L’aide militaire de Paris à Kiev a généré une opportunité pour les fabricants français dont le rôle est de fournir à nouveau l’armée française. Cependant, d’importants projets de fourniture d’équipement avaient déjà été mis en place bien avant l’émergence du conflit.
Lors du salon de défense Eurosatory en juin 2022, Emmanuel Macron évoque l’idée d’une « économie de guerre », en réponse à la situation tendue en Ukraine. Le président français insiste sur la nécessité pour les États de renforcer leurs investissements, notamment dans le domaine de la défense, et appelle les industriels à redoubler d’efforts. Ces transformations profondes, selon lui, vont bouleverser le secteur de la défense. Depuis, un important approvisionnement en armes, munitions et véhicules militaires a été envoyé par la France à l’Ukraine, notamment des missiles à longue portée « Scalp ». Ces équipements proviennent souvent des stocks de l’armée française, ce qui nécessite en parallèle d’importants investissements pour les remplacer.
Franceinfo a cherché à comprendre l’impact de la crise ukrainienne sur l’industrie de défense nationale française, qui était déjà engagée dans divers programmes de grande ampleur depuis une dizaine d’années.
Équipements militaires requis en urgence
La France a progressivement révélé le soutien militaire fourni à l’Ukraine depuis février 2022, qui comprend des missiles Mistral et Milan de la société MBDA, des chars légers AMX-10 RC, destinés à être remplacés par un nouveau modèle dans l’armée française, et également des canons automoteurs Caesar, dont 18 ont déjà été envoyés en Ukraine et 12 autres le seront d’ici 2024. Le gouvernement français procède à un « recomplètement » de ces matériels, c’est-à-dire à leur remplacement à l’identique et dans les plus brefs délais.
Le groupe Nexter, fabricant des canons Caesar (5 millions d’euros l’unité), explique à 42mag.fr qu’il accroît son rythme de production pour répondre à la demande : de deux unités par mois avant la guerre en Ukraine, il est passé à quatre et vise six d’ici à la fin de l’année, voire huit à l’horizon 2024.
Nexter précise que l’« économie de guerre » mentionnée par Macron nécessite des prises de risques et a déjà mobilisé un investissement de 150 millions d’euros pour l’achat de matières premières, de machines et le lancement de la production des canons Caesar. Le groupe prévoit également d’embaucher et de former de nombreux opérateurs dans des domaines techniques essentiels.
La France et ses partenaires européens fournissent également une grande quantité de munitions à l’Ukraine, notamment des obus de 155 mm. Les Forges de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées se démènent pour répondre à la demande croissante. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a indiqué que la France compte « doubler » ses livraisons d’obus pour atteindre « 2 000 unités par mois ». Pour ce faire, les Forges de Tarbes prévoient d’accroître leur production en interne.
Une activité en hausse après une période de stagnation
Le général Jean-Marc Duquesne, délégué général du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (Gicat), affirme que de nombreux professionnels du secteur ont pu augmenter leur production grâce à leur marge existante. Et ce, malgré un contexte initial difficile, marqué par une baisse des exportations et une pénurie de composants en raison du Covid-19.
Cependant, la guerre en Ukraine a provoqué une prise de conscience de l’importance d’avoir des stocks suffisants. M. Duquesne rapporte qu’un des défis consiste à passer à une logique d’approvisionnement continu à une logique de stocks.
Grâce à la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030, adoptée récemment par le Parlement, le secteur de la défense bénéficiera d’un budget de 16 milliards d’euros alloué à la production de munitions. Ce changement est bien évidemment influencé par la situation en Ukraine, qui a mis en lumière l’importance stratégique des stocks.
Des programmes majeurs soutiennent déjà le secteur
Jean-Marc Duquesne souligne que la loi de programmation militaire précédente a déjà permis aux industries de défense d’agrandir leurs équipes et d’augmenter leurs cadences de production. Parmi les principaux programmes en cours figure le programme « Scorpion », lancé fin 2014, qui porte sur les « blindés du futur ».
Même si la France est le troisième exportateur mondial d’armement, il faut rester prudent selon le général Duquesne, en raison de la concurrence féroce dans ce secteur. L’autonomie est une question stratégique. Pour l’entreprise Eurenco, par exemple, la production de la poudre explosive pour obus de 155 mm sera rapatriée en France d’ici 2025, avec la construction d’un atelier à Bergerac (Dordogne).