Lors de son passage en tant qu’invitée politique sur l’émission La Matinale ce dimanche 26 octobre, Cyrielle Chatelain, à la tête du groupe « Écologiste et Social » à l’Assemblée nationale, a évoqué une entrevue entre le bloc du centre et une partie de la gauche dans le but d’aboutir à un compromis sur le budget.
Dans l’édition dominicale de La Matinale, datée du 26 octobre, Cyrielle Chatelain, députée représentant l’Isère, décrit ce que des pans de la gauche discutent avec le camp favorable au président, lors des négociations autour du budget pour 2026. Entre réforme des retraites, impôt de type Zucman et défiscalisation des heures supplémentaires défendue par la droite, la présidente du groupe « Écologiste et Social » à l’Assemblée nationale dénonce ce qu’elle perçoit comme une incompréhension du gouvernement. « Cela ne mène à rien car le bloc central demeure très rigide », affirme-t-elle en réponse aux questions de Djamel Mazi.
Ce texte reflète une partie de la retranscription de l’entretien ci-dessus. Pour voir l’intégralité de l’interview, cliquez sur la vidéo.
Djamel Mazi : Des échanges ont eu lieu entre le bloc central et des représentants de la gauche ainsi que des écologistes. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Cyrielle Chatelain : Effectivement, une réunion a été organisée entre les formations du bloc macroniste — EPR, Modem et Horizon — et une part des groupes de gauche. Sachant que chacun distille ses positions dans les médias, nous avons jugé utile de pouvoir, au moins autour d’une table, mettre noir sur blanc ce que propose chacun. Or, le verdict de cette rencontre ressemble davantage à un coup d’épée dans l’eau. À l’intérieur du bloc central, on observe une mise en scène trompeuse entre le gouvernement et l’EPR, chacun se renvoyant la responsabilité. Sébastien Lecornu nous affirme qu’ils feront des compromis à l’Assemblée, tandis que Gabriel Attal déclare qu’il ne bougera pas sans une déclaration du Premier ministre. On constate ainsi que, pour le moment, les discussions stagnent, notamment parce qu’il persiste une volonté ferme d’exclure les milliardaires du processus. Cette réunion avait pour but d’éviter les échanges par les médias, mais globalement, elle ne produit pas grand-chose étant donné l’inflexibilité du bloc central.
Manuel Bompard a déploré que cette entrevue se tienne dans les couloirs, à huis clos. Est-ce exact ?
Non, ce n’était pas une rencontre secrète dans les couloirs. J’ai bien assisté à cette réunion et je suis ensuite présente tout au long des sessions à l’hémicycle, avec Manuel Bompard, Olivier Faure, Boris Vallaud et l’ensemble de mon groupe. Je crois qu’on prête énormément d’images erronées à ce qui se passe. Oui, nous travaillons réellement. Pour l’instant, la rumeur selon laquelle tout serait dissimulé ne correspond pas à la réalité. Nos propositions sont claires et le groupe « Écologie et Social » les a présentées publiquement. L’objectif budgétaire qui nous occupe consiste à dégager de nouvelles ressources, notamment via la taxe Zucman intégrale sur les patrimoines des ultra-riches ou encore sur la question des transmissions et du pacte Dutreil. Aujourd’hui, notre but est de créer de nouvelles recettes afin de financer la transition énergétique et les services publics à venir.
Dans une interview publiée ce matin dans Le Parisien – Aujourd’hui en France, Gérard Larcher, président du Sénat, affirme qu’il rétablira la réforme des retraites si l’Assemblée nationale la suspend. Cela constitue-t-il une forte pression ?
Deux points se dégagent. Tout d’abord, la suggestion du gouvernement de suspendre la réforme des retraites retarde son calendrier, ce qui implique que les personnes nées entre 1964 et 1968 partiraient à la retraite trois mois plus tôt que prévu par la réforme Borne.
Ce décalage coûterait 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027.
Or ces chiffres sont loin des montants très élevés qui nous avaient été présentés auparavant. Il s’agit donc d’un simple ralentissement, qui profite à ces générations. Mais dès la génération née en 1969, la réforme s’appliquera néanmoins. En deuxième lieu, le Sénat peut certainement s’opposer sur les questions budgétaires, mais le dernier mot revient à l’Assemblée nationale. De toute façon, il n’y aura pas de vote à l’Assemblée sans suspension. Compte tenu de ce report, la discussion devient extrêmement délicate puisque le budget de la Sécurité sociale est déjà lourd et suppose une contribution de 99% des Français, surtout les moins favorisés. Et sans l’inclusion de la suspension, il n’y aurait même pas de discussion possible.
On sent que Gérard Larcher semble envier, d’une certaine manière, les échanges en cours entre Sébastien Descornues et Olivier Faure.
Je suis désolée, mais cela ne m’intéresse pas. Nous sommes à une période où tout le monde souligne une situation budgétaire catastrophique et l’on passe notre temps à commenter les positions et les pressions des uns et des autres. Aujourd’hui, nous débattons du budget à l’Assemblée et, contrairement à ce qui est répété, le gouvernement maîtrise toujours le déroulement des débats. Cela montre que nous sommes bien loin d’une image de parlementarisme fort, où les députés imposeraient leur agenda. Nous restons fortement contraints par la logique budgétaire et le gouvernement semble avoir changé de tactique. Autrefois, il utilisait massivement le 49.3; aujourd’hui, il dilue les enjeux et bouleverse l’ordre du jour pour éviter d’aborder les sujets déterminants, espérant que le temps disponible pour voter soit insuffisant. Il faut garder à l’esprit que nous disposons d’au plus 70 jours pour adopter le budget.
Plusieurs partis se montrent opposés à la taxe Zucman. Êtes-vous prête à envisager un compromis ?
Je trouve l’idée d’un compromis pertinente. Le gouvernement détient le pouvoir de passer des ordonnances ou des décrets. Mais lorsque nous formulons des propositions, il arrive qu’elles soient encore réduites, parce qu’on sent qu’ils veulent qu’elles échouent. La proposition dite « taxe Zucman allégée », avancée par le Parti socialiste, serait en réalité une « taxe Zucman à trous ». Gabriel Zucman explique que dès lors que l’on introduit des conditions, les milliardaires disposent d’une armée d’avocats fiscalistes qui les aident à réorganiser leurs patrimoines afin de continuer à optimiser. Et donc les lacunes éventuelles dans la base imposable pourraient permettre à ces milliardaires visés d’échapper à la contribution. Voilà notre inquiétude, et c’est pourquoi nous l’étudions attentivement pour le moment.
Le dirigeant des Républicains, Laurent Wauquiez, présente la défiscalisation des heures supplémentaires comme un totem de la droite. Selon Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, cela coûterait un milliard d’euros. Êtes-vous opposée à cette mesure ?
Oui, nous nous y opposons, car cela risquerait de freiner la création d’emplois. Cela fait trente ans que l’État prend en charge une partie des hausses de salaire via des allègements de cotisations. Normalement, lorsqu’un salaire augmente, deux acteurs jouent le jeu: l’employeur et le salarié. Désormais, l’État devient un troisième acteur qui prend en charge une part croissante de l’augmentation, au détriment des employeurs. Or les chiffres montrent que le rythme de créations d’emplois en France n’est pas supérieur à celui observé chez nos voisins européens. En somme, l’impact à long terme sur l’emploi serait peu significatif.
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