En 1978, le réalisateur français Christian Lara réalise « Coco la fleur, candidat ». Il s’agit du premier film de fiction à avoir été produit en Guadeloupe, aux Antilles et dans la région des Caraïbes. L’ex-journaliste, qui a toujours eu l’ambition de devenir réalisateur, a ainsi marqué l’histoire du cinéma.
Christian Lara, cinéaste guadeloupéen renommé pour avoir réalisé le premier film de fiction des Antilles, Coco la fleur, candidat (1979), est décédé à 84 ans en Martinique, le 9 septembre, selon des informations de Guadeloupe la 1ère. Lara, qui est né en 1939 à Basse-Terre, a laissé une impressionnante filmographie, avec une vingtaine de films tels que Mamito (1979), Chap’la » (1979), Black (1988), Sucre Amer (1998), 1802, l’épopée guadeloupéenne (2003) et Yafa, le pardon (2020).
Le réalisateur et producteur a souvent souligné l’importance de l’image pour un peuple, affirmant que sans images, un peuple n’existe pas. Depuis la fin des années 70, il s’est consacré à la création d’un « cinéma de son île », c’est-à-dire un cinéma antillais. Selon lui, un film antillais doit être porté par des acteurs principaux antillais, se dérouler idéalement dans les Antilles, comporter des dialogues en créole et être dirigé par un réalisateur d’origine antillaise.
Après avoir débuté dans le cinéma érotique, Lara s’est attaché à donner aux Antillais la possibilité de « se voir enfin à l’écran ». Il se plaisait à rappeler que Coco la fleur, candidat, qui raconte l’histoire d’un conteur illettré mais plein de sagacité plongé dans la politique lors d’une élection législative, avait été à l’affiche pendant un an à Paris. Ce film marquant était porté par « le plus grand acteur antillais » de son temps, Robert Liensol.
Un engagement mémoriel et la promotion de la dignité noire
Lara a toujours œuvré pour « promouvoir l’homme noir » et « sa dignité », comme il l’a souvent confié. À l’instar de son grand-père, Oruno Denis Lara, le premier historien de la Guadeloupe, il a utilisé le cinéma pour décrire « sa réalité », c’est-à-dire celle des Antilles et en particulier de la Guadeloupe. En suivant le conseil du célèbre cinéaste suédois Ingmar Bergman, « Ne filme que ce que tu connais vraiment ! « , il a transposé l’histoire souvent douloureuse de son île natale sur grand écran.
C’est notamment le cas dans 1802, l’épopée guadeloupéenne (2003), qui retrace la lutte des Guadeloupéens pour empêcher le rétablissement de l’esclavage, aboli huit ans auparavant, par Napoléon Bonaparte. La sortie de ce film coïncide avec la première Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, le 10 mai 2006.
Une figure inspirante pour les nouvelles générations
Selon un communiqué du Conseil régional de la Guadeloupe, « La Guadeloupe perd avec la disparition de Christian Lara une grande figure du cinéma, un pionnier pour les réalisateurs guadeloupéens et le milieu du cinéma antillais. Sa carrière de cinquante ans laisse en héritage une filmographie exceptionnelle et novatrice ». Le cinéaste guadeloupéen Frank Salin a confié à 42mag.fr Culture que Christian Lara et Euzhan Palcy « nous ont démontré que c’était possible ».
Christian Lara a été une inspiration pour de nombreux passionnés du cinéma, en particulier aux Antilles. Il considérait le cinéma comme « une vitrine et un miroir » permettant de « mieux se faire connaître », notamment au sein d’une France où les Antillais sont « des citoyens entièrement à part », selon Aimé Césaire, figure de proue de la négritude et homme politique martiniquais.
Au moment de son décès, Lara travaillait sur le long-métrage « L’homme au bâton », une histoire très connue en Guadeloupe qu’il avait décidé de réinterpréter. Durant sa carrière, qui s’étend sur cinq décennies, il a grandement contribué à faire « exister » le cinéma des Outre-Mer. Couronné pour l’ensemble de sa carrière lors du Pan African Film Festival de Los Angeles de 2013, Lara évoquait à cette occasion « la solitude » du pionnier mais surtout du jeune de 14 ans qui rêve de devenir metteur en scène.