Alors que l’État envisage d’instaurer une nouvelle imposition sur les compagnies gérant les autoroutes ainsi que les dirigeants des principaux aéroports, l’inquiétude d’une répercussion sur les tarifs des péages monte en flèche. Quelle est la véritable situation ?
Les conducteurs français ont été récemment saisis d’inquiétude suite à une déclaration du président de Vinci Autoroutes, Pierre Coppey. Selon lui, une augmentation des taxes entraînerait « automatiquement un relèvement des prix des péages », se fondant sur les contrats passés avec l’Etat.
En effet, le budget 2024 envisage une taxe supplémentaire sur les concessions d’autoroute et les grands aéroports. Ce « prélèvement sur les structures de transport longue distance » devrait apporter à l’Etat une recette de 600 millions d’euros annuellement. Cependant, le gouvernement assure que cela n’impactera pas les péages.
Des directives strictes, cependant…
Qui de l’État ou des sociétés autoroutières dit la vérité ? Alors que ces dernières prévoient déjà une répercussion de cet impôt sur les tarifs des péages de l’année prochaine, en réalité, une réglementation précise est censée encadrer ce calcul. Les entreprises autoroutières, comme Vinci, gestionnaire des réseaux ASF ou Cofiroute, Eiffage, détenteur de Sanef, ou Albertis, ne sont pas libres de fixer les tarifs à leur gré. Les révisions tarifaires annuelles, stipulées dans leur contrat de concession et prenant effet le 1er février, sont largement basées sur le taux d »inflation du mois d’octobre précédent (hors tabac) et requièrent l’approbation du gouvernement. Cette régulation a conduit à une augmentation moyenne des tarifs de 4,75% en 2023.
Le litige avec l’État réside dans une clause du contrat qui refuse toute augmentation de la fiscalité spécifique aux concessionnaires, sauf si elle est entièrement compensée. Les concessions stipulent notamment « qu’en cas de modification, de création ou de suppression (…) d’impôt, de taxe ou de redevance dédiée aux sociétés concessionnaires d’autoroutes », celles-ci doivent bénéficier de « mesures de compensation, notamment tarifaires« , comme l’a souligné le Conseil d’État. Les sociétés autoroutières menacent déjà de porter l’affaire devant le Conseil d’État, soit pour annuler cette nouvelle taxe incluse dans le PLF, soit pour autoriser une répercussion sur les automobilistes équivalente à l’augmentation supplémentaire qui leur sera imposée.
« Tout ce qui est autre est des ‘fake news' »
Le gouvernement a vite apaisé les tensions : « Je tiens à rassurer tout le monde : l’imposition des concessionnaires autoroutes n’aura pas d’impact sur les péages, dont les tarifs sont contractuellement fixés et validés par l’État » et qui sont surtout liés à l’inflation, a affirmé à l’AFP Clément Beaune, le ministre des Transports. Il conclut par : « Tout ce qui est autre est des ‘fake news’. »
Cette taxe « n’est pas un impôt spécifiquement créé pour les entreprises autoroutières« , a précisé le ministère des Transports. « Nous avons consulté le Conseil d’État pour nous assurer que nous respectons les règles« , a ajouté Bruno Le Maire.
Une question demeure : y aura-t-il une augmentation du prix des péages ? Selon Vincent Delahaye, sénateur et rapporteur en 2020 d’une commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières, cette taxe est « largement insuffisante » par rapport aux surprofits que réalisent chaque année les exploitants d’autoroutes. « Il semble depuis longtemps que ce sont ces sociétés autoroutières qui gèrent ces contrats et toute la concession« , a-t-il déploré sur 42mag.fr. Et d’affirmer : « Il n’y a aucune raison de céder devant ces sociétés autoroutières« , puisqu’elles prévoient « de réaliser des surprofits jusqu’à la fin de leur contrat de l’ordre de 35 milliards » d’euros. Et d’ajouter: « Le gouvernement doit absolument montrer qui est aux commandes en matière de concession« .
Ce sénateur compare ce montant avec les 600 millions d’euros que doit générer cette taxe, répartis entre les autoroutes et les aéroports. « C’est minime », assure-t-il.