Le cinéaste originaire du Chili réalise un premier film remarquable et militant, mettant en lumière une partie peu connue de l’histoire de sa nation : l’annihilation des peuples indigènes. Il ne fait aucun compromis dans ce domaine.
« Moi, Rosa, appartenir à votre nation en buvant ce thé ? Jamais! », répond bravement une femme indigène de l’État chilien. Elle résiste à la tentative de manipulation politique qui la pousse à se laisser photographier dans le but de donner l’illusion d’une intégration forcée. C’est une illustration émouvante de la tragédie du massacre des peuples originels du Chili.
Projeté en salle le mercredi 20 décembre, le film Los Colonos (Les Colons) est un poignant plaidoyer contre le colonialisme. De façon tranchante et analytique, le réalisateur, Felipe Gálvez, fait la lumière sur une phase douloureuse de l’histoire du pays. Il n’hésite pas à pointer du doigt les coupables. Pour sa première réalisation en long métrage, le jeune réalisateur réalise un thriller historique puissant et sans détour.
Au nom de la civilisation
Le film début comme un western. À cheval, des pistoleros veillent à ce que les travailleurs terminent de clôturer d’immenses étendues de terre à perte de vue. Aucun arbre, aucune montagne ne vient masquer le souffle du vent. Il apparaît rapidement qu’une structure sociale est gravée dans le sang : les propriétaires terriens, leurs hommes de main, et les peuples indigènes, traités avec mépris. Ces derniers sont employés par les propriétaires ou sont pourchassés et tués. Les gens du peuple sont aussi liquidés dès qu’ils ne sont plus utiles. « Un manchot ne vaut rien ici », déclare un homme armé à un ouvrier qui vient de perdre un bras, avant de l’exécuter devant tout le monde.
Nous sommes en 1901 au Chili, un riche propriétaire terrien, José Menendez, engage trois cavaliers – un Anglais, un Américain et un métis – pour expulser les populations autochtones de ses terres et ouvrir un chemin vers l’Atlantique. Le cavalier métis, Segundo, voit son peuple exterminé au nom de la civilisation.
Terres vierges
Proclamant l’inviolabilité de la loi sur la propriété, les territoires sont débarrassés de leurs occupants. Les Indigènes sont déshumanisés, perçus comme un « problème », des criminels sans pardon. C’est une situation déjà rencontrée ailleurs. L’extermination peut commencer. Des vagues de viols et de massacres se succèdent. Que fait Segundo ? Il n’est ni blanc, ni indien. Il est entre les deux. Ne rien faire, c’est déjà un choix. Felipe Gálvez tend un miroir sans complaisance à tous les acteurs. Un génocide n’épargne personne. Qui sont ceux qui profitent ? Qui sont leurs complices ? Quel est le rôle des autorités ?
Le mérite de ce film est d’assumer sa responsabilité en désignant clairement les faits plutôt que de se cacher derrière une pseudo-neutralité historique. Au Chili, comme dans de nombreux pays, l’Histoire est rédigée par les vainqueurs. Au Chili, le peuple indigène a presque disparu. Les Colons, un film intransigeant sur l’extermination des Indiens. Felipe Gálvez, un cinéaste brillant et engagé.
La fiche
Titre : Los Colonos (Les Colons)
Réalisation : Felipe Gálvez
Année de production : 2023
Durée : 97 minutes
Distribution : Dulac Distribution
Synopsis : Terre de Feu, République du Chili, 1901. Un vaste territoire fertile que l’aristocratie blanche cherche à « civiliser ». Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien, José Menendez, pour évincer les populations autochtones de leurs terres et tracer une route vers l’Atlantique. Placé sous les ordres du lieutenant MacLennan, un soldat britannique, et d’un mercenaire américain, le jeune métis chilien, Segundo, découvre le coût de la construction d’une jeune nation, sous forme de violence et de tromperie.