La partie politique de droite a juré de ne pas approuver le texte législatif relatif à l’immigration si celui-ci continue de prévoir la légalisation des employés illégaux dans les « emplois sous pression ». Cependant, elle demande aussi une modification de l’aide à la santé publique, un sujet qui crée des conflits au sein du pouvoir exécutif.
Le projet de loi sur l’immigration, potentiellement explosif, arrive au Sénat le lundi 6 novembre, après avoir été maintes fois différé. Aussi bien la gauche que la droite ont critiqué le projet, tout comme les groupes de défense des migrants.
L’objet de controverses majeures est l’article 3 du projet de loi qui préconise pour les travailleurs sans papiers des régularisations dans les « métiers en tension ». Alors que la droite identifie cela en tant que « ligne rouge », la majorité politique est partagée sur la question de maintenir cet article. D’autres discussions tendues sont attendues concernant la mutation de l’aide médicale d’État (AME) en « aide médicale d’urgence ».
Au départ, la loi du gouvernement ne prévoyait pas une réforme de cette assistance qui donne couverture des frais de santé aux étrangers en situation irrgulière présents en France depuis au moins trois mois et ayant très peu de revenus. Cependant, le projet de loi, après d’être amendé par la commission des lois du Sénat, pilotée par la droite, prévoit maintenant de restreindre les soins de l’AME au « traitement des maladies graves et douleurs aiguës », les « vaccinations obligatoires » et les « soins liés à la grossesse ».
« Appel d’air » de l’immigration selon la droite
Depuis sa création en 2000, l’AME a été ciblée par la droite et l’extrême droite, qui la disent coûter « trop cher » avec un coût annuel d’environ 1,2 milliard d’euros pour 400 000 bénéficiaires, ce qui représente 0,5% des dépenses de l’Assurance maladie. Pour Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, l’AME est un « appel d’air » pour l’immigration clandestine et donne accès à une offre de soins quasi semblable à celle des résidents en France.
Un rapport de 2019 de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, précisait que l’offre d’un socle de soins minimum aux étrangers en situation irrégulière était obligatoire, principalement en raison des engagements internationaux de la France. Cependant, ce rapport mettait aussi en lumière que l’AME était « l’un des systèmes les plus généreux de l’Union européenne ».
Ceci étant, le rapport recommandait « d’explorer avec précaution toute modification de l’AME (…), en particulier une nouvelle réduction du panier de soins ». Une telle réduction pourrait être « inefficace en termes de dépenses publiques » et accroître « les risques de santé non négligeables ».
Divisions au sein du gouvernement
Il existe une division nette au sein du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, cherchant à compromettre avec la droite, s’est dit personnellement en faveur d’une restriction de l’AME. Cela a provoqué la colère d’une partie du gouvernement. De l’autre côté, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement et médecin, a confirmé être en « vrai désaccord » avec le ministre de l’Intérieur en défendant le système actuel. Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau est également opposé à la suppression de ce « dispositif de santé publique ».
Un pré-rapport pour décider
Pour apaiser les tensions, la première ministre, Elisabeth Borne, a donné à deux hommes politiques d’orientation opposée la possibilité d’étudier l’appareil : Patrick Stéfanini, de la droite, un expert en matière d’immigration et Claude Evin, ancien ministre des affaires sociales du Parti socialiste (PS).
Un pré-rapport, avant le rapport définitif qui doit être présenté le 2 décembre, a été présenté au cabinet du premier ministre le 2 novembre. Ils ont suggéré des adaptations de l’AME, telle que sa limitation temporelle, estimant qu’une aide trop longue peut encourager à rester dans l’ombre.
Finalement, pour conserver le vote de la droite, la majorité pourrait envisager de céder certaines choses à LR. Cela permettrait d’éviter une autre adoption d’un texte sans vote via l’utilisation de l’article 49.3 de la constitution française.