Dans le cadre d’un voyage à Marseille cette semaine, le chef d’état a ravivé une question controversée : devrions-nous réduire la durée des vacances d’été ? Pour en discuter, nous joignons le sociologue Jean Viard.
Emmanuel Macron aborde à nouveau la question des vacances d’été lors de sa visite à Marseille
Emmanuel Macron, le président de la République, lors de sa visite à Marseille cette semaine, a remis sur le tapis la question des vacances d’été. Il s’est demandé si elles devaient être réduites. Selon le président, elles seraient à l’origine de la fatigue des élèves et conduiraient à des inégalités du fait que tous les citoyens n’ont pas la possibilité de se rendre sur le littoral durant l’été. Les arguments pour et contre ont été débattus sur la station de radio 42mag.fr.
franceinfo : Un regard sur l’histoire des vacances d’été, n’étaient-elles pas censées libérer des travailleurs pour les champs, Jean Viard?
Jean Viard : Si on remonte vraiment aux origines, les tribunaux étaient en fait fermés – une période sans tribunaux – car les magistrats voulaient inspecter leurs biens ruraux. Par conséquent, en réalité, on surveillait plus les travailleurs. La majorité des travailleurs, y compris les enseignants qui n’étaient pas rémunérés pendant les vacances, étaient envoyés travailler dans les champs, avec leurs enfants. Alors effectivement, au départ, c’est le rituel rural qui a été intégré dans la société avec Jules Ferry et l’instauration de l’école obligatoire, etc. Et l’école était fermée durant l’été.
Au fil du temps, les vacances intermédiaires se sont développées et en 1980, avec l’instauration de la cinquième semaine de congés payés, on a établi une interruption entre Noël et le Nouvel An, en quelque sorte une pause que tout le monde applique. Donc, il y a deux moments, où la société se met en pause pour tous. Ce sont du 1er au 15 août et entre Noël et le jour de l’An, ce sont donc les deux moments de congés collectifs. Et puis ensuite, effectivement, environ 60 à 70% des gens partent en vacances. Deux groupes principalement ne partent pas : d’une part, les ménages très défavorisés, même si cela peut dépendre des liens familiaux. Mais surtout, les deux groupes qui ne partent pas, ce sont les mères célibataires avec enfants – environ 2 millions d’enfants, 1.700.000 mères célibataires, dont 700.000 sont au RSA. De l’autre côté, il y a effectivement les jeunes des quartiers défavorisés, ceux qui manifestent actuellement.
Cette génération se sent exclue du mouvement général de la société, surtout parce qu’elle ne part pas en vacances. Ces jeunes passent leur été dans leurs immeubles, tournoyant dans leur cour. Le président de la République, lorsqu’il intervient sur ce sujet, dit : si les vacances d’été étaient identiques pour tous, cela serait préférable, il n’a pas tort. La durée des vacances n’est pas la seule question. La cohésion sociale, ce que font les enfants pendant l’été, la qualité des cours, sont des éléments importants.
Ensuite, il est évident que le réchauffement climatique n’est pas avantageux pour nos bâtiments scolaires. Ils ne sont généralement pas climatisés, ce qui est très rare et coûteux. Ils ont tous généralement de grandes fenêtres pour la clarté. Ces bâtiments sont donc très sensibles à la chaleur. Donc, il n’est pas si simple d’étendre le temps d’école. Cela serait certainement très coûteux.
Mais l’idée de raccourcir ces vacances crée des tensions dans le secteur du tourisme et parmi les commerçants. Cela causerait-il un bouleversement majeur ?
Il y a deux problèmes. Je suis favorable à ce que chaque famille ait la possibilité de partir une semaine en vacances quand elle le souhaite, pendant l’année, même pendant le temps scolaire. Je pense qu’il faut donner de la souplesse au temps, cela se fait en Italie. Quoi qu’il en soit, si l’enfant a la grippe ou s’il est malade, il manque une semaine à l’école. Si l’on donnait une semaine de congés à la discrétion des familles, soit parce que certains parents ont un voyage d’affaires, soit tout simplement pour partir au ski, lorsque la neige est présente et que les prix sont plus abordables.
Il y a une question de démocratisation du temps, qui serait quelque chose d’unique, disons déjà pour ceux qui partent, mais aussi pour que cela coûte moins cher. Partir en vacances fin septembre, le coût n’est pas du tout le même. Je pense qu’il y a une véritable question quant à la souplesse du temps. Il n’est pas nécessairement question de réduire la durée des vacances, car effectivement, la demande des professionnels est légitime. Le tourisme représente 7 à 8% de l’activité économique française, il est donc normal d’y réfléchir. On doit également penser aux accidents de la route, il serait normal d’étaler un peu.
En moyenne, les Français ont cinq semaines de congés payés, ils partent en moyenne 15 jours, alors que les enfants sont plus souvent en vacances. La question est donc : que fait-on des enfants lorsque les parents travaillent ? Renforcer le lien avec les grands-parents me paraît un enjeu majeur. Ensuite, un autre objectif principal semble être de s’intéresser aux jeunes des quartiers défavorisés.