Un jour après avoir annoncé son refus de se rendre à Matignon pour rencontrer François Bayrou avant le vote du 8 septembre, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, expose dans les « 4 Vérités », en date du vendredi 29 août, les motifs qui la conduisent à adopter ce choix et sa perception de la stratégie du Premier ministre.
Contrairement aux socialistes, les écologistes ont choisi de suivre l’exemple des Insoumis en refusant d’entamer un échange avec François Bayrou avant le vote de confiance programmé le 8 septembre, qui pourrait entraîner le départ du gouvernement. Sur le plateau des « 4V » vendredi 29 août, leur porte-drapeau Marine Tondelier assume ce choix, privilégiant la préparation de l’après Bayrou, comme elle l’explique à Cyril Adriaens-Allemand.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l’entretien ci-dessus. Pour l’écouter dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Cyril Adriaens-Allemand : Donc c’est non, vous n’irez pas à Matignon échanger avec François Bayrou, comme La France insoumise l’a affirmé. Pourquoi ? Cela vous paraît-il être une manœuvre?
Marine Tondelier : Je n’ai jamais refusé un appel à discuter avec des Premiers ministres, même lorsque j’étais en profond désaccord, car cela demeure un exercice républicain.
Mais là, vous dites non.
Reconnaître que dialoguer avec quelqu’un qui ne sera plus Premier ministre dans quelques jours, sur des questions d’efficacité énergétique, qui tiennent énormément à cœur les écologistes, ne serait pas pertinent. Chaque jour qui nous sépare du départ de Bayrou, je le vois comme une opportunité de préparer la suite. Lundi, nous avons plusieurs réunions avec les Écologistes pour peaufiner notre plan de sortie de crise. Je pense que c’est là que je suis le plus utile, tout comme Cyrielle Chatelain et Guillaume Gontard, qui dirigent nos groupes à l’Assemblée et au Sénat.
Pourtant, le Parti socialiste devrait y aller. Même le Parti communiste devrait le faire. L’intérêt du pays, comme on dit, commande-t-il vraiment d’y aller pour peser et discuter ?
Je pense qu’ils hésitent à assumer de ne pas être allés saluer le Premier ministre, et que cela leur soit reproché à l’interne. C’est leur droit, je ne leur reproche pas d’y aller. Chez les Écologistes, nous avons pris notre décision et, encore une fois, je sais à quoi notre journée de lundi sera dédiée et elle sera utile aussi pour le pays.
La part de responsabilité de son camp politique est énorme
Depuis lundi, il ne cesse toutefois d’affirmer qu’il reste des marges pour négocier. Même hier, devant le Medef — d’ailleurs vous y étiez juste après lui — il a déclaré : « Sur les jours fériés, on peut encore discuter ».
Il ne doute de rien, de toute façon. Quant à moi, je suis consternée par ce que leur gestion a infligé au pays. Nous vivons sous Emmanuel Macron comme président depuis 2017, avec une série de Premiers ministres issus de son camp qui se sont succédé. Le constat, c’est que, entre 2017 et 2023, les fortunes les plus importantes du pays ont doublé leur patrimoine. En parallèle, quelque 9,3 millions de personnes vivent aujourd’hui dans la pauvreté, soit le niveau le plus élevé observé depuis trente ans. Parmi les bénéficiaires, environ 42 % des personnes au SMIC ou moins saignent financièrement et sautent un repas quotidien. Voilà ce qu’ils ont provoqué pour le pays.
Ce n’est pas moi qui dirige depuis huit ans. Créer une dette d’un montant colossal — soit 1 000 milliards de plus en sept ans — fait partie de leur bilan. La dette est passée de 2 000 à 3 000 milliards. Ils creusent ainsi la fracture sociale comme jamais auparavant et le pacte social est au bord de l’implosion dans ce pays. Par ailleurs, en négligeant totalement les enjeux environnementaux, ils commettent une faute économique admissible même pour ceux qui ne s’intéressent pas à l’environnement. Car un seul degré de réchauffement mondial équivaut à une perte de 12 % du PIB.
