Ce vendredi, la station publique a annoncé la mise à l’écart du chroniqueur. Selon l’équipe dirigeante de France Inter, cette mesure a été prise dans le but de sauvegarder l’antenne et l’intégrité du travail des journalistes de la rédaction en les protégeant de tout risque de discrédit.
France Inter a suspendu, « à titre conservatoire », le chroniqueur Thomas Legrand, le vendredi 5 septembre, après la diffusion par le média conservateur L’Incorrect de plusieurs vidéos. La directrice de la station, Adèle van Reeth, précise samedi dans un courrier interne que cette mesure a été prise après la mise en ligne d’un échange privé et informel entre Thomas Legrand, Patrick Cohen (journaliste à France Inter et à France Télévisions) et deux personnalités du Parti socialiste.
Selon L’Incorrect, ces enregistrements ont été réalisés dans un restaurant lors d’un rendez‑vous privé, au début du mois de juillet, à Paris. On y voit Pierre Jouvet, eurodéputé et secrétaire général du PS, ainsi que Luc Broussy, président du Conseil national du PS. On entend notamment Thomas Legrand affirmer : « Patrick Cohen et moi, on fait ce qu’il faut pour [Rachida] Dati ». Ces extraits ont été obtenus sans que les personnes concernées en aient connaissance. Les propos apparaissent manifestement tronqués et sortis de leur contexte. Les méthodes employées pour les obtenir sont jugées illégales et déloyales, et Adèle van Reeth les condamne fermement.
Rachida Dati a réagi vendredi soir sur X en dénonçant des propos attribués à des journalistes du service public et à Libération, affirmant « faire ce qu’il faut » pour l’écarter de l’élection à Paris. Elle estime que ces propos constituent une atteinte à la déontologie et qu’ils peuvent donner lieu à des sanctions.
Les propos pourraient semer le doute
« Il n’en demeure pas moins que les propos tenus par Thomas Legrand peuvent prêter à confusion et alimenter la suspicion quant à l’utilisation de notre antenne à des fins partisanes », poursuit la directrice de France Inter. « Il est de ma responsabilité de protéger la chaîne de toutes ces accusations qui sont particulièrement délétères pour le travail que vous réalisez au quotidien à l’antenne comme sur le terrain ». Thomas Legrand « reconnaît que la priorité est de protéger l’antenne et le travail des journalistes de la rédaction de tout discrédit ».
Le chroniqueur, qui exerce aussi à Libération, ne présentera pas l’émission « Face à Thomas Legrand » dimanche matin sur France Inter, afin de « prendre le temps d’éclaircir la situation ».
« Je comprends que la diffusion de cette vidéo puisse susciter de la méfiance », a écrit Thomas Legrand sur X samedi après-midi. « Concernant les propos tenus au sujet de madame Dati, et alors que la ministre de la Culture est poursuivie sur de nombreuses affaires, mes mots étaient maladroits », poursuit le journaliste, regrettant qu’il soit possible, par l’intermédiaire d’une vidéo volée, de jeter le doute sur l’ensemble d’une profession. « On a pris des bouts de phrase. Il n’y a pas 20 secondes de conversation suivie. C’est complètement manipulatoire », a de son côté déclaré Patrick Cohen à l’AFP.
Réactions politiques nombreuses
Plusieurs personnalités et formations politiques ont réagi samedi après la publication de ces extraits. « Voir des journalistes du service public s’emparer de l’objectif pour faire obstacle à la ministre de la Culture et contribuer à la victoire de la gauche à Paris dans une entente quasi totale avec le PS est révoltant », a déploré le Rassemblement national.
Jean-Luc Mélenchon (LFI) a également exprimé son retentissement sur les réseaux sociaux, dénonçant une vidéo « consternante ». Laurent Jacobelli, porte‑parole du RN, a regretté sur 42mag.fr « les images de Legrand et Cohen en train de comploter pour favoriser la victoire de la gauche », appelant à une « privatisation » du service public audiovisuel.
Le PS a réagi par communiqué, affirmant qu’« il n’existe aucune collusion entre le Parti socialiste et les journalistes, quels qu’ils soient. Il suffit pour s’en convaincre de lire ou d’écouter leurs éditoriaux ». Le SNJ Radio France (Syndicat national des journalistes) « soutient Thomas Legrand » et dénonce, dans un communiqué publié samedi, « cette caricature permanente de notre ‘Maison ronde’ qui devient une ‘Maison rouge’ ».