Flore Tercero, une avocate basée à Toulouse, possède une expertise de 25 ans dans le domaine du droit des étrangers. Elle a été en charge de représenter les habitants menacés d’expulsion lors de l’opération Wuambushu qui a eu lieu au printemps dernier. Selon ses propres termes, elle a dû faire face à une véritable machine de guerre.
Le 24 avril 2023 marque le début officiel de l’opération Wuambushu à Mayotte. Cependant, un coup de théâtre survient lorsque la justice suspend la destruction du premier bidonville à Koungu. Le tribunal judiciaire de Mamoudzou est saisi en référé par une vingtaine d’habitants représentés par un collectif d’avocats, dont Flore Tercero, spécialiste du droit des étrangers depuis 25 ans et du barreau de Toulouse. Pour cette avocate, le report de l’opération est une victoire pour les habitants des quartiers des bangas, ces petites habitations insalubres de Mayotte.
Flore Tercero explique que les habitants du quartier de Talus 2 et de Majicavo ont réussi à se faire entendre par les juges et à exprimer les conséquences des décisions prises à leur encontre.
Des centaines de familles sont concernées par une possible expulsion. Flore Tercero fait partie des dix avocats qui défendent ces habitants expulsables. Ils luttent pour protéger les droits de ces familles. Cependant, cette victoire est de courte durée car les destructions des milliers de bangas de Mayotte reprennent malgré les recours.
Flore Tercero dénonce la situation des Français aux Comores ainsi que celle des réfugiés qui n’ont rien à faire là-bas, laissant derrière eux leurs enfants qui les attendent chez eux.
Deux mois après le lancement de Wuambushu, Gérald Darmanin se rend à Mayotte et dresse un bilan positif de l’opération. Le ministre de l’Intérieur constate une baisse de 22 % des violences contre les personnes et une diminution significative du flux d’entrées clandestines. Cependant, dans une tribune publiée dans Le Monde, le collectif d’avocats dénonce l’État qui, selon eux, combat la misère par la violence à Mayotte.
Malgré le soutien de nombreux élus et de la population de Mayotte, une minorité soutient le travail du collectif d’avocats, dont Flore Tercero.
Flore Tercero est fière d’avoir réussi à dénoncer les opérations de démolition illégales et à faire modifier les pratiques illégales de la préfecture en matière de rétention. Elle est heureuse d’avoir pu donner la parole aux habitants des bangas devant la justice.
Malgré cela, Flore Tercero constate avec regret que le tribunal administratif de Mayotte refuse désormais les recours, empêchant ainsi toute nouvelle action en justice. Elle déplore le fait que le tribunal accepte comme preuve absolue les dires de l’administration sans aucune vérification.
Lors de sa visite à Mayotte le 25 juin, Gérald Darmanin qualifie les actions des avocats venus défendre les habitants des bangas de « tourisme juridique ». Flore Tercero réplique en qualifiant les actions du ministre de l’Intérieur de « tourisme démagogique », affirmant qu’il utilise Mayotte comme tremplin politique sans résoudre les problèmes de base de cette île, qui est le département le plus pauvre de France.
Flore Tercero rappelle les lacunes des services publics à Mayotte, notamment le départ des médecins et le manque d’éducation et de transports publics.
Elle dénonce également les éloignements réalisés sans évaluation de la situation personnelle des personnes concernées. Selon elle, l’État français crée des mineurs isolés depuis les années 2010.
Parmi tous les dossiers qu’elle a traités, Flore Tercero considère l’opération Wuambushu comme la plus difficile de sa carrière d’avocate.
Elle dénonce la différenciation territoriale entre Mayotte et la France hexagonale, soulignant que Mayotte compte seulement 27 avocats pour 400 000 habitants, soit un ratio dix fois inférieur à celui de la France hexagonale.
Après cette mission d’urgence, le collectif réfléchit à la possibilité d’installer une présence permanente d’avocats à Mayotte afin de ne pas abandonner les populations locales.