Suite à la diffusion d’un document fortement désapprobateur du Sénat concernant la stratégie pharmaceutique en France, Pauline Londeix, une des personnes à l’origine de l’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, juge qu’aucun individu n’est véritablement en charge de mener la politique des médicaments en France.
« C’est clairement un échec. Nous sommes aussi obligés de constater qu’il n’y a malheureusement plus personne aux commandes et que la situation est vraiment dramatique« , a déclaré Pauline Londeix, co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, jeudi 6 juillet, lors d’une intervention sur 42mag.fr. Elle réagissait ainsi à la publication d’un rapport sénatorial sur le manque de médicaments en France. C’est après cinq mois de recherche et plus de cinquante auditions d’intervenants dans le domaine de la santé que les sénateurs ont dressé un constat « inquiétant » sur la situation des médicaments en France. « Les conclusions de l’analyse menée par cette commission d’enquête sont tout à fait similaires à celles que nous avons nous-même établies« , souligne Pauline Londeix au nom de l’Observatoire.
franceinfo : Confirmez-vous également l’échec de la politique du médicament en France ?
Pauline Londeix : Effectivement, car malheureusement, les conclusions de l’analyse menée par cette commission d’enquête sont totalement en phase avec le travail que nous avons accompli et les résultats que nous avons obtenus. On peut donc à juste titre parler d’échec. Nous aussi, nous constatons qu’il n’y a plus malheureusement personne aux commandes et que la situation est réellement dramatique. Il faut retenir de cette commission d’enquête que cette réalité indéniable a été mise en lumière non seulement par notre organisation, mais aussi par la société civile et par des sénateurs de différentes tendances politiques qui ont mené cinquante auditions sur une période de six mois et qui sont arrivés aux mêmes conclusions.
L’État dispose-t-il des ressources nécessaires pour améliorer la situation ?
Absolument, l’État peut reprendre en main la politique du médicament. C’est ce que nous clamons depuis longtemps. Les questions, aussi complexes puissent-elles paraitre, sont en fait très simples : il s’agit de garantir le droit fondamental à la santé, de déterminer quels sont les médicaments dont nous avons besoin et comment nous pouvons les produire sur notre territoire, en collaboration avec d’autres pays européens et même d’autres continents. Certains pays, comme le Brésil, ont réussi à le faire. Nous pouvons donc raisonnablement penser qu’un pays comme la France ou un continent comme l’Europe peuvent y parvenir.
Est-ce que cela se profile à l’horizon ?
Notre constat est que nous sommes encore très loin de cette perspective. Nous nous dirigeons plutôt dans la direction opposée, où les firmes sont laissées libres de leurs décisions. Je pense que la commission d’enquête a fortement souligné le manque de conditions imposées aux firmes multinationales bénéficiant d’aides publiques.
« On alloue des aides publiques pour la recherche et le développement ainsi que pour la production, mais nous ne demandons pas de contreparties à ces entreprises. C’est un véritable problème. »
Pauline Londeixsur 42mag.fr
Les sénateurs recommandent la mise en place d’un secrétariat général dédié aux médicaments. Qu’est-ce qui changerait ?
Cela semble vraiment pertinent car nous constatons qu’il n’y a actuellement aucune organisation pour mener de manière efficace la politique pharmaceutique de la France au niveau public, ce qui pose vraiment problème. Une coordination ou une institution, comme un secrétariat, serait donc très intéressante. Toutefois, nous devrons faire attention à la composition de ce secrétariat car il existe des liens et des conflits d’intérêts dans toutes les missions interministérielles existantes que nous estimons extrêmement problématiques. De plus, il faut prendre garde à l’utilisation de cabinets de conseil privés, car cela conduit à des recommandations et des actions de l’État qui ne sont pas forcément en adéquation avec ce dont nous avons besoin pour mener les politiques pharmaceutiques en France.