Et donc, jeudi au Medef, lorsque j’explique cela, les chefs d’entreprise comprennent. En revanche, eux, au gouvernement, ne semblent pas saisir ces chiffres. Quand on se retrouve dans une impasse, tout le monde sait, parmi vos auditeurs, qu’on est censé faire marche arrière. Eux non, ils poursuivent dans la même direction, et cela ne résoudra pas la situation du pays.
Est-ce que vous aussi, vous partagez l’avis de François Bayrou selon lequel les « boomers », c’est-à-dire les personnes entre 62 et 80 ans, devraient prendre une part plus importante de l’effort ?
Quand il évoque cela, Bayrou devrait aussi se regarder dans le miroir et se demander où il a failli. Je trouve sidérant qu’il soit incapable de reconnaître sa part de responsabilité. Lorsqu’il affirme que la France est un navire dont la coque est percée et que les opposants répondent : « Ne t’inquiète pas, Simone, tout va bien », personne ne dit à Simone de ne pas s’inquiéter. Et il omet aussi de dire que le capitaine du paquebot, c’est Emmanuel Macron, et que tout l’équipage est en partie macroniste.
Il peut donc viser qui il veut, mais chacun comprend que la responsabilité de son camp est considérable. La question qui se pose aujourd’hui, c’est que le macronisme est en fin de course et il est difficile d’imaginer qu’Emmanuel Macron nomme une troisième fois un Premier ministre issu de son camp alors qu’il a perdu les élections.
Nous devons tout faire pour éloigner le RN des responsabilités aussi longtemps que possible
Vous préconisez la nomination d’une personne issue de la gauche. Comment Emmanuel Macron peut-il s’y prendre maintenant, alors qu’il y a un an, il n’a pas tenté cela et que, aujourd’hui, vous, la gauche, êtes plus divisée qu’à l’époque ?
Ce n’est pas le sujet.
Pourquoi ?
Parce que nous sommes des partis responsables et que nous devons constituer l’alternative pour ce pays. Je tiens ce message à tous les dirigeants de gauche.
Vous affirmez être responsables, mais vous êtes plus fragmentés qu’il y a un an. Comment peut-on envisager l’avenir d’un pays…
Excusez-moi, mais le 8 juin, à la veille de la dissolution, vous auriez dit à toute cette troupe qu’ils travailleraient ensemble. Ils auraient été un peu surpris, mais nous l’avons fait parce que nous avons toujours été présents lorsque le pays avait besoin de nous. La situation est simple : Emmanuel Macron a mis en place une obstruction. Il parlait d’un pays de Gaulois rétifs et, l’été dernier, il a montré sa volonté de ne pas nommer la force arrivée en tête des élections, ce qui aurait été imaginable dans n’importe quel pays européen.
Mais aujourd’hui, vous évoquiez Lucie Castets…
Attendez, l’argument unique à l’époque était de privilégier la stabilité politique du pays et, face à la réalité actuelle, je dois nommer des Premiers ministres qui tiendront. Emmanuel Macron a tenté d’abord un Premier ministre de droite, puis un Premier ministre issu du MoDem, et cela n’a pas donné les résultats escomptés. Ce qu’il doit faire maintenant, c’est nous laisser prendre en charge. Macron doit nommer quelqu’un issu du parti arrivé en tête lors des urnes.
Et qui est prêt aujourd’hui à gauche pour assumer cela ?
Je suis résolument antifasciste. Ainsi, pour le Rassemblement national, nous devons tout faire pour l’éloigner des responsabilités aussi longtemps que possible. Le macronisme touche à sa fin, cela ne fonctionne plus, cela s’effrite et n’importe qui peut comprendre qu’on ne peut plus nommer un Premier ministre macroniste. Notre responsabilité, c’est de préparer l’après et je le répète à mes camarades de gauche et au président de la République : il n’a pas d’autre option que de nous soutenir.
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