Dans le but de progresser sur leurs thèmes, les parlementaires ont adopté la coutume de présenter des projets de loi qui ne sont pas nécessairement destinés à être adoptés. Cette tendance a connu une forte augmentation au cours des douze derniers mois.
Vous rappelez-vous la proposition de loi du député RN Julien Odoul visant à interdire la vente de galettes des rois dans les grandes surfaces au mois de janvier ? Ou celle de Nicolas Dupont-Aignan souhaitant que le cheval soit reconnu comme animal de compagnie ?
Ces propositions de loi (ou PPL) font partie des centaines de textes déposés par des députés chaque année. Ils en ont le droit, c’est même l’un de leurs rôles, mais on observe actuellement une inflation de ces textes… surprenants, et qui dans leur grande majorité, ne mèneront à rien.
Seuls 17 textes adoptés sur 574
D’après les chiffres fournis par l’Assemblée nationale, 574 propositions de lois ont été déposées par des députés au cours de la session 2022-2023. C’est un chiffre quatre fois supérieur à celui de l’année précédente. Parmi ces 574 textes, 70 ont été examinés en séance et seule 17 ont été adoptés, soit seulement 3% des propositions de loi ayant abouti.
Ces « textes d’appel » ont davantage une fonction politique que législative et sont également fréquemment présents dans le dépôt des amendements. Dans une Assemblée où les parlementaires sont très contrôlés, rédiger une proposition de loi permet d’attirer l’attention et d’essayer d’imposer un sujet dans l’agenda politique. En somme, il s’agit pour les députés de tenter d’exister. « C’est difficile d’être visible parmi les autres députés », admet une conseillère.
En vérité, la majorité des acteurs politiques sont conscients de cette situation. La plupart de ces textes ne sont pas cosignés, beaucoup sont mal écrits, manquent d’étude approfondie ou de financement. Cependant, ils offrent un « quart d’heure de gloire » sur les chaînes d’information. « La classe politique s’intéresse plus à ses likes sur Instagram qu’au fond des sujets », se désole Tris Acatrinei, fondatrice du Projet Arcadie qui examine l’actualité parlementaire.
Le risque démocratique du coup de communication permanent
Cette stratégie ne concerne pas uniquement l’opposition, elle touche également la majorité. On y trouve également des propositions de loi « ballons d’essai ». Il y a quelques mois, le député macroniste Sacha Houlié relançait l’idée du droit de vote des étrangers, provoquant une réaction immédiate, même dans son propre camp. À l’époque, son entourage reconnaissait que ce texte n’était pas voué à être étudié. C’était pour « ancrer le débat ».
Une proposition de loi est donc un outil de communication, un moyen de rapport de force politique jusqu’au sein de la majorité elle-même. Mais il faut rester vigilant : plus il y a de lois qui ne voient pas le jour, plus il y a un risque démocratique. Les électeurs peuvent être déçus s’ils croient, de bonne foi, que leur député se bat pour eux, alors qu’il s’agit simplement de communication.
Au début du mois de juin, le député LFI Louis Boyard annonçait sur TikTok une loi contre le blocage du partage des codes Netflix. Succès médiatique immédiat. Hier soir, le député précisait que ce texte n’avait pas encore été déposé. Être législateur semble plus complexe qu’être influenceur…