Dans un message largement relayé sur les réseaux sociaux, le chef d’État ukrainien affirme que la Russie fait face à une pénurie de carburant et qu’elle doit désormais puiser dans ses stocks stratégiques. Des publications en ligne confirment ces difficultés, illustrant les tracasseries des automobilistes russes pour faire le plein.
Le troisième pays producteur de pétrole au monde est-il en proie à une pénurie d’essence ?
Dans une vidéo relayée sur le réseau X, Volodymyr Zelensky affirme que la Russie traverse des difficultés d’approvisionnement en carburant, notamment en essence, représentant environ un cinquième de ses besoins. Le chef de l’État ukrainien précise s’appuyer sur des chiffres vérifiés par ses services.
Selon nos données, la pénurie de carburant en Russie – plus précisément l’essence – approche déjà les 20 %. Ils ont désormais commencé à puiser dans leurs réserves de diesel, qu’ils avaient conservées pour les temps difficiles.
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) October 8, 2025
Les internautes russes ne manquent pas de commenter la situation sur les réseaux sociaux. On voit fréquemment des vidéos montrant des files d’attente interminables devant les stations-service, avec des dizaines de véhicules qui s’alignent dans le désordre pour faire le plein. « Certains se lèvent dès 4 heures du matin et se déplacent avec un thermos de café », raconte un témoin sur Telegram.
D’autres publications montrent des photos des prix à la pompe, témoignant d’une hausse marquée et proche des records. Selon Rosstat, au 1er septembre, le prix de l’essence au détail dépassait de 6,7 % celui de fin 2024, malgré une chute du prix du baril de brut.
Une pénurie visible dans la presse locale
Ces difficultés ne se limitent pas à la sphère des réseaux sociaux. La presse internationale évoque le phénomène, et Franceinfo en avait fait état en août dernier. La presse russe elle‑même s’intéresse au sujet. Par exemple, un quotidien local près de Vladivostok, dans l’extrême est du pays, parlait déjà, cet été, de files d’attente prolongées pour pouvoir s’approvisionner. Les articles, illustrés par des photos, décrivaient « une pénurie qui s’intensifie », selon les autorités locales et les médias.
La couverture évoque aussi le rôle possible de l’agriculture dans cette crise, qui dépend largement du carburant pour les tracteurs et les engins agricoles, et mentionne des difficultés dans l’acheminement du carburant. Ces témoignages proviennent de plusieurs régions russes et sont largement relayés sur les réseaux ukrainiens qui se félicitent de constater que les pénuries touchent plusieurs zones du pays. On relève des retours depuis des villes et provinces variées : en Crimée, région annexée par la Russie en 2014, des médias locaux font état de restrictions de vente. En Sibérie et dans l’Oural, les clients font eux aussi l’objet d’un rationnement. Seule la capitale, Moscou, paraît jusqu’ici épargnée.
Des données officielles inexistantes
Est‑ce que ces éléments rendent compte de la réalité des pénuries en Russie et de l’éventuel manque d’environ 20 % évoqué par Zelensky ? La question demeure difficile à trancher avec précision, car les chiffres officiels relatifs à la production de produits pétroliers ne sont plus mis à jour depuis plusieurs mois par Rosstat, l’agence statistique russe. Néanmoins, la presse russe reprend ce chiffre évoqué par le président ukrainien : le quotidien économique Kommersant, relayé par le Washington Post, cite un « acteur du marché » selon lequel la Russie n’arriverait plus à produire 400 000 tonnes d’essence sur une production mensuelle habituelle de deux millions de tonnes, soit exactement 20 % de moins.
Par ailleurs, d’autres indicateurs existent. Notamment ceux fournis par des agences spécialisées du secteur en Russie. Fin septembre, l’agence OMT-Consult estimait sur Telegram que « 2,6 % des stations-service avaient quitté le marché » depuis le milieu de l’été, soit environ 360 stations. « Les réseaux indépendants rencontrent une pénurie de stocks, tandis que les nouvelles livraisons en provenance des raffineries accusent des retards », écrivait l’agence il y a quelques jours.
Un marché noir s’organise
La situation est d’autant plus problématique dans les régions les plus touchées, comme la Crimée, où le nombre de stations proposant de l’essence aurait « diminué de 50 % » entre fin juillet et fin septembre, en raison des perturbations des approvisionnements, selon OMT-Consult.
La pénurie pousse aussi à des phénomènes de contrefaçon et de fraude : l’agence signale un « regain du commerce illégal de carburant ». Sur les plateformes de vente en ligne, on voit de plus en plus d’offres d’achat et de vente d’essence en gros, tandis que dans certaines zones, des escrocs proposent de faux bons de carburant. La tension est telle que les autorités évoquent une augmentation de ces pratiques illégales et les médias locaux décrivent ces scènes comme une conséquence directe de l’insuffisance d’approvisionnement.
Une autre indication publiée fin septembre est l’annonce par le gouvernement de restrictions des exportations de produits pétroliers jusqu’à la fin de l’année et le maintien de l’interdiction sur l’Essence, l’admettant toutefois à demi-mots, en signalant qu’il existe « une petite pénurie ».
Les drones plus forts que les sanctions
Ces pénuries ne s’expliquent pas uniquement par les sanctions internationales contre le pétrole russe, et certains analystes cités par l’AFP affirment que ces sanctions « ne fonctionnent pas » directement, mais plutôt que les attaques de drones menées par l’Ukraine portent un coup plus décisif. Kiev poursuit ses opérations contre les raffineries et les infrastructures pétrolières russes, revendiquant une trentaine d’attaques, certaines s’étant produites loin des zones frontalières.
Moscou n’a pas quantifié l’impact exact de ces frappes, mais plusieurs spécialistes cités par l’AFP estiment que la production des raffineries russes a diminué d’environ 10 % depuis le début de l’année.
L’agence russe Seala affirme quant à elle avoir observé un pic des arrêts d’exploitation des raffineries à 38 % en septembre, toutes causes confondues. « Selon nos estimations, 70 % de ces arrêts seraient attribuables à des attaques de drones ukrainiens, le reste correspondant à des réparations planifiées », écrit-elle sur Telegram le 2 octobre. « Les incendies dans les raffineries, les terminaux et les dépôts pétroliers russes constituent les sanctions les plus efficaces », s’était félicité le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à la mi‑septembre.
Today I want to especially thank all our warriors who are inflicting truly significant losses on Russia. Losses at the front. Losses along the border. Losses on Russia’s own territory thanks to our long-range strikes. The most effective sanctions – the ones that work the fastest…
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) September 14, 2025