À l’approche du scrutin de confiance imposé par le Premier ministre François Bayrou, lundi 8 septembre à l’Assemblée nationale, la défiance des citoyens envers la politique semble s’accentuer publiquement.
Le lundi 8 septembre 2025, François Bayrou, premier ministre, va solliciter le vote de confiance des députés à l’Assemblée nationale sur le thème budgétaire. En attendant, il a lancé une série de rencontres avec les formations politiques. Mais quel est le ressenti des Français face à cette nouvelle phase d’instabilité politique ?
À Melun, dans la périphérie parisienne, en Seine-et-Marne, les soubresauts de la vie politique semblent amplifier la méfiance vis-à-vis des acteurs publics. Pour certains, c’est même une forme de dégoût, comme chez Gilles, qui œuvre avec des personnes en situation de handicap : « Ce que je constate, c’est la progression de l’extrême droite au pouvoir, et elle devient de plus en plus virulente. On prépare le terrain depuis 25 ans, mais personne n’agit. »
“Aujourd’hui, la manière dont La France insoumise et l’extrême droite agissent me dégoûte. Je n’aime pas ce gouvernement macroniste.”
Gilles, habitant de Melunà 42mag.fr
L’éducateur spécialisé se voit comme héritier d’une tradition de gauche, mais il dit être de plus en plus écœuré par ce qu’il observe, au point que même les socialistes hésitent à accorder leur confiance la semaine prochaine. « Il n’y a pas un seul qui représente le pays, estime-t-il. Où sont les personnalités comme De Gaulle ou Clemenceau, qui croyaient en la République ? » Si certains citoyens s’informent et se politisent, d’autres estiment que la situation leur échappe complètement, ou qu’ils ne se sentent pas concernés, comme cette femme qui descend du train de banlieue avec son fils : « Ça m’énerve. J’ai complètement coupé les infos. Je ne sais pas grand-chose, même pas ce qui se passe en Ukraine. Je sais juste que mon fils va bien, et c’est l’essentiel. »
Colère chez certains, résignation chez d’autres
Une logique de repli accompagne aussi la colère de certains. Sur la terrasse d’un café du centre de Melun, Benoît, retraité et ancien professeur d’arts plastiques qui soutient François Asselineau, avance que l’origine du déficit réside chez les ultrariches. « En France, on vit dans un système oligarchique. Des fortunes ont explosé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. L’argent se concentre là où il est, et ces personnes paient très peu d’impôts. L’évasion fiscale en France représente plus de 100 milliards d’euros. On va puiser dans les poches des plus modestes », déclare-t-il.
Autre temps fort à Melun: il y a sept ans, le mouvement des “gilets jaunes” avait trouvé un large écho parmi les habitants. Si Benoît les avait soutenus, Pascale, elle, y a pris part : « On s’est gelé pendant un hiver, et qu’est-ce que cela a donné ? On nous a vendu du rêve. » En revanche, l’appel à tout bloquer le 10 septembre ne la convainc pas pleinement : « Ils sont tellement loin du terrain que cela ne les dérange pas. On va surtout s’entretuer entre nous. De toute façon, ils vont encore envoyer les forces de l’ordre. » Pour Pascale, il manque une solidarité entre Français, une réalité que la sphère politique exploite pour mieux les diviser.
Des arguments qui font mouche
Malgré le désarroi frappant chez de nombreux Français, certaines idées de Bayrou ou du moins leur sensibilité trouve écho chez quelques-uns. Andromaque, une femme de 44 ans, voit d’un mauvais œil la perspective d’un effritement du gouvernement : « On ne peut pas passer son temps à changer de Premier ministre. En voyant Bayrou à la télé, je me dis que ce n’est pas facile pour lui. Pour les deux jours fériés, j’estime qu’il faut faire un effort. »
“C’est comparable à une mère de famille : quand les finances se dégradent chez soi, il faut chercher des solutions et réduire certaines dépenses pour parvenir à s’en sortir.”
Andromaque, habitante de Melunà 42mag.fr
Par ailleurs, Ali estime que certaines mesures présentent des points positifs, comme lorsque le Premier ministre met en lumière les problématiques liées aux « boômes » : « D’une certaine façon, il a raison. Ceux qui ont profité des Trente Glorieuses ont acquis des logements, des retraites et des salaires plus que confortables, alors que les jeunes, même diplômés, se heurtent à des difficultés accrues pour accéder à un logement. Un économiste expliquait qu’il faut dix à quinze ans de plus pour acquérir un bien pour des jeunes très diplômés. »
Ali, qui travaille au tribunal de Melun, ne pardonne pas la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024 ni la composition du gouvernement qui a suivi les urnes : « Ce qui a rendu l’atmosphère vraiment délétère et instable, c’est que le locataire de l’Élysée n’a pas respecté les résultats des dernières législatives. »
Ce sentiment d’un gâchis démocratique se mêle à une inquiétude grandissante pour l’avenir, dans ce contexte marqué par une éphémère stabilité politique.