Alors que l’éventualité d’un renversement du gouvernement se précise, le président de la République se voit, une fois encore, contraint de replonger dans l’imbroglio politique d’une complexité inextricable né de la dissolution de 2024.
« Personne ne sait ce qu’il va se passer, ni ce qu’il faut faire », résume une proche d’Emmanuel Macron. Encore une fois, la France va replonger dans les turbulences d’une instabilité devenue chronique depuis que la dissolution de juin 2024 a échoué. Le lundi 8 septembre, le Premier ministre François Bayrou va solliciter la confiance de l’Assemblée nationale.
À moins d’un rebondissement spectaculaire, l’issue semble presque certaine, toutes les formations d’opposition ayant affirmé qu’elles voteront contre. « Il n’aura pas la confiance », prévoit d’emblée un député important du bloc central. « Ce qu’a fait Bayrou est une bêtise, il n’y a pas d’autre mot. Il nous fait porter la responsabilité du chaos, ce qui est tout de même le comble », tranche le même interlocuteur. Un autre ironise : « Demander à des oppositions qui s’opposent depuis huit ans de voter la confiance ? Je comprends leur position, ils ne sont pas suicidaires les gars ! »
François Bayrou s’apprête donc à subir le même sort que Michel Barnier, lui aussi éjecté sur la question budgétaire, après une motion de censure adoptée au tout début du mois de décembre. La cause est la tripartition à l’Assemblée, issue des législatives anticipées, qui rend le pays ingouvernable. Une fois la formation du chef du MoDem écartée, la balle retomberait sur le président de la République. Que va faire Emmanuel Macron ? Dans ses rangs, l’abattement domine. « Quelle situation de merde, c’est l’enfer à tous les étages », soupire un élu macroniste. « On est assez nombreux à penser que l’on est vraiment sur un toboggan, on a de moins en moins d’options », enchaîne un poids lourd du camp présidentiel.
Dissoudre or not dissoudre
Ce n’est pas l’état d’esprit d’Emmanuel Macron, selon l’un de ses plus proches amis : « Il a la volonté d’aboutir et, jusqu’au bout, il va se battre. » Dans les coulisses, le président consulte et a reçu à déjeuner, mardi, les patrons des partis qui forment la coalition gouvernementale : Bruno Retailleau pour Les Républicains, François Bayrou pour le MoDem et Gabriel Attal pour Renaissance. Face aux dissensions qui traversent la base, le locataire de l’Elysée les a exhortés à faire preuve de responsabilité et de stabilité. D’après les informations de 42mag.fr, tous, y compris Emmanuel Macron, se sont prononcés contre une nouvelle dissolution.
Cependant, c’est bien ce que réclament à corps et à cri certains responsables de l’opposition, à commencer par Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui veulent une « dissolution ultrarapide ». L’ancien président Nicolas Sarkozy a lui aussi appelé à une nouvelle « dissolution », dans un entretien mardi au Figaro. De quoi faire frémir dans le bloc central. « S’il y a une nouvelle dissolution, ce qui est certain, c’est qu’il y aura beaucoup de pertes auprès du socle commun », prévient Ludovic Mendes, député Ensemble pour la République (EPR).
« On sera nombreux à ne pas vouloir se représenter, car on ne veut pas participer à cette mascarade. »
Ludovic Mendes, député EPRà 42mag.fr
Tous soulignent le risque que ferait peser une nouvelle période électorale anticipée. « Il ne faut surtout pas procéder à une dissolution. Dans aucune hypothèse, le bloc central ne remporte cette élection », avertit un cadre macroniste. « Au mieux, on risque une reconduction de la tripartition. Au pire, un RN capable de gouverner avec des députés LR qui pourraient ne pas censurer un gouvernement Bardella ». Mais si le président écarte cette option pour l’instant, ses soutiens redoutent qu’il n’ait pas d’autre choix que d’y recourir en cas de nouveau blocage. « Si le futur Premier ministre échoue, je pense que la dissolution est inéluctable », prophétise un ministre.
Un deal avec le PS ?
La première voie envisagée par l’État demeure bien la nomination d’un nouveau Premier ministre, vraisemblablement issu de sa propre coalition. Et plusieurs sources insistent sur l’urgence d’agir rapidement. « Je lui ai envoyé un message dernièrement pour lui dire qu’il fallait vite un nouveau Premier ministre, dès le 9 ou 10 septembre », confie un parlementaire macroniste, qui n’a pas encore reçu de réponse. « On ne sait pas comment le mouvement du 10 septembre va tourner. L’option la plus raisonnable est d’agir assez vite. Si l’on a un gouvernement démissionnaire sans perspective d’un Premier ministre à court terme, cela peut devenir un défouloir anti-président de la République », craint Florent Boudié, président de la commission des lois et soutien de l’EPR. Mais l’ADN d’Emmanuel Macron inclinerait-il plutôt à agir vite ?
« Il nous a habitués à laisser traîner, mais sait-on jamais. »
Un ministreà 42mag.fr
Si le timing est important, le choix du profil provoque encore davantage de débats parmi les macronistes. Certains noms – tous déjà ministres – reviennent : Sébastien Lecornu (Armées), Catherine Vautrin (Santé et Travail), Gérald Darmanin (Justice) ou Éric Lombard (Économie et Finances).
Cependant, nommer l’un de ces profils ne résoudra pas seul l’équation parlementaire. D’autant plus que le Rassemblement national – qui avait épargné Michel Barnier puis François Bayrou dans un premier temps – semble désormais prêt à ne pas laisser passer l’occasion de tester un nouveau Premier ministre issu de la macronie. Selon les informations du Point relayées par 42mag.fr, le groupe RN, qui compte 123 députés, envisage de censurer directement le successeur de Bayrou afin d’obliger le président à dissoudre.
Lors du déjeuner à l’Elysée, Emmanuel Macron a demandé que le RN et LFI soient exclus des discussions sur l’après-8 septembre. Il a aussi exhorté les formations du socle commun à coopérer avec le Parti socialiste, qui a récemment avancé un contre-budget. Les 66 députés PS pourraient constituer un levier notable pour chercher une stabilité relative. Mais s’agit-il de négocier un pacte de non-censure, comme Bayrou l’avait déjà fait, ou d’aller plus loin en nommant des membres du PS au gouvernement, voire à Matignon ?
« Le remake de l’an dernier »
Le secrétaire général du Parti socialiste, Olivier Faure, s’est exprimé mardi sur LCI en disant être « à la disposition » du chef de l’État pour discuter « des conditions » dans lesquelles la gauche pourrait « occuper les postes gouvernementaux qui sont aujourd’hui occupés par la majorité relative de François Bayrou ». Le premier secrétaire a également affirmé à ses camarades qu’ils pourraient accepter le poste de Premier ministre si Emmanuel Macron le proposait.
Mais nommer un socialiste à Matignon présente une difficulté majeure: la réaction des LR, engagés dans le gouvernement depuis la nomination de Michel Barnier il y a un an. Interrogé sur ce choix, Bruno Retailleau a clairement dit à Emmanuel Macron lors du déjeuner à l’Élysée que Les Républicains refuseraient de participer à un gouvernement avec le PS. L’hypothèse d’un Olivier Faure ou d’un autre socialiste “me paraît étrange vu que Retailleau l’exclut”, assure un proche très proche d’Emmanuel Macron. Il reste donc possible, comme l’appelle certains, le « remake de l’an dernier », à savoir un pacte de non-censure avec le PS, selon le député EPR Jean-René Cazeneuve.
« Je pense qu’il faut trouver un consensus avec le PS. Mieux vaut leur céder quelques milliards que de se repayer une crise politique, il n’y a pas de doute là-dessus. »
Jean-René Cazeneuve, député EPRà 42mag.fr
Quoi qu’il arrive à l’issue de ce nouvel épisode, les macronistes savent qu’aucune solution miracle n’offrira une stabilité jusqu’en 2027. « On est hélas condamnés à faire du cabotage, préserver une certaine stabilité quelques mois de plus », poursuit Jean-René Cazeneuve. Une option demeure formellement exclue par le camp présidentiel: la démission d’Emmanuel Macron, demandée par LFI. « Il n’abdiquera et ne se résignera jamais », assure l’un de ses amis. « N’y comptez pas ! », lance en souriant François Patriat, chef des sénateurs macronistes et vieux compagnon de route du chef de l’État.