Chaque année, nous déplorons tout de même 40 000 décès. C’est comme si la population de Tarbes disparaissait tous les ans, souligne avec indignation Bernard Basset, docteur expert en santé publique et responsable de l’organisation Addictions France.
Bernard Basset, un praticien de santé publique et président d’Addictions France, a réprimandé ce lundi 11 septembre sur 42mag.fr le « lobby de l’alcool » qu’il accuse d’avoir « corrompu l’ensemble du système de l’État ». Cette remarque survient alors que la cellule d’enquête de Radio France a révélé ce lundi l’annulation par le cabinet de François Braun, ministre de la Santé, de deux campagnes de prévention concernant les dangers de l’alcool au printemps. Parmi ces campagnes, il y en avait une qui devait être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby.
M. Basset soutient que ce lobby a infiltré les structures gouvernementales du pays, depuis le bureau du président en passant par le Premier ministre jusqu’au ministère de la Santé lui-même. Pour remplacer ces campagnes annulées, Santé Publique France a suggéré de réitérer une ancienne campagne de 2019 intitulée « deux verres par jour et pas tous les jours ». Cependant, l’actuel ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a refusé, comme le révèle l’équipe d’enquête de Radio France. Le principal lobby Vin et société, avait adressé au début de cette année, une lettre virulente à Emmanuel Macron pour protester contre la campagne de prévention diffusée pendant les fêtes de fin d’année. Cette campagne soulignait le paradoxe de porter un toast à la santé d’une personne tout en sachant que la consommation d’alcool est nuisible à la santé.
franceinfo : Avez-vous été choqué par ces révélations ?
Bernard Basset : Pas du tout, je ne suis guère surpris. Selon moi, le lobby de l’alcool a gangrené le système Étatique depuis le sommet de l’État jusqu’au ministère de la Santé en passant par le bureau du Premier ministre. Ce lobby a le pouvoir de convaincre les politiques d’annuler les campagnes d’information et influence leurs décisions. Il s’octroie un droit de veto sur les campagnes. En France, il est quasiment impossible de lancer une campagne sur l’alcool en toute liberté. Santé publique France était réputée pour la qualité de ses campagnes. D’ailleurs, celle qui a été déployée en janvier a fait mouche. Elle soulevait une question : peut-on corréler la consommation d’alcool à la santé ? Rien de plus normal que ça ait bouleversé le lobby de l’alcool.
La Coupe du monde de rugby constituait-elle une occasion propice pour lancer une campagne de prévention ?
Nous sommes tous au courant que la consommation de bière, en particulier lors des matches de rugby, multiplie par quatre. Il est donc logique de lancer une campagne correspondante. Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, se trouve dans une position 😒délicate car il a annulé une campagne de sensibilisation. Il a perdu en crédibilité à cause de cet acte alors qu’il voulait promouvoir la prévention. Malheureusement, à chaque fois qu’il parlera de prévention, il subira les reproches concernant l’alcool. Cela impactera son discours sur la prévention pendant des semaines voire des mois.
Avez-vous manifesté votre mécontentement auprès du ministère ?
Nous le faisons constamment. Nous plaidons non seulement auprès du ministère de la Santé mais aussi auprès de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives qu’implique la consommation d’alcool. La prévention est la mission principale de Santé publique France et non pas la diffusion du discours politique ou la communication gouvernementale ni la relance du message d’Emmanuel Macron. C’est la santé qui doit primer, mais hélas, cela ne se passe pas ainsi. Un lobby influent peut bloquer ou modifier les campagnes. Il faut rappeler que la consommation excessive d’alcool est la cause de 40 000 décès chaque année, ce qui équivaut à la population de la ville de Tarbes.
Est-ce approprié lorsque Emmanuel Macron boit une bière d’un trait dans le vestiaire du club de rugby, le Stade Toulousain ?
Cette image est déplacée à deux égards. Non seulement il banalise l’alcool, mais en plus, il semble promouvoir le binge drinking (la consommation excessive d’alcool en peu de temps). Il y a un devoir d’exemplarité de la part du président. Il ne devrait pas diffuser cette image où on aperçoit une consommation d’alcool non contrôlée à la télévision, associée au sport qui plus est. Il a une responsabilité, même s’il forçait sans doute plus sur la communication. Cependant, il a un devoir d’exemplarité.