Le metteur en scène de « La Marche de l’Empereur » continue son travail documentaire sur le climat de l’Antarctique avec son nouveau film « Voyage au pôle Sud ». Cette fois-ci, il choisit de nous présenter son travail sous l’aspect d’un journal de voyage en noir et blanc.
Luc Jacquet, connu et récompensé par un Oscar pour son film documentaire La Marche de l’Empereur en 2006, renoue avec l’Antarctique, son terrain de prédilection, pour une nouvelle production dans les salles de cinéma à partir du mercredi 20 décembre : Voyage au pôle Sud. Ce long-métrage en noir et blanc adopte une approche introspective et poétique, dépeignant fidèlement le vécu de l’auteur.
« Être au coeur de l’inlandsis, cette immensité blanche infinie, transforme totalement votre être, » confie Luc Jacquet à l’AFP. « Chaque visite est une expérience renversante. » À 56 ans, Jacquet a une longue histoire avec l’Antarctique ; son premier contact remonte à 1992, suite à sa sélection pour une mission ornithologique du CNRS.
Lors de cette aventure, il fait ses premiers pas en tant que caméraman auprès du réalisateur suisse Hans-Ulrich Schlumpf dans le cadre de la réalisation de son documentaire Le Congrès des pingouins, sorti en 1994. Depuis, Luc Jacquet, toujours âgé de 56 ans, ne cesse d’explorer et de documenter les beautés glacées de l’Antarctique, notamment à travers ses films La marche de l’Empereur (2005), La Glace et le Ciel (2015) et maintenant Voyage au pôle Sud (2023).
Cependant, au fil du temps et des explorations, le regard du réalisateur s’adapte à l’extraordinaire environnement qui l’entoure, et la routine finit par se faire sentir, même chez les manchots ! « L’humain a une incroyable faculté d’acclimatation. Je me souviens, à la fin d’une expédition, à quel point on finit par ne plus prêter attention aux manchots qui nous entourent, ce qui est assez désolant… », admet-il.
Un constat douloureux
« C’est la conscience du bouleversement du monde qui rend chaque voyage plus lourd, plus chargé en émotions, » confie Luc Jacquet, formé en écologie. « Le sentiment de perte et d’extinction est partout. La solastalgie » (la détresse psychologique liée à l’érosion des écosystèmes) « prend une signification particulièrement forte pour moi. »
« Quand vous vous retrouvez sur la plateforme Larsen » (un segment de la côte est de l’Antarctique), « vous êtes confronté à un immense vide laissé par la fonte des glaces. Mais inutile d’aller jusque là : vous ressentez la même prise de conscience en contemplant la disparition de la Mer de glace dans les Alpes. Impossible d’y échapper. »
Se détacher des discours moralisateurs
« Je suis profondément touché par les histoires que les paysages me racontent. Et en même temps, je crois qu’on a droit à notre place dans le monde, » continue Luc Jacquet. Ce nouveau documentaire est pour lui une affirmation du « droit d’être en symbiose avec la nature, de puiser notre énergie dans l’immensité de ce jardin qu’est notre planète, sans se sentir accablé par une culpabilité permanente. On se doit de jouir des moments authentiques, purs, viscéraux que seule la nature peut apporter. Cela n’empêche pas d’être conscient, engagé, de vouloir agir. »
« Pour ce film, je voulais me recentrer sur la beauté de l’environnement, en m’éloignant des discours et des leçons moralisantes, car je crois qu’ils sont peu efficaces », ajoute le réalisateur. « Les images sont un moyen d’expression qui dépasse notre incapacité à verbaliser les choses, elles transmettent une émotion plus immédiate, plus profonde, plus expressive. Je me sens extraordinairement privilégié, chanceux de vivre de telles expériences. Le moins que je puisse faire, c’est de les partager. »