaines sociaux sont nombreuses ; il faut les coordonner, non pas pour réaliser des économies seul, mais parce que cela profite davantage aux citoyens. Je pense donc qu’en renforçant la coordination et en simplifiant l’accès aux services publics, nous réaliserons des économies et gagnerons en efficacité. Et je ne vois pas d’autre solution pour le pays que des dépenses publiques plus efficaces et des investissements plus productifs. Car aujourd’hui, on finance la dette pour une dépense inefficace. Cependant, en donnant la priorité à la dépense sociale pour les plus vulnérables, on peut concilier efficacité et justice.
On entend actuellement depuis l’Élysée que le scénario le plus plausible serait un bloc central. Avec Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, pour sa dimension gaulliste sociale. Est-ce envisageable pour les socialistes ?
Je vais vous décevoir, mais tout dépend en réalité de l’objectif, c’est-à-dire de la ligne et de l’équilibre qui serait instauré et négocié. Toutefois, si nous étions encore dans une phase où tout reste envisageable et où la grande coalition que le Premier ministre appelle de ses vœux, jusqu’à lundi 1er septembre, pouvait se mettre en place, comme dans d’autres pays européens où, en l’absence de majorité, le président ou le chef de l’exécutif invite les parlementaires à se mettre d’accord. Ou même programmer un vote de défiance constructif, c’est-à-dire : « nous sommes contre vous, mais nous proposons une alternative, proposez quelque chose ». Ce qui me navre dans cette histoire, c’est que le président de la République et le Premier ministre avancent une solution issue d’une nouvelle majorité née des élections de 2024. Nous avons voté il y a 14 mois. Vous croyez vraiment que les Français, qui peinent à joindre les deux bouts, souhaitent être convoqués aux urnes tous les 14 mois ? Quelle preuve d’incompétence ! Ce n’est pas sérieux ; c’est à nous, responsables politiques, de nous mettre d’accord.
« Ce n’est pas infamant un compromis, au contraire, ça oblige à convaincre »
Les socialistes proposent une méthode qui consisterait à gouverner sans recourir au 49.3. Donc ils disent « On s’engage, on ne présentera que des textes qui seront négociés à l’Assemblée ». C’est une proposition…
C’est une proposition. Mais avant d’être en situation de proposer des textes sans 49.3, il faut être en mesure d’avoir la majorité au Parlement et à l’Assemblée nationale. Or, ils ne veulent plus travailler avec le bloc central.
Mais personne n’a la majorité et personne n’arrive à construire cette coalition…
C’est pour cela que, pour sortir de l’impasse, il faut accepter la coalition. Il faut accepter de discuter. Si vous arrivez en disant « Alors nous, on vient mais attention seulement avec les nôtres, on ne discute pas avec le bloc central »… Mais ce sont des maths ! De toute façon, ça ne passe pas. Et par ailleurs, au-delà des histoires de calcul de voix, le sens de l’histoire en Europe aujourd’hui, ce sont les logiques de coalition. Il y a aujourd’hui, en gros, trois blocs en France. RN, LFI et une espèce de centre-droit, centre-gauche, que j’appelle « de la gauche raisonnable à la droite responsable ». En attendant, il y a deux blocs aux extrêmes qui veulent le chaos. Ce que j’appelle le chaos, c’est la dissolution des missions du président, alors que nous avons voté il y a peu de temps. Donc si vous voulez construire quelque chose et que vous ne voulez pas tomber soit du côté insoumis soit du côté RN, vous êtes obligés d’accepter les compromis. Ce n’est pas infamant un compromis. Au contraire, ça oblige à convaincre